Retour sur le parcours d'Emilio Ferrera: "Il avait dix ans d’avance sur son temps"
Ce vendredi, Ferrera, le T1 bis de Preud’homme, retrouvera le club qui a lancé sa carrière en D1 belge
- Publié le 03-08-2018 à 09h59
Ce vendredi, Ferrera, le T1 bis de Preud’homme, retrouvera le club qui a lancé sa carrière en D1 belge
Détesté par certains pour son tempérament plutôt froid, adoré par d’autres pour son professionnalisme exacerbé et ses connaissances technico-tactiques hors norme, le T1 bis du Standard, Emilio Ferrera, ne laisse personne indifférent. "Emilio sera entraîneur principal tout comme moi", assurait Michel Preud’homme lors de son retour. Ce vendredi, à l’occasion de cette deuxième journée de Pro League, Emilio Ferrera reviendra à Beveren, là où tout a commencé pour lui en D1 belge en 1997 (il croisera également la route de son neveu, Yannick, avec qui il a coupé les ponts depuis longtemps déjà).
L’occasion de se pencher sur le parcours atypique de cet ancien professeur d’éducation physique loué pour ses compétences footballistiques mais également décrié pour son relationnel.
"Emilio ne se livre qu’aux gens qui sont intimes avec lui", nous glisse un proche. "C’est un homme très charmant. Quand il entre dans le monde du football, il devient quelqu’un d’autre, un monstre de professionnalisme."
C’est avant tout pour cela que Michel Preud’homme a souhaité que le coach de 51 ans l’accompagne dans son projet à long terme de restabilisation du Standard.
"Emilio aura aussi une double casquette. Non seulement il va travailler avec les pros, mais il va aussi chapeauter le travail qui va être fait avec les jeunes. Il doit y avoir une certaine continuité dans le travail afin de mettre les jeunes de l’Académie dans de meilleures conditions avec des exercices adaptés", avait également annoncé MPH.
Ancien milieu de terrain plutôt aisé techniquement, Emilio Ferrera a de suite eu la fibre du coaching en lui. En 1991, à seulement 24 ans, il prend en charge l’équipe de P2 du Racing de Bruxelles.
Trois ans plus tard, à 27 ans et son diplôme d’entraîneur (obtenu avec grande distinction) sous le bras, Emilio Ferrera est embauché à l’autre bout de la planète, au Mexique (où il a fait la connaissance de Marcelo Bielsa avec qui il est toujours en contact), dans le plus grand club du pays, l’America, par un monstre du football mondial : Leo Beenhakker. "Ce dernier a été charmé par ses compétences tactiques. Au départ de Beenhakker, Emilio a même été entraîneur durant quelques semaines."
De retour en Belgique, Ferrera se retrouve à Lombeek en promotion. Rapidement, il y fait l’unanimité. "C’est là qu’il s’est fait ses armes dans un vestiaire pas facile à gérer avec des joueurs d’expérience qui l’ont, malgré sa jeunesse, directement accepté."
À LOMBEEK, on décèle de suite son talent. "C’est un visionnaire, il sait prédire comment le match va se dérouler et est capable d’anticiper les événements. Il a dix ans d’avance sur son temps", disait-on de lui à l’époque avant qu’il ne s’engage au Racing Jet de Wavre où, là encore, ses qualités étaient louées. "Il était bien trop professionnel pour nous. Il a apporté énormément au club."
Sa première expérience en D1, Emilio Ferrera va la vivre à Beveren. Au Freethiel, il innove en s’inspirant des techniques d’entraînements prônées en Espagne. Ferrera utilise… des ficelles pour délimiter les zones du terrain. "Il a avalé un ballon quand il était petit. Il est arrivé avec des séances très particulières, en zone", assurait, à l’époque, Eddy De Bolle qui s’occupait du scouting. "L’utilisation des ficelles, c’était nouveau en Belgique. Aujourd’hui, les terrains des clubs belges sont presque tous délimités en zone pour les entraînements spécifiques", nous confie encore un de ses proches.
Après Beveren, Emilio Ferrera enchaînera les expériences avec le RWDM, le Lierse, le Brussels, La Louvière ou encore le Club de Bruges où Marc Degryse croyait énormément en lui, avant de prendre la route de l’étranger et de la Grèce notamment.
Il y a sept ans, les chemins d’Emilio Ferrera et Michel Preud’homme se croisent pour la première fois. "Lorsqu’on bossait ensemble au Standard, Manu (le frère d’Emilio) m’avait dit que je devrais travailler avec Emilio, qu’on avait la même philosophie", assurait MPH en juin dernier.
Ce que Ferrera apporte à Preud’homme, en plus de ses compétences, c’est son côté rationnel, aux antipodes des réactions émotionnelles que le coach liégeois peut afficher.
Le duo fonctionne à merveille et c’est sans surprise que MPH a de nouveau fait appel à lui cet été (s’il avait signé à Bordeaux, Ferrera l’aurait également accompagné) pour remettre le Standard dans le droit chemin : celui qui mène au sommet du football belge
"Si Saelemakers est chez les pros, c’est grâce à lui"
Herman Van Holsbeeck a bien connu Emilio Ferrera au Lierse et à Anderlecht
"Aujourd’hui, je peux dire qu’Emilio fait partie de mes amis." Les propos sont tenus par Herman Van Holsbeeck. L’ancien manager du Sporting d’Anderlecht connaît le T1 bis du Standard depuis près de vingt ans et il l’assure : "Emilio, il faut le prendre pour ses qualités."
La relation entre les deux hommes ne s’est pas toujours apparentée à un long fleuve tranquille. "J’ai bossé avec lui lorsque nous étions au Lierse. Il avait d’énormes capacités. On s’est ensuite brouillé et le courant n’est plus passé pendant des années. Devenus trop vieux pour rester sur ce malentendu, nous avons eu une explication et, aujourd’hui, je peux dire qu’Emilio est un ami."
Un ami qu’il a fait venir à Anderlecht en 2017. "Je voulais, avec Jean Kindermans, avoir un homme sur le terrain qui serait capable d’inculquer son savoir à tous nos entraîneurs de jeunes."
Mais l’expérience a tourné court. "Je l’ai alors mis à la tête des U21 et je dois dire que le travail qu’il y a réalisé (NdlR : il est devenu champion) n’a pas eu la médiatisation qu’il méritait."
Avec les jeunes pousses anderlechtoises, Emilio Ferrera a réalisé des prouesses. "En début de saison, on m’avait dit de cette équipe qu’elle était moyenne, sans grands talents. À l’arrivée, cette équipe a été championne et de nombreux joueurs ont pu être repris chez les pros."
Si certains jeunes figurent actuellement dans le groupe d’Hein Vanhaezebrouck, c’est en grande partie grâce à Emilio Ferrera selon Herman Van Holsbeeck. "Le meilleur exemple reste Alexis Saelemaekers. Les jeunes sont répartis en catégories allant de A à C. Alexis se situait entre le B et le C. Sous Ferrera, il a énormément progressé. C’est lui qui l’a changé de position par exemple et si aujourd’hui, Alexis est promis à un bel avenir, c’est en grande partie à Emilio qu’il le doit. Et il n’est pas le seul. Des joueurs comme Kayembe, Amuzu ou Bornauw ont évolué à son contact."
Présent vendredi dernier à Sclessin, Van Holsbeeck a déjà retrouvé des principes de jeu prônés par Ferrera. "Notamment dans l’organisation défensive. C’est là qu’il y aura une grosse évolution au Standard. Vous savez, si Michel Preud’homme, qui est une sommité en Belgique, a décidé de l’avoir à ses côtés, c’est qu’il a de grosses qualités."
Quant au côté impopulaire de Ferrera, Van Holsbeeck tempère. "C’est un fanatique de football qui n’a pas pris le temps de se faire de la publicité dans un monde où les coaches se vendent de plus en plus. Il est concentré à 100 % sur son boulot. Quant à l’homme, il faut le connaître. Je peux vous dire que c’est quelqu’un de gentil et juste. Peu de gens le savent, mais il a adopté un jeune enfant. On ne fait pas ça si on n’a pas de cœur."
Tout au long de son parcours, Emilio Ferrera s’est fait des ennemis, mais également des alliés. Aloys Nong fait partie de cette deuxième catégorie. En 2004, alors qu’il y a six mois qu’il est au Brussels et qu’il s’apprête à découvrir la première division, le Camerounais devient l’attaquant numéro un d’Emilio Ferrera.
"Il m’a toujours protégé comme un père, même lorsque cela n’allait pas pour moi", lance-t-il. Il a également fallu que l’attaquant compose avec le caractère de son coach. "C’est vrai que, de prime abord, il est un peu froid. Le contact avec ses joueurs n’était pas facilité par cette barrière qu’il avait mise entre eux et lui. Il partait du principe que, pour réussir, c’était nécessaire. On pouvait néanmoins lui parler, il n’était pas réfractaire."
"Il est dans le Top 5 en Belgique"
Aloys Nong se souvient parfaitement des entraînements tactiques d’Emilio Ferrera.
"Il a été le premier à ne plus utiliser de cônes, mais des ficelles ou des cordes pour délimiter les zones du terrain en fonction du travail à effectuer. Au début, on trouvait ça un peu bizarre. On se demandait si on n’allait pas se casser la figure. Mais cela s’est avéré bénéfique. Il ne laissait rien au hasard et chaque détail avait son importance."
Au Brussels, la consigne était claire pour les hommes de Ferrera. "On jouait le contre. Une fois le ballon récupéré, on devait, nous les attaquants, se projeter rapidement vers l’avant. Lorsqu’on était dépossédé du cuir, il fallait faire la faute professionnelle. Il aimait bien le style de jeu prôné par le FC Porto de José Mourinho. Il nous montrait d’ailleurs souvent des vidéos de Porto."
Professionnel, Emilio Ferrera l’était selon Aloys Nong. "À la mi-temps des matches, je ne sais pas comment il faisait, mais on avait déjà droit aux images de la première période. Cela nous permettait de voir directement nos erreurs, on ne pouvait pas se cacher."
Tactiquement, Emilio Ferrera a donc impressionné l’ancien attaquant du Standard. "Pour moi, c’est le meilleur que j’ai connu à ce niveau. Emilio Ferrera fait partie du Top 5 des meilleurs entraîneurs belges. Je pense qu’il a su évoluer tout au long de ses expériences. Le fait qu’il ait accepté de devenir adjoint le prouve car, Emilio, c’est définitivement bien un T1 . Son duo avec Preud’homme va très bien fonctionner, j’en suis persuadé."