Moussa Djenepo se livre: "Si je prends la grosse tête, je risque de tout perdre"
Calme, humble et posé, Moussa Djenepo, l’homme fort du moment à Sclessin, revient pour la première fois sur sa fulgurante évolution.
- Publié le 20-10-2018 à 09h57
- Mis à jour le 20-10-2018 à 10h24
Calme, humble et posé, Moussa Djenepo, l’homme fort du moment à Sclessin, revient pour la première fois sur sa fulgurante évolution. "Moussa est un diamant brut qu’il faut polir."
Les mots, forts, lâchés par Michel Preud’homme en début de saison, ont trouvé écho chez la pépite malienne de Sclessin. À 20 ans, et un an et demi après son arrivée en bord de Meuse, Moussa Djenepo est devenu la nouvelle coqueluche des fans rouches. Mais l’international malien ne s’enflamme pas. Djenepo sait d’où il vient. Entretien.
Moussa, en mars 2017, vous débarquez du Mali sous la forme d’un prêt avec option. Ressentiez-vous la pression de convaincre ?
"Pas du tout. Cela m’a surtout excité. J’avais confiance en moi et je me disais que si je travaillais comme je l’ai toujours fait, cela devait payer. Quand on m’a dit que l’option allait être levée, j’étais évidemment aux anges."
C’est sous les ordres d’Alexandre Chteline que l’aventure commence.
"Il a été très important pour moi car il restera à jamais mon premier coach en Europe. Il croyait en moi et m’a soutenu. Après chaque entraînement, il me parlait et me prodiguait des conseils. Il m’a énormément aidé. On n’a pas passé beaucoup de temps ensemble mais il a été primordial dans mon adaptation."
Très rapidement, l’option est levée et vous débutez la saison dernière avec les pros.
"J’étais en vacances au Mali lorsque j’ai reçu un message me stipulant que je devais reprendre avec les pros. Je me suis rapidement mis au travail pour être prêt d’entrée car je savais que ce ne serait pas aisé. Tout est allé très vite mais je n’ai pas eu peur. J’avais envie de me mesurer à l’intensité d’un noyau professionnel. J’avais soif d’apprendre."
Réginal Goreux vous a alors pris sous son aile.
"C’est un grand frère. Il est toujours là pour moi quand j’ai besoin de quelque chose. Régi est un personnage très important dans la vie du club. C’est une bonne personne, quelqu’un de bien."
Vous marquez lors du premier match de préparation et vous explosez de joie, pourquoi ?
"C’était mon tout premier but chez les pros. Je me suis dit que c’était le début du commencement (rires) ."
Vous foncez ensuite dans les bras de Sa Pinto. Lui aussi aura été important dans votre développement.
"Il m’a lancé dans le grand bain. On avait une bonne relation, il m’aimait bien et me parlait énormément. Il a su me donner sa confiance et pour ça, je dois lui en être reconnaissant. Il me disait sans cesse que j’avais du talent mais qu’il ne servirait à rien sans travail. Il insistait surtout sur l’aspect tactique, me donnant énormément de conseils sur, notamment, la façon de défendre."
À l’arrivée, vous comptez 22 apparitions pour 175 minutes de temps de jeu la saison dernière, c’était suffisant à vos yeux ?
"J’en voulais plus. Parfois, je ne jouais pas et cela me faisait mal mais, je comprenais parfaitement. Je savais que je devais grandir, que j’étais en apprentissage. L’essentiel, c’était de faire partie de ce groupe et à force de travailler, ma chance allait arriver."
Les grands moments de votre saison auront été ce but à Ostende et la victoire en Coupe.
"Le meilleur souvenir, c’était ce but à Ostende. Cela faisait partie de mes objectifs. Je m’entraînais avec le groupe, j’avais du temps de jeu mais je devais aussi apporter ma pierre à l’édifice, être décisif. Quant à la finale, c’était un moment intense. Un an après mon arrivée, j’écrivais la première ligne de mon palmarès européen."
Cet été, quelles étaient vos ambitions ?
"Je suis toujours en phase d’apprentissage. Je voulais encore progresser et mettre en pratique tout ce que j’ai appris depuis que je suis arrivé. Mon objectif était de jouer beaucoup de rencontres et de me faire une place dans cette équipe."
Avec 14 apparitions dont 10 titularisations, estimez-vous y être parvenu ?
"Je me suis fait une place que je dois la défendre, elle ne sera jamais acquise. Croire le contraire me ferait tomber de haut. Je dois redoubler d’efforts pour garder la confiance du coach."
En début de saison, vous profitez du départ d’Edmilson et de l’absence de Carcela pour débuter. Était-ce le moment de saisir votre chance ?
"Si le coach m’a accordé sa confiance, c’est que je le méritais. Je devais tout donner pour lui prouver qu’il ne s’était pas trompé."
Quel a été son discours ?
"Il m’a dit : ‘Je veux t’amener au sommet .’ Cela m’a fait quelque chose et a décuplé ma motivation. Il me parle souvent et je lui demande également des conseils tous les jours. Il en va de même avec Emilio Ferrera. C’est à moi d’apprendre d’eux."
Après avoir inscrit votre premier but pour votre première titularisation contre Gand, vous récidivez en Europa League à Séville.
"Ce but restera à jamais dans ma mémoire au même titre que la gifle reçue ce soir-là. Être content d’avoir inscrit mon premier but européen alors qu’on a pris 5-1 ? C’était inconcevable."
Aujourd’hui, votre statut a changé et les regards sont tournés vers vous. Est-ce difficile à gérer ?
"Non car, encore une fois, je ne m’enflamme pas. Il y a un an, personne ne me connaissait et on ne parlait pas de moi. Si cela a changé, c’est que j’ai fait du bon boulot."
Vous avez tout de même pris une autre dimension.
"Le statut, c’est illusoire. C’est le terrain qui parle. Moi, dans ma tête, je suis toujours le même Moussa Djenepo. Mon statut change car je joue beaucoup de matches mais, moi, je ne change pas."
Accepteriez-vous de retourner sur le banc ?
"Bien sûr. Je suis toujours en apprentissage. Le coach aura toujours besoin de moi et quand ce sera le cas, je serai prêt."
Malgré votre fulgurante ascension, vous gardez la tête froide.
"Si je prends la grosse tête, je risque de tout perdre. Je suis comme ça, humble, c’est dans ma nature, cela m’a été transmis par mes parents. Même si je joue beaucoup de matches cette saison, je suis toujours en apprentissage et je dois améliorer bien des aspects de mon jeu."
Avez-vous un plan de carrière ?
"Pour le moment, je veux juste grandir et quand je serai prêt, il sera temps d’y penser."
"J’ai besoin de sa bénédiction"
Moussa Djenepo célèbre tous ses buts en mimant un appel téléphonique à sa maman, Aminata
Depuis plusieurs semaines, Moussa Djenepo a pris l’habitude de célébrer chacun de ses buts en mimant un appel téléphonique avec sa main droite. S’il est amusant, ce geste n’en a pas moins sa signification.
"C’est pour ma maman", nous confie-t-il. "Avant chaque match, je l’appelle. Je lui dis toujours la même chose : ‘Maman, on va partir au stade.’ Elle me répond également toujours la même chose : ‘Prends soin de toi, tu as ma bénédiction.’ J’ai besoin de l’entendre. Depuis tout petit, avant de partir jouer au foot, il fallait que je lui parle. Elle me manque et l’entendre, c’est une force pour moi. Concernant ma célébration, je l’avais prévenue que je ferais quelque chose pour elle. Je le ferai à chaque fois."
Pour le Standardman, la famille, c’est sacré. Sa maman, Aminata, joue un rôle prépondérant dans la vie de son footballeur de fils. "Elle a toujours été là pour moi, c’est elle qui m’achetait mes premiers ballons. Elle a fait des sacrifices pour que je réussisse. Aujourd’hui, en tant qu’aîné de ma famille (NdlR : il a un petit frère et une petite sœur), j’aide les miens autant que je peux."
En devenant footballeur, Moussa Djenepo a ponctué l’œuvre de son paternel, Bayon.
"Il jouait aussi en D1 au Mali en tant qu’ailier. Mais ce n’était pas suffisant pour faire vivre la famille. Étais-je obligé de jouer au foot ? Non, mais c’était une évidence pour moi dès mes premiers pas. Je n’étais pas mauvais à l’école, j’étais même dans les cinq premiers, mais je brossais souvent les cours pour aller taper la balle avec mes potes."
Sa grand-mère paternelle, qui a également participé à l’éducation du jeune Moussa, Yéya, recevait la visite de ses professeurs. "Elle me faisait la leçon (rires). Elle aussi a été importante pour mon développement. Elle est comme une 2e mère à mes yeux."
En Bref...
Le match à mouscron: "Au Canonnier avec la même mentalité que contre Bruges"
Après un début de saison en dents de scie, le Standard a retrouvé de sa superbe ces derniers temps. "Il a fallu le temps qu’on se familiarise avec le nouveau style de jeu ; c’était logique qu’il y ait un temps d’adaptation", précise Djenepo. "Contre Bruges, on a produit un beau football, réalisant assurément un de nos meilleurs matches depuis le début de la saison. J’espère qu’on va continuer à se battre comme ça."
À commencer par ce samedi à Mouscron face à la lanterne rouge. "On doit aller là-bas avec la même mentalité que celle affichée contre Bruges. Ce n’est pas parce que Mouscron est dernier qu’il faut se dire que ce sera facile. Le foot c’est aussi ça : tu peux battre le leader et perdre contre le dernier. À nous d’être vigilants."
Sa technique: "Au quartier, je prenais des coups en dribblant les grands"
C’est sur un terrain vague jouxtant sa maison familiale à Mopti que Moussa Djenepo s’est construit. "C’est sur les terrains vagues dans mon quartier de Ganga que j’ai développé ma technique. Mon geste préféré, c’est le passement de jambes. Plus jeune, j’ai énormément regardé des vidéos de Ronaldinho ou encore Cristiano Ronaldo. Je m’en suis inspiré. C’est sur ces terrains-là que j’ai appris ce que c’était de prendre des coups. Là-bas, c’est rude. Je jouais contre ce qu’on appelle les grands frères, les joueurs plus âgés. Ces derniers acceptaient mal de se faire dribbler par un ‘petit’; c’est une honte pour eux. Mais cela ne me faisait pas peur, je me relevais et je recommençais. Aujourd’hui, je n’ai également pas peur de prendre des coups sur un terrain."
L’équipe nationale: "Petit, je disais à ma grand-mère que je voulais être international"
Il y a un peu plus d’un an, Moussa Djenepo effectuait ses premiers pas avec l’équipe A du Mali face à la Côte d’Ivoire. "J’étais monté après 30 minutes de jeu en remplacement d’Adama Traoré, je m’en souviendrai toujours", précise celui qui, enfant, s’était fixé un but bien précis. "Petit, j’étais toujours scotché à la télévision pour les matches de l’équipe nationale. Je disais alors à ma grand-mère : ‘Je veux jouer pour le Mali.’ Ce à quoi elle me répondait : ‘Tu es encore trop petit, un jour peut-être.’ Mais déjà à ce moment-là, je voulais porter les couleurs de mon pays. Comme tous les gosses, j’avais des idoles comme Frédéric Kanouté (NdlR : avec qui il a travaillé au Yeelen Olympique). Aujourd’hui, c’est devenu un proche à qui je parle très souvent. Il est d’ailleurs venu me voir récemment à Liège."
Humanitaire: "Je veux créer une fondation à Mopti"
Cet été, Moussa Djenepo a organisé un match caritatif et un festival au profit des orphelins de sa ville natale, Mopti. "Cela s’appelle le Festifoot. Je sais combien la vie à Mopti est rude et c’est pour soulager les habitants que j’ai organisé ce match. J’ai invité mes amis de la sélection U20 pour ce match qui était suivi d’un concert. Il y avait beaucoup de monde et on a pu récolter une belle somme pour l’orphelinat." Beaucoup de monde mais pas de Moussa Djenepo. "C’était la veille de la reprise des entraînements que je ne voulais absolument pas rater." À seulement 20 ans, Moussa Djenepo est plein de projets. "J’ai envie de créer une fondation à Mopti pour, tous les trois mois, faire des dons aux orphelinats ou encore aux mosquées."