Le 50-50 de Laurent Depoitre: "Lukaku et Benteke ont une longueur d'avance pour la liste des 23"
Passé de la D3 aux Diables rouges en quatre ans, Laurent Depoitre avait forcément des choses à raconter. Rien de tel qu'un entretien en 50 questions pour tout savoir de celui qui emmènera l'attaque buffalo ce mercredi dans un huitième de finale de Ligue des Champions historique. Rencontre.
- Publié le 17-02-2016 à 10h22
- Mis à jour le 17-02-2016 à 11h54
Passé de la D3 aux Diables rouges en quatre ans, Laurent Depoitre avait forcément des choses à raconter. Rien de tel qu'un entretien en 50 questions pour tout savoir de celui qui emmènera l'attaque buffalo ce mercredi dans un huitième de finale de Ligue des Champions historique. Rencontre.
Après avoir rencontré Hein Vanhaezebrouck, Franck Berrieret Emilio Ferreradans les trois premiers volets de cette rubrique mensuelle, place à un Diable rouge. S'il sait qu'il ne part pas favori en vue de la liste des 23, la jurisprudence Divock Origi fait que le Gantois pourrait alimenter les marquoirs de l'Euro l'été prochain envers et contre tous les pronostics... Outre l'équipe nationale, il est aussi question dans cet entretien du huitième de finale de C1 à venir contre Wolfsburg, de Gand et du transfert en Premier League que tout le monde lui prédit.
C'est par un grand soleil d'hiver que nous nous sommes rendus dans la magnifique Ghelamco Arena pour retrouver Laurent Depoitre, tout juste sorti de l'entraînement. Quand on salue le Diable rouge au 3e étage de l'écrin buffalo, il est déjà au duel avec notre photographe. Sous les flashs comme sur le terrain, le gaillard fait le travail bien qu'il soit moins à l'aise devant l'objectif que devant le but. Et lorsqu'il s'agit de débuter ce long entretien, le Tournaisien nous emmène dans une grande loge qui surplombe la tribune d'honneur: "Je pense que c'est la loge du président, mais ce n'est pas très grave". La simplicité gantoise, sans doute...
1 | Le nouveau statut de Gand fait que vous jouez contre des adversaires de plus en plus regroupés défensivement. Pour un attaquant, ça doit être dérangeant...
C'est sûr qu'on est beaucoup plus attendu maintenant. La plupart des équipes jouent avec deux lignes défensives pour nous contrer, dès le coup d'envoi. Quand t'es attaquant, tu as beaucoup moins d'espace et c'est plus difficile de toucher des ballons. On l'a encore vu contre Bruges en Coupe, c'est soi-disant un candidat au titre mais ils arrivent chez nous au match aller et jouent super bas… Est-ce flatteur ? Dans un sens, oui. Mais ce ne sont pas les matches les plus gais à jouer. En Coupe d'Europe, contre des équipes qui offrent plus d'espaces et plus de jeu, on prend plus de plaisir. Mais il faut évidemment faire le travail dans les matches plus fermés.
2 | Sentez-vous également une différence au niveau de l'engagement physique ? Vos chevilles sont-elles plus titillées que la saison dernière ?
Les équipes entrent plus facilement dans un duel physique, nous rentrent dedans. On doit s'adapter à ça. Mais on ne s'est pas forcément dit qu'on subissait plus de provocations qu'avant. L'ambiance en général reste bonne, il y a peu de vraie rivalité, sauf avec Bruges. J'ai l'impression que les gens aiment La Gantoise, on a moins de rivalités que le Standard ou Anderlecht par exemple…
3 | Hein Vanhaezebrouck évoque lui-même un temps d'adaptation nécessaire à son système, qui varie d'un joueur à l'autre. Comment ça s'est passé pour vous ?
Je me suis bien adapté, j'étais moi-même surpris d'y parvenir assez facilement. Quand je suis arrivé c'était un nouveau coach pour tout le monde. Je n'avais jamais connu d'entraîneur aussi pointu au niveau de l'aspect tactique. En D3 ou D2 ce n'était pas forcément le même style. On a également des séances très physiques, surtout en période de préparation. Je n'avais jamais été habitué à ça auparavant et j'ai dû m'y faire mais j'ai survécu… Ensuite, en cours de saison, ce sont des entraînements tactiques et on laisse plus de place à la récupération car l’enchaînement des matches donne déjà beaucoup de rythme. Notre physique et notre fraîcheur sont devenus des points forts, on a régulièrement fait la différence en deuxième mi-temps.
4 | Dans le premier volet de nos "50-50", Hein Vanhaezebrouck nous confiait ceci à votre propos: "au début, c'était un peu difficile pour lui d'accepter que je sois toujours sur son dos. Quand je lui faisais une remarque, c'était toujours 'oui mais, oui mais' ..."
Oui c'est vrai. J'accepte les critiques et je sais qu'elles sont là pour m'aider mais parfois je ne trouve pas ses remarques justifiées alors je le fais savoir. C'est toujours constructif et jamais négatif, d'autant plus que c'est un coach ouvert à la discussion.
5 | Vous avez un coach vocal pour la communication sur le terrain... Vous ressentez les bénéfices de son travail ?
On ne l'a eu qu'une fois. Personnellement je ne sais pas si c'était utile mais pourquoi pas. On continue à y travailler, également au niveau de la communication non-verbale et des gestes. L'entraîneur aime bien ajouter des petites choses pour améliorer les détails. On a aussi une nutritionniste, un psychologue avec qui on a des sessions collectives mais aussi des rendez-vous individuels tout au long de l'année… Ce sont des choses qu'on peut travailler pour grappiller quelques pourcents. Le coach, lui, parvient généralement à se faire comprendre… enfin, ça dépend des remarques qu'il nous fait, il est parfois dans l'adrénaline du moment et perd en objectivité donc certains font aussi semblant de ne pas l'entendre (rires). Disons que les messages précis finissent toujours pas être transmis par les joueurs qui évoluent du côté du banc.
6 | La diététique, ce n'est pas quelque chose de trop encombrant ?
A Ostende on n'en avait pas… Et à Gand, on n'a aucune obligation, on reçoit simplement des conseils. Parfois on pense qu'il est bon de manger quelque chose avant un match et finalement, la diététicienne nous le déconseille. Là aussi ce sont des détails importants. On mange toujours ce qu'on veut mais aucun joueur ne va aller à la friterie la veille d'un match. Puis le dernier repas avant un match se fait toujours ensemble donc là on a le choix entre du poisson, du poulet, des pâtes, du riz... On déjeune aussi tous ensemble les matins de semaine.
7 | L'été dernier, l'arrivée de Kalifa Coulibaly semblait préparer votre futur départ. Vous avez un rôle de conseiller envers lui ?
On ne m'a pas donné un rôle de conseiller en tant que tel mais, par expérience, je pense pouvoir dire qu'un remplaçant s'inspire forcément des titulaires et des autres attaquants du noyau donc ça se fait indirectement. On peut toujours apprendre des autres joueurs. Louwagie (le directeur sportif de Gand, ndlr) et la direction font bien d'intégrer des nouveaux joueurs avant de voir partir d'éventuels titulaires, la transition n'en sera que meilleure et les nouveaux auront déjà assimilé le système.
8 | Tactique rime souvent avec analyses vidéo. Le coach vous demande-t-il parfois de prendre exemple sur des attaquants du top ?
On fait beaucoup d'analyses vidéo. C'est déjà arrivé que le coach me donne des exemples mais c'est rare qu'il vienne avec des noms ou des équipes en particulier. Il donne surtout quelques conseils et des choses à exploiter en fonction de l'adversaire. Personnellement, je n'ai pas vraiment de modèles mais c'est vrai que quand je regarde un match à la télé, j'ai tendance à tenir l'attaquant à l'oeil pour trouver de l'inspiration. Si je dois en citer un que j'apprécie, c'est Ibrahimovic. Il sait tout faire.
9 | Il y a encore un an, on disait de Gand qu'il ne pouvait pas battre les grands. Depuis, vous êtes un "giant killer". Qu'est-ce qui a changé ? (L'interview a été réalisée juste avant les deux défaites contre Bruges)
C'est vrai que l'année passée c'était notre problème, puis on a eu un déclic en battant Anderlecht et Bruges juste avant les playoffs. De là nait la confiance et quand on sait qu'on peut faire quelque chose contre les grands, on performe mieux. On a connu la même chose en Ligue des Champions, on a joué des bons matches sans gagner à la phase aller et à partir du moment où on a battu Valence, on a pris confiance.
10 | Avec 10 buts et 3 assists en championnat pour l'instant, vous avez un peu de retard sur l'année dernière à pareille époque. Vous avez un objectif en tête ?
Je n'en fais pas forcément une obsession mais il est vrai que j'ai peu marqué fin 2015. La presse ne s'est pas privée d'en parler. Je ne doutais pas réellement mais j'avais tout de même besoin de marquer à nouveau et je suis content d'y être parvenu dès le début 2016. Le coach ne m'a jamais mis de pression réelle sur le manque de buts, on a simplement travaillé un peu plus les phases de finition à l'entrainement et les courses dans les derniers mètres. L'année dernière j'ai eu un petit passage à vide individuel en fin de saison donc je peux encore faire mieux que la saison passée.
11 | Vous avez un jour déclaré "certains défenseurs expérimentés ont du vice". Il y a un match qui vous a marqué en particulier ?
J'avais sans doute voulu dire que certains ont des petits trucs pour te déstabiliser mais qui sont trop légers pour que l'arbitre siffle faute. Par exemple, un défenseur dans ton dos peut venir taper dans ta cheville ou ton pied quand tu essayes de contrôler le ballon. Si ce n'est pas un vrai coup direct, l'arbitre ne sifflera pas mais ça suffit parfois à perdre la possession. Certains défenseurs ont donc effectivement plus de vice que d'autres mais avec l'expérience je sais comment ils fonctionnent et je parviens à m'adapter.
12 | Quand le tirage au sort de la phase de poules de C1 a rendu son verdict, les médias français et espagnols ne vous ont pas épargnés. So Foot - dans son style particulier - avait décrit Gand comme "le sparring-partner du groupe, celui qui risque de prendre très cher". Marca avait écrit: "leurs chances de terminer 3e ne sont pas élevées". Le coach s'en est-il servi pour vous motiver ?
En effet, nos chances de finir 3e n'étaient pas élevées puisqu'on a terminé 2e. A l'époque j'avais surtout entendu que les autres équipes du groupe étaient contentes de tomber contre nous mais on ne peut pas leur en vouloir, Gand n'avait jamais joué la Ligue des Champions. On a pu leur prouver qu'il ne faut jamais prendre un adversaire de haut. C'est vrai que le coach s'est un peu servi de ça pour nous motiver. Il nous disait "eux pensent qu'ils vont gagner facilement, c'est à nous de montrer qu'on est à leur niveau, si pas meilleurs".
13 | Contre Wolfsburg, les bookmakers vous donnent environ une chance sur trois d'atteindre les quarts... Vous avez suivi les résultats de Wolfsburg depuis le tirage au sort ?
Moi, j'ai envie de dire que c'est 50-50 mais c'est difficile de se comparer à une équipe qu'on ne connait pas très bien. Entre le tirage au sort et le début de la préparation de ce match, on a effectivement suivi les résultats d'un oeil mais sans en faire une obsession car on a eu beaucoup d'autres échéances.
14 | Auriez-vous préféré un gros choc ? On a vu sur la vidéo postée par le club juste après le tirage au sort que vos réactions spontanées variaient beaucoup d'un joueur à l'autre…
Oui sur le coup je pense qu'on était déçus. L'un voulait Barcelone, l'autre le Real, l'autre Manchester City… Au final, après réflexion, on s'est dit "pourquoi pas ?" Wolfsburg est le tirage le plus abordable sur papier, on a déjà prouvé contre le Zenit, Valence et Lyon qu'on pouvait faire quelque chose. On est généralement bons à la maison et on a marqué lors des trois matches à l'extérieur… bref, soyons optimistes.
15 | Parmi les autres équipes belges, vous sentez de la reconnaissance ou de la jalousie concernant votre parcours en Europe ?
De la jalousie, non. De la reconnaissance, oui. On a eu pas mal de joueurs d'autres équipes qui, avant les matches, nous félicitaient pour notre parcours. Pas tous, évidemment, mais certains l'ont fait. Ils semblent sincèrement contents pour nous, c'est sympa.
16 | Le retour au championnat après les paillettes de la Champions League, ce n'est pas trop dur ?
Ce n'est pas la même motivation qu'en Champions League, c'est vrai. En Europe, il y a un truc en plus… la musique, les supporters qui sont en feu, etc. Mais on parvient à rester concentrés en championnat car on sait que pour rejouer la Ligue des Champions la saison prochaine, il faut gagner aussi contre les petites équipes. D'ailleurs je pense qu'en général on a fait de bons résultats après nos 6 matches de phase de poules.
17 | En effet, vous avez battu Bruges et le Standard 4-1 (après la réception de Lyon et le déplacement au Zenit) et n'avez perdu qu'une fois après un match de Ligue des Champions. Vous vous souvenez de l'adversaire ?
Charleroi. Mais je ne crois pas qu'il y a eu un relâchement contre eux sous prétexte qu'on avait disputé un match plus prestigieux en semaine. Charleroi est surtout notre bête noire et j'ai souvent l'impression qu'ils font leur match de l'année contre nous. Je pense juste qu'on n'était pas dans un bon jour, d'ailleurs la victoire de Charleroi ce jour-là était méritée.
18 | Les primes liées à cette Ligue des Champions doivent faire l'objet de négociations avec les dirigeants…
Oui, on a un comité de quatre joueurs - Sven Kums, Rami Gershon, Brian Vandenbussche et moi - qui négocie avec la direction avant les matches de Ligue des Champions et les matches de Coupe. Pour une victoire en phase de poules de Ligue des Champions, le club touche 1 million d'euros donc c'est normal que les joueurs en profitent un peu. Ces négociations se déroulent toujours très bien et on tombe d'accord facilement.
19 | Parlons maintenant de votre futur transfert... Vous avez été champion de D3 en 2011, champion de D2 en 2013 et champion de D1 en 2015. Quel titre raflerez-vous en 2017 ?
Tout d'abord j'espère être encore champion cette année et briser le cycle actuel. Mais je ne sais pas du tout de quoi sera fait l'avenir, j'ai encore un an et demi de contrat avec Gand, toutes les portes restent ouvertes.
20 | Vous avez tout de même refusé une prolongation de contrat, cela veut dire que vous vous sentez prêt à partir ?
Je n'ai pas vraiment refusé la prolongation en elle-même mais plutôt les conditions de celle-ci. Actuellement, j'ai toujours le même contrat que quand je suis arrivé d'Ostende et que j'étais le troisième choix en attaque. Je pense pouvoir dire que je n'ai plus le même statut qu'à ce moment-là.
21 | Michel Louwagie a tout de même déclaré vous avoir proposé le meilleur salaire du vestiaire…
Oui, c'est ce qu'il a déclaré… mais je sais que ce n'est pas vrai.
22 | Donc, vous n'excluez pas totalement de rester une saison supplémentaire ?
En soi, je ne veux pas absolument partir. Une éventuelle qualification pour la Champions League pourrait être un argument pour rester. En fait, je n'ai pas trouvé nécessaire de prolonger mon contrat aux conditions de M. Louwagie. Le problème c'est qu'il me restera donc une seule année de contrat cet été et le club risque de vouloir me vendre pour éviter un transfert sans indemnité en 2017. Cela dit, j'ai 27 ans et s'il y a des opportunités, c'est sans doute le moment de franchir un palier.
23 | On vous imagine surtout en Premier League, quand on évoque votre transfert...
Oui, c'est le championnat qui me plaît le plus. J'aime aussi l'Allemagne, donc des championnats plus physiques, plus proches de mon style de jeu. Ce serait effectivement un rêve de jouer en Premier League mais je n'ai pas vraiment de club particulier dans le viseur. Je n'ai pas la prétention de dire: "j'ai envie de jouer ici ou là". Disons que mon agent connaît mes championnats préférés et prend des contacts, voit s'il y a de l'intérêt. Mais il reste du temps avant de penser à ce transfert...
24 | La presse a fait d'Aston Villa et de Tottenham vos deux prétendants principaux, ces derniers mois. Ce sont des clubs dont vous avez déjà parlé avec votre agent ?
Je sais qu'il y a des clubs qui viennent m'observer et qui me suivent, dont les deux que vous avez cité. Maintenant, est-ce que leur intérêt est plus concret que celui d'autres clubs ? C'est une bonne question. Je sais juste que certaines offres ont été faites en janvier à Michel Louwagie pour des joueurs de Gand, que ce soit moi ou d'autres, et il a tout refusé, même d'écouter les offres. Il souhaitait garder l'équipe jusqu'en juin et d'ailleurs aucun joueur ne voulait quitter le navire en cours de saison.
25 | Partir de Gand, ce serait quitter un public qui vous apprécie et dire au revoir à du temps de jeu assuré… Ça ne vous effraie pas ?
C'est vrai qu'en partant, je quitterais une zone de confort. Mais sur base de cette réflexion alors j'aurais pu rester à Ostende où l'ambiance était bonne également, où l'équipe progressait et où j'étais titulaire. C'est un challenge d'évoluer dans un championnat plus réputé et de voir ce que je pourrais faire à un niveau plus élevé. Alors oui, c'est un risque mais pour progresser il faut en prendre.
26 | Voir autant de Belges réussir en Premier League, ça vous encourage à tenter l'aventure ?
En effet, je me dis "pourquoi pas moi ?" J'aimerais voir ce que ça peut donner et si ça ne marche pas, je pourrai toujours revenir en Belgique ou étudier d'autres possibilités.
27 | Vous avez connu une expérience difficile au mercato d'été 2013, avec un transfert avorté à Zulte Waregem… Comment ça s'est déroulé et qu'en retenez-vous, avec le recul ?
En janvier de ma première saison à Ostende, j'ai eu la possibilité de signer à Zulte Waregem pour l'été suivant. A l'époque je me disais que c'était bien de finir la saison avec Ostende, qui visait la montée en D1, avant de rejoindre l'été suivant un club de l'élite. J'avais signé un contrat et il y avait un accord entre les deux clubs. En juin, j'apprends dans les journaux que c'est la guerre entre les directions de Zulte et d'Ostende et qu'il n'y avait pas d'accord écrit entre les deux clubs pour mon transfert. En gros, le président d'Ostende annonçait qu'il me gardait pour la saison à venir. J'ai lu ça environ trois semaines avant la reprise des entraînements à Zulte. Donc j'ai téléphoné à mon agent qui m'a expliqué que l'accord entre les deux clubs n'était que verbal. Et encore une semaine avant la reprise, je ne savais pas si j'allais jouer la saison à Zulte ou à Ostende. Finalement, j'avais entendu que Dury n'était pas spécialement chaud à l'idée de me voir arriver et j'avais de toute façon l'occasion de jouer en D1, en tant que titulaire qui plus est, donc la déception n'était pas trop grande. J'ai tiré les enseignements de ce transfert avorté, notamment en changeant d'agent… Finalement, aujourd'hui, je me dis que je n'aurais peut-être pas eu autant de temps de jeu à Zulte qu'à Ostende pour mes débuts en D1 et je n'en serais peut-être pas là aujourd'hui si j'avais eu ce transfert.
28 | Vous avez côtoyé Marc Wilmots pendant deux semaines, quelle est votre perception du personnage et des critiques dont il fait parfois l'objet, notamment sur le plan tactique ?
Dès que je suis arrivé, j'ai été très bien accueilli, comme si on se connaissait depuis longtemps. Le sélectionneur a ce don pour mettre les nouveaux directement dans le bain. Il est proche des joueurs et il arrive à mettre une bonne ambiance. C'est vrai que si je compare avec Vanhaezebrouck, on a un travail tactique plus poussé en club, mais Marc Wilmots n'a pas beaucoup de temps devant lui pour travailler cet aspect du jeu et mettre en place un système très pointu. Cela dit on a un schéma tactique en place avec les Diables rouges. Si je prends mon expérience contre Andorre, j'ai dû m'adapter rapidement car j'étais titulaire pour mon premier match. Donc le sélectionneur m'a dit simplement de jouer mon jeu et de faire comme à Gand, sans trop me poser de questions.
29 | Vanhaezebrouck sélectionneur un jour, ça parait plausible ?
Il a toutes les qualités pour faire un bon sélectionneur. C'est vrai que je disais plus tôt qu'il aime appuyer l'aspect tactique et que les sélectionneurs manquent parfois de temps pour le faire mais pour notre première année à Gand, il a quand même mis rapidement en place son système et les joueurs se sont adaptés assez vite.
30 | Quel est le but qui vous a fait le plus plaisir : contre Andorre ou contre le Zenit ?
C'est très difficile comme question. Ce sont deux buts importants dans ma carrière… L'adversaire n'avait pas la même valeur en équipe nationale mais bon, c'était ma première avec le maillot de mon pays donc c'est difficile de trancher.
31 | Il y a un Diable qui vous impressionne plus que les autres ?
Oui, Kevin De Bruyne. On pourrait penser "il joue à Manchester et va s'entraîner tranquillement en équipe nationale" mais dès la première séance, il se donne à fond. Son volume de jeu, sa technique de passe, sa technique de frappe, sa vision du jeu… Tout est impressionnant.
32 | Le fait de faire partie de ce groupe "Diables", ça vous procure un sentiment d'implication plus grand ? Quand De Bruyne, justement, s'est blessé fin janvier, vous l'avez ressenti comment ?
Je me souviens avoir vu l'info et avoir été déçu pour lui. Je pense qu'il est indispensable pour l'équipe belge à l'Euro donc j'ai surveillé l'évolution des infos sur sa blessure en espérant que ce n'était pas trop grave. En dehors de l'aspect sportif, ce sont des gars avec qui j'ai passé deux semaines complètes donc ça rapproche.
33 | Vous avez senti que vous arriviez dans un groupe de potes, ou une famille ?
Oui, un groupe de potes très soudé, sans rivalités communautaires comme on a pu l'entendre il y a quelques années. Tout le monde est accueillant, les nouveaux sont directement intégrés.
34 | Qui est le plus fort des attaquants des Diables ? Benteke, Lukaku, Origi, Batshuayi ou Depoitre ?
Chacun a son style de jeu, c'est difficile à dire. Mais Lukaku et Benteke ont peut-être plus d'expérience, notamment avec la Premier League. C'est à leur avantage, c'est sûr.
35 | Ils ont une longueur d'avance sur vous pour faire partie de la liste des 23 à l'Euro ? Vous seriez déçu de ne pas en faire partie ?
J'en ai l'impression. Je ne sais pas si c'est vraiment le cas mais s'ils ne sont pas blessés et qu'ils font leurs matches, ils seront dans la liste je pense. Pour ma part ce serait une déception de ne pas jouer ce tournoi car à partir du moment où tu as été repris en qualifications et pour les derniers amicaux, tu en veux toujours un peu plus. Il y a de l'espoir donc je vais continuer à faire mes matches avec Gand et essayer de me montrer. Il est vrai que je regarde ce que font les autres attaquants dans leur championnat, leur état de forme…
36 | Vous n'allez pas réserver vos vacances trop vite…
On verra bien, il y a toujours l'assurance annulation (rires) !
37 | Devenir Diable rouge et jouer la C1, cela a dû augmenter le nombre de sollicitations…
Au niveau publicitaire, excepté quelques campagnes avec les Diables, pas tellement. Au niveau médiatique par contre, on a des caméras à chaque entraînement, ce à quoi on n'était pas habitué avec Gand. On est surtout plus souvent reconnus dans la rue.
38 | Le fait que Shana, votre compagne, soit populaire également, est-ce un avantage ?
Elle n'est pas tellement populaire. Ca, c'est une image que certains ont en Wallonie mais honnêtement, elle n'était pas si connue en Flandre avant de sortir avec moi. Elle avait effectivement gagné un concours de Miss mais c'est surtout depuis l'escarpin d'or qu'elle est reconnue. Parfois on préférerait que ce ne soit pas le cas car elle ne peut plus venir me voir jouer sans être abordée plusieurs fois.
39 | A quels types de réactions êtes-vous confronté dans la rue ? Vous avez une anecdote particulière ?
Parfois les gens veulent plus de photos avec elle qu'avec moi (rires). On est reconnu dans la rue, à Gand comme ailleurs, surtout depuis que j'ai été appelé chez les Diables rouges. Les gens sont toujours très gentils et quand il faut faire une photo de temps en temps, c'est avec plaisir. Mais pour prendre un exemple récent, j'ai eu la "grande" idée d'aller au salon de l'auto et là, c'était assez oppressant. Certains viennent te parler gentiment mais d'autres sont peu discrets, appellent tout le monde et crient mon nom, du coup je ne sais pas trop où me mettre. J'avoue que j'ai un peu écourté cette visite...
40 | Il y a des endroits précis que vous évitez, comme le centre de Gand ?
En effet, si je dois acheter des vêtements je vais à Bruxelles. Parce qu'à Gand, j'aurais cinq personnes derrière moi en train de me conseiller. Je rentre aussi parfois à Tournai, où j'ai gardé beaucoup de contacts.
41 | Vous pouvez nous décrire votre journée type ?
Je me lève vers 8 heures, puis je pars au football où on déjeune ensemble tous les matins. Ensuite, on a du temps pour aller au fitness, faire des exercices, s'échauffer ou se faire soigner chez les kinés. Puis, on a entrainement jusque midi environ et ensuite on mange tous ensemble. Les après-midis sont généralement libres, surtout quand on a beaucoup de matches qui s’enchaînent. Mais quand les semaines sont plus calmes, on a plusieurs entraînements par jour. En préparation et en stage les journées sont plus chargées également. Mais en ce moment on a nos après-midis donc j'en profite pour faire une sieste et me détendre devant une série ou jouer à la console en attendant le retour du travail de ma compagne. Le soir, on ne sort pas énormément, on se contente de manger ensemble et de regarder un film. Parfois on mange entre équipiers du foot ou on va boire un verre, ce sont des choses qui arrivent mais qui ne font pas vraiment partie de la "journée type". Il m'arrive aussi de manger avec des anciens équipiers d'Ostende ou d'Alost et parfois je profite d'une après-midi pour rentrer à Tournai et voir des amis.
42 | Vous n'avez pas encore terminé votre mémoire (il a étudié Polytech à l'ULB) ?
Non (il soupire). Chaque début d'année scolaire, je reprends contact avec l'université pour m'y mettre mais finalement je reporte tout le temps. J'ai à la fois beaucoup de temps libre et à la fois pas suffisamment pour m'y mettre sérieusement. J'aimerais avoir ce diplôme d'ingénieur une fois pour toutes. Plus dans l'optique de ne pas avoir fait cinq ans d'études pour rien que dans le cadre d'une reconversion. Mais chaque année il y a des choses en plus et cette fois, c'est la Ligue des Champions et les Diables rouges…
43 | Votre ex-équipier Pedrag Filipovic a déclaré ceci de vous: "Parfois, à Alost, il est arrivé juste une demi-heure avant le coup d'envoi, sans avoir dormi. On sentait tout de suite qu'il n'avait pas bu que du coca..." avant de préciser qu'une fois sur le terrain, vous donniez tout pour l'équipe.
C'est exagéré ! Pour les matches, je n'ai jamais fait ça. Pour un entrainement, c'est vrai qu'il m'est arrivé d'être en retard et d'avoir fait la fête la veille. Mais j'étais encore étudiant à l'époque et le football n'était finalement qu'une passion et pas un travail. Dans ma tête, j'allais devenir ingénieur et je ne vivais pas à 100% pour le foot. D'ailleurs on n'avait pas le statut de professionnel. Aujourd'hui, ce n'est plus la même chose. Je peux encore m'amuser un peu et boire un verre avec des amis après un match, quand on a un jour libre. Mais dans la semaine, quand on prépare un match, je ne le fais plus du tout.
44 | A quel moment avez-vous opté pour le foot professionnel ? Vous vous souvenez du moment précis du déclic ?
J'avais toujours dit qu'après les études je me consacrerais à fond au football le temps de voir jusqu'où ça me mènerait. C'est ce que j'ai fait après ma cinquième, même s'il me restait le mémoire. A ce moment-là, j'étais à Ostende en deuxième division et on s'entraînait tous les jours. Puis on est monté en division 1 et j'ai compris qu'il était possible pour moi de vivre du foot et d'avoir une vraie carrière.
45 | La place d'un francophone en Flandre, elle est facile à trouver ?
Quand je suis arrivé à Alost, on m'avait dit que ce serait compliqué et que ce n'était pas le coin de Flandre le plus ouvert aux francophones. Et au final, je n'ai jamais eu le moindre problème, que ce soit avec les joueurs ou les supporters… Quand tu fais ton travail sur le terrain, tu es apprécié, peu importe tes origines. Avec les médias je n'ai jamais eu de souci non plus. Je pourrais comprendre qu'on me reproche de ne pas parler néerlandais aux interviews mais pour l'instant ils s'adaptent et j'avoue que ça m'arrange.
46 | Gand est un gros collectif, on sent votre volonté de le faire passer dans vos interviews et de le prouver sur le terrain mais on aimerait un peu mieux connaitre les individualités. Qui est le plus déconneur ? Le plus intelligent ? Celui qui épate le plus la galerie ? Le plus ambitieux ? Le plus coquet ? Celui qui a l'humour le plus lourd ?
Le plus déconneur, c'est Thomas Foket. Le plus intelligent, c'est Sven Kums. Dans le jeu en tout cas, car j'avoue que dans le vestiaire il n'est guère question de politique et de philosophie. Le plus épatant, je dirais Nicklas Pedersen qui vient de partir à Ostende. Le plus ambitieux, c'est difficile, on est beaucoup à l'être et à vouloir progresser, j'en fais partie. Celui qui passe le plus de temps à se recoiffer après les matches, c'est Kenny Saief. Il passe des heures devant le miroir ! Et enfin, Brecht Dejaegere nous raconte toujours des blagues mais il y en a à peine une sur trois qui est drôle.
47 | Un génie sort d'une lampe et vous propose de réaliser directement l'un des trois objectifs suivants, vous choisissez lequel : Le titre, un quart de finale de C1 ou participer à l'Euro ?
Entre les deux premiers, je dirais le titre. Mais comparer les objectifs collectifs et l'envie d'être à l'Euro, c'est compliqué. Je dirais être champion en espérant que ça m'ouvrira les portes de l'Euro.
48 | On peut se l'avouer désormais, les mascottes d'Ostende et Alost sont moches...
Celle d'Alost, c'est vrai que c'est un oignon et que ce n'est pas la plus belle. Quant aux pirates d'Ostende, je les trouve encore sympas. Ce sont surtout des mascottes qui font rire le public, c'est le principal. Ici l'indien, je le trouve chouette aussi.
49 | D'ailleurs Gand joue de plus en plus sur le côté "Buffalo" et avait envoyé un indien à la cérémonie du Soulier d'or…
Je ne sais pas trop si c'était nécessaire d'emmener un indien dans cette soirée de gala, c'est un autre débat (rires). Mais c'est vrai que c'est tendance en ce moment à Gand.
50 | Vous fêtez toujours vos buts dans la sobriété. On pourrait vous mettre au défi de faire une célébration particulière si vous marquez contre Wolfsburg ?
Des amis de Tournai m'ont déjà lancé des défis mais je ne suis jamais rentré dans le jeu. Quand je marque, je suis heureux et je ne pense à rien, je me contente de lever les bras. C'est seulement quand je me replace que je pense "mince, untel m'avait demandé de faire ça". J'avoue que marquer contre Wolfsburg serait une bonne occasion de changer un peu les habitudes concernant la célébration… On verra bien !
> Interview de Nicolas Christiaens et Jonas Legge