Preud’homme - Leko: deux réussites éclatantes à Bruges
- Publié le 06-10-2018 à 07h29
- Mis à jour le 06-10-2018 à 08h03
Ce dimanche, Ivan Leko dirigera le Club pour la 50e fois en championnat Une Coupe (2015) et un titre (2016) pour l’un, un titre d’emblée (2018) pour l’autre.
Ces dernières saisons, les dirigeants du Club Bruges ont eu le nez creux à deux reprises. D’abord en allant extirper d’Arabie saoudite, pour lui confier la restructuration d’une équipe qui avait perdu ses repères, un Michel Preud’homme auquel il songeait depuis un certain temps déjà. Ensuite en prenant le risque d’inviter Ivan Leko, un jeune aux dents longues mais sans expérience notoire dans la corporation, à relever un immense défi: prendre le relais d’un Liégeois qui avait conquis le cœur des supporters brugeois tout en accentuant si possible le nouvel avènement du Club au sommet du football belge.
Ce dimanche, à Sclessin, les deux techniciens pourront se regarder dans les yeux: le premier peut être fier d’avoir mené sa délicate mission à bien, le second peut s’enorgueillir de réussir la sienne presqu’au-delà de toute espérance.
Avantage à Ivan Leko?
Les chiffres dévoilés dans le tableau ci-dessous confèrent un avantage assez net à l’actuel coach du leader du championnat.
L’équité commande de les nuancer.
Quand il est arrivé à Bruges, Michel Preud’homme a hérité d’un chantier qui requérait un gros travail en profondeur. Juan Carlos Garrido, son prédecesseur, n’est resté en fonction que de novembre 2012 à septembre 2013. Si son bilan chiffré paraissait flatteur - 70,83% des points après 32 matches - les dirigeants brugeois avaient senti qu’ils devaient abréger l’expérience: le football développé n’était pas convaincant. Il ne satisfaisait pas l’ADN du Club.
Dans un premier temps, Michel Preud’homme forgea un diagnostic de la situation dont il héritait. Puis il posa ses jalons. Il instaura des règles de fonctionnement, à la fois strictes et souples, avant de greffer son sceau tactique sur le jeu des siens. Michel Preud’homme est un coureur de fond plutôt qu’un sprinter. Il a relancé le Club la première saison avant de recueillir des résultats concrets lors des deux campagnes suivantes. Nerveusement éprouvante car il ne relâchait pas sa pression, sa quatrième saison faillit rapporter aussi gros que les précédentes.
Ivan Leko a hérité d’un effectif largement modelé mais érodé mentalement par les exigences quotidiennes de son prédécesseur. Personnalité affirmée, il a, très vite, imposé sa marque en donnant, d’emblée, l’assurance qu’il maîtrisait son sujet. Comme le Liégeois, le Croate est un perfectionniste invétéré. Comme lui, il ne lâche rien sur le plan de la discipline. "Le coach n’est jamais content, sourit Stefano Denswil. C’est ce qui fait, aussi, son charme."
Ce n’est pas une boutade mais une réelle marque de respect, partagée par la grosse majorité de l’effectif.
En cet instant, les chiffres bruts confèrent un avantage à Ivan Leko. Cette prééminence persistera-t-elle?
Un nouveau point, au terme de la saison, s’avérera révélateur.
Pas le calque de Michel
Forte personnalité et perfectionniste lui aussi, Ivan Leko trace sa propre voie
En passant de Michel Preud’homme à Ivan Leko, les joueurs brugeois ont dû opérer un virage tactique significatif : ils sont passés du 4-3-3 qui les avait menés au titre tant attendu à un 3-5-2 pour lequel, au début, ils affichaient plutôt une réticence instinctive.
Ruud Vormer, notamment, a tardé à apprécier ce système de jeu et à s’y fondre pleinement. Le médian avait grandi puis s’était épanoui sous Michel Preud’homme. La "verticalité" prônée par le Liégeois lui convenait à merveille. Il n’a pas d’emblée trouvé ses marques dans son subtil changement de position et dans un autre style.
Convaincu de la pertinence de ses options, Ivan n’a même pas transigé. Sans relâche, il a martelé sa conception du football, il l’a ancrée dans l’esprit de ses joueurs à force de travail et de persuasions étayées par des exercices.
Les résultats aidant, il ne lui a finalement pas fallu beaucoup de temps pour faire appliquer puis apprécier ce football qui met l’accent sur une circulation du ballon vive, imaginative avec recherche perpétuelle de l’espace libre. Le Croate exalte la concurrence, exige un engagement permanent, prône une mentalité de vainqueur et ne hisse aucun joueur au-dessus de ses partenaires. "Les talents individuels doivent servir à valoriser le collectif. L’inverse est contre-productif."
C’est là l’un des enseignements majeurs d’Ivan Leko, qui n’est le calque de personne. Si MPH a aidé Meunier à s’épannouir, notamment, Ivan Leko n’a "éteint" aucune individualité : Vormer a conquis le "SO". Vanaken est le favori du prochain trophée, Wesley et Nakamka ont brillé et Mechele s’est affirmé.
"Ivan fait du bon boulot. Michel? Un tout grand!"
Leko et Preud’homme ne sont pas en reste d’amabilité l’un envers l’autre
Ivan Leko voue un grand respect à Michel Preud’homme. Il l’a encore signifié hier lors de sa conférence de presse: "En rappelant Michel, le Standard s’est assuré les services d’un des meilleurs entraîneurs belges de ces dix dernières années. Les supporters du club liégeois peuvent être rassurés: ils fêteront bientôt de grands résultats de leur équipe favorite. Simplement, chaque entraîneur a besoin d’un laps de temps pour poser ses griffes sur sa nouvelle formation."
Michel Preud’homme n’est pas en reste d’amabilité: "Ivan a été champion. Il a effectué un excellent boulot. Il est parvenu à imposer un système de jeu que, dans un premier temps, ses joueurs n’appréciaient guère. Ivan est un garçon intelligent: il a continué à construire sur des fondations existantes."
L’entraîneur du Standard continue d’évoquer Bruges: "Mes deux débuts, au Club et ici sont assez similaires: je dois imposer une manière de jouer et une manière générale de vivre. Je dois être convaincant, tout expliquer et, parfois, me montrer sévère. On travaille à tous les niveaux à la construction d’une équipe professionnelle, sur et en dehors du terrain. Cela prend du temps, comme cela a été le cas à Bruges. Si, dans trois ou quatre ans, le Standard peut obtenir les résultats qu’on a forgés à Bruges, je serai satisfait."
Michel Preud’homme n’a jamais perdu de vue son ancien club: "Les joueurs ont révélé leurs talents individuels au sein d’une force collective, ce qui était déjà un peu le cas précédemment. Grâce à ses derniers résultats, le Club a pu investir énormément. Il dispose d’un potentiel de joueurs énorme. Bruges peut se permettre de remplacer quatre ou cinq joueurs par d’autres, de même niveau. C’est cette observation qui, outre la qualité du football qu’il développe, est impressionnante. Les Brugeois constituent un bloc qui donne l’impression d’être invincible."