Plongée dans le passé de Wesley: “Il n’y avait pas toujours à manger à la maison”
Plongée dans le passé de Wesley Moraes, l’attaquant du Club Bruges testé à l’Atletico Madrid.
- Publié le 11-12-2018 à 09h58
- Mis à jour le 11-12-2018 à 10h03
Plongée dans le passé de Wesley Moraes, l’attaquant du Club Bruges testé à l’Atletico Madrid. Juiz de Flora. À près de 200 bornes au nord de Rio de Janeiro, la ville de naissance de Wesley Moraes ne fait pas rêver. Une cité aux 500 000 âmes, plus connue pour son usine Mercedes que pour ses habitants célèbres. Jusqu’à la naissance, fin 1996, de Wesley Moraes.
Vingt-deux ans plus tard, la ville a de quoi célébrer son nouveau héros. "C’est chaud quand je rentre. Parfois dangereux, rigole le joueur de Bruges. Je suis aussi connu chez moi qu’à Bruges. Mais ici les supporters sont plus tranquilles, ils demandent calmement à avoir une photo. Au Brésil, c’est plus direct. Les gens te sautent à moitié dessus."
Wesley, c’est la belle histoire. Celle d’un gamin qui a appris dans les rues et sans le sou. Sa vie change alors qu’il n’a que neuf ans. Quand la mort emporte son père. "J’étais proche de lui. C’était dur pour toute la famille et pour moi. Je ne voulais plus sortir, je restais cloîtré à la maison."
Ses deux grands frères, Leandro et Leonardo, l’ont sorti de cette crise personnelle et se sont chargés de son éducation. "Ma mère devait gérer financièrement et bossait beaucoup. Elle n’était donc pas souvent là."
À la maison, il passe une enfance heureuse malgré des moments difficiles qui l’ont forgé. "Il n’y avait pas toujours à manger à la maison. Ma mère faisait tout pour nous mais c’était difficile pour elle."
Sa famille est sa priorité. Il s’est battu pour elle et continue à en faire sa principale source de motivation depuis qu’il a quitté son pays pour poursuivre son rêve de footballeur pro.
Son argent, il le reverse en grande partie à sa famille restée au Brésil. "Je préfère faire ça à dépenser tout comme d’autres."
Et quand il marque contre Monaco, il célèbre en formant un L avec ses doigts. La première lettre du prénom de ses frères. "Leur rendre ce qu’ils m’ont donné, c’est magnifique (NdlR : en français dans le texte) ."
Papa à seize ans
Le Brésilien a poussé son statut d’homme de famille jusqu’au bout. Depuis ses seize ans, il est papa. "J’ai deux enfants", se marre le joueur de tout juste vingt-deux ans. "Ils ont six et cinq ans. Au Brésil, ce n’est pas si jeune, hein ! Je me sentais prêt, je l’ai fait. Je suis séparé de leur maman mais leur parle tous les jours au téléphone. Ils me manquent beaucoup donc, dès que je suis en vacances, je les prends chez moi."
À la naissance de ses deux enfants, Wesley n’avait rien d’une star du football. Comme tout Brésilien, il a d’abord joué au futsal, dans le petit club de sa ville, avant de découvrir les joies des pelouses.
"Quand je n’avais pas entraînement en salle, je jouais dans la rue avec mes copains. Ce sont les meilleurs souvenirs de mon enfance. Je ne devais pas réfléchir. Juste profiter. J’adorais mettre des jonglages."
De cette double formation rue/salle vient sa technique incroyable pour une tour de plus de 190 cm et 90 kg. "Ça me fait rire, ce cliché des target-men qui ne jouent pas bien au football. Quand on me demande pourquoi j’ai ces facilités techniques, je réponds juste que je suis brésilien (rires)."
De l’Atletico à Nancy
Sa réputation de grand talent de futsal le pousse à s’essayer au football en extérieur. Une expérience traumatisante pour un gamin de seize ans qui n’a jamais connu d’aussi grandes surfaces. "J’avais trop de place sur ce terrain, sourit-il. J’ai heureusement été encadré par un coach de mon club local qui m’a appris à me placer et à jouer."
Il est transféré au Itabuna Esporte Clube après quelques années et y explose au point d’attirer les regards du grand Atletico Madrid. "Un agent croate proche du mien m’a proposé un essai de six mois là-bas. J’ai demandé dix fois au téléphone si c’était vrai. J’ai directement appelé ma maman, qui n’y croyait pas."
Il a dix-sept ans et découvre l’Europe. Une autre culture, un autre climat, une autre alimentation… et un autre football. "Pas vraiment. Sur le terrain, cela allait vraiment bien. J’avais la chance d’être déjà costaud. Pas comme maintenant, mais j’ai ça de nature. Puis, mon agent est venu passer un mois avec moi pour que je m’habitue au pays."
Il n’y signe finalement pas de contrat. D’abord car il n’a pas l’âge requis (dix-huit ans), puis à cause d’une querelle entre les différents intermédiaires.
Après un crochet de deux mois à Nancy, qui ne le retient pas, il signe à Trencin, en Slovaquie. "Je sais, ça ne me faisait pas rêver non plus. Je voulais vraiment réussir en Europe. C’était difficile de signer là-bas, mais c’était ma dernière chance. Je devais jouer. Il fallait être fort dans la tête. Heureusement, il y avait des Brésiliens au club qui m’ont aidé. Seul, j’aurais eu plus de mal."
Les gens bizarres de Slovaquie
Si l’Espagne a été un choc, ce n’est rien comparé à Trencin. De l’aveu de Wesley, il a vécu dans une ville morte et morne. "Il n’y avait rien à faire à part jouer au football. Le climat et les gens étaient froids. Ils me regardaient de travers. Je n’ai jamais eu de soucis avec nos fans car il y avait beaucoup de blacks au club. À Trnava, par contre, c’était chaud. Les gens étaient bizarres et ont dit quelques trucs racistes."
Après un an chez les U19, il est lancé dans le grand bain. Avec deux buts contre le Steaua Bucarest en préliminaires de la Ligue des champions. Les Roumains font le forcing pour le faire signer. "Mais Trencin n’a pas voulu me vendre. Finalement, j’ai fait six mois chez les A puis Bruges est arrivé. En quelques heures, mon transfert était réglé. Quelqu’un m’a dit après un entraînement que je partais à Bruges. Je n’ai pas hésité."
Trois centimètres de différence entre ses deux jambes
Wesley a une spécificité physique dont peu de gens sont au courant : une de ses jambes est plus courte que l’autre de trois centimètres.
Une différence énorme qui aurait dû être corrigée dans sa jeunesse. "J’ai, depuis, essayé de mettre des semelles, mais ça me faisait trop mal."
Il ne voit pas la différence à l’œil nu. "Mais les gens disent que, en regardant attentivement, on voit que je claudique légèrement. Je n’ai jamais ressenti de douleur et cela n’a jamais effrayé les médecins des clubs."
"Je veux montrer à l’Atletico ce que je vaux"
Le match contre Atletico Madrid reste important aux yeux de Wesley, malgré une troisième place assurée dans le groupe de Ligue des champions. "On doit essayer de gagner. Pour prouver qu’on est une grande équipe après avoir terminé troisième d’un groupe difficile."
Ce sera particulier pour lui, car il a joué six mois chez les Colchoneros dans sa jeunesse. "J’ai participé à deux tournois avec eux. J’y ai passé six mois vraiment intéressants (lire ci-contre) et j’ai envie de montre ce que je vaux et que je suis devenu bien plus fort. Je dois toutefois faire mon maximum pour mon équipe avant tout."
"Des ressemblances entre Lewandowski et moi"
Wesley Moraes veut devenir le meilleur buteur de Pro League après avoir refusé de partir à la Lazio cet été.
Avec dix buts toutes compétitions confondues et quatre assists, Wesley Moraes a visiblement fait un pas en avant en termes d’efficacité.
Vous êtes-vous fixé des objectifs en terme de buts ?
"Je veux devenir meilleur buteur. Je ne suis qu’à sept réalisations en championnat, mais ce n’est pas difficile d’aller chercher la tête du classement. Nous ne sommes pas encore à la moitié de la compétition."
Ivan Leko a dit dans une interview qu’il voulait vous voir plus efficace…
"Le coach me dit surtout d’aider l’équipe et que les buts viendront d’eux-mêmes. Je dois marquer, oui, mais pas penser uniquement à moi. Je dois le faire pour l’équipe. Et le reste suivra. J’ai beaucoup évolué dans mon jeu depuis mon arrivée ici. Et au plus je joue, au mieux je me sens."
Il souhaite vous voir devenir une espèce de Robert Lewandowski !
"Il est très fort, mais je ne dois pas commencer à me comparer au Polonais du Bayern Munich. Nous sommes différents, même si nous avons des points communs. Je dois évoluer chaque année."
Vous avez aussi appris à rester calme. Comment avez-vous fait pour évoluer dans ce sens ?
"Je me sens plus important dans le groupe. Je sais que je ne peux pas lâcher l’équipe. Je dois montrer que j’ai changé. Les défenseurs tentent tous de me chauffer à cause de mon passé, mais cela ne marche plus. Je ne réagis plus."
Pourquoi n’êtes-vous pas parti cet été malgré l’intérêt de la Lazio et d’autres clubs du Calcio ?
"J’aime le Club Bruges et il m’a offert l’opportunité de jouer et de me développer. Ce n’est pas simple de refuser des clubs comme la Lazio Rome. Mais je savais que c’était mieux pour moi. Logiquement, je serai là jusqu’en juin, mais on verra (NdlR : il a récemment été cité à Arsenal) . Je resterai peut-être plus ou moins longtemps."