Etienne Delangre : "Je ne vais pas pleurer si on ne veut plus de moi"
L’Ardennais Etienne Delangre préface la finale de la Coupe. Durant sa carrière, il en a disputé trois avec les Rouches (1984, 1988 et 1989), toutes perdues. Rencontre avec l'ancien du dimanche.
- Publié le 20-03-2016 à 13h56
- Mis à jour le 20-03-2016 à 14h00
L’Ardennais Etienne Delangre préface la finale de la Coupe. Durant sa carrière, il en a disputé trois avec les Rouches (1984, 1988 et 1989), toutes perdues. Ce dimanche après-midi, Etienne Delangre aura d’autres chats à fouetter que de regarder la finale de la Coupe à la télé. Appelé voici quelques mois au chevet du FC Fléron qui se débat dans les tréfonds de La P2B liégeoise, il prendra place sur le banc dévolu au club visiteur de l’UCE Liège à Grivegnée alors qu’il n’y a pas si longtemps il occupait ceux de la D1 en tant que T2 du Standard : "Je me garderai bien de porter un jugement à propos de la compétence de l’un ou de l’autre mais je demeure interloqué. Vukomanovic a été mis à pied comme un malpropre soi-disant pour un manque de discipline et de poigne mais je suis au regret d’affirmer que son successeur en avant trois fois moins que lui…"
Ce changement radical de planète ne le chagrine pas le moins du monde, apparemment soulagé de ne plus être concerné par un univers gangréné par le copinage et le clientélisme, bref un milieu dont il nous avoue avoir fait tout le tour : "Ce monde pro, je le connais par cœur. L’honnêteté intellectuelle ne court pas les stades et je ne vais surtout pas pleurer si on ne veut plus de moi."
Autres morceaux choisis au moment de l’apéro: "Il y a maintenant toute une smala d’entraîneurs qui ont un complexe avec leur carrière de joueur et qui croient pouvoir réinventer le football. La Belgique est aussi le seul pays de la planète où un club de P1 peut racheter un matricule de D2 et s’y retrouver du jour au lendemain…"
Au Pane E Vino, un restaurant hutois où le patron ne cache pas son attachement pour les Rouches, Etienne a ensuite évoqué ses trois finales avec le Standard (toutes perdues sur le même score, 2-0) avant de livrer son sentiment sur celle de ce dimanche.
En 1984, il n’a jamais que 21 ans quand il affronte La Gantoise dans un contexte très particulier : "Suite à l’affaire Waterschei, l’équipe avait été décimée entre la demi-finale remportée contre Beveren et la finale. Nous avons pourtant soutenu la comparaison avec les Buffalos durant nonante minutes avant de baisser pied au cours des prolongations."
En 1988, Etienne a vécu semblable dénouement décevant face à Anderlecht: "Notre entraîneur, Michel Pavic, avait été limogé une semaine avant la finale et Jef Vliers avait assuré l’intérim…"
Rebelote contre les Mauves en 1989 avec, cette fois, Urbain Braems à la barre : "Des trombes d’eau s’étaient abattues sur Bruxelles ce jour-là. Je me rappelle aussi que le Standard Fémina l’avait emporté en lever de rideau mais je me souviens surtout que nos deux Israéliens, Shalom Tikva et Ronny Rosenthal, avaient chaussé des multis, ce qui n’était pas très indiqué vu l’état de la pelouse. Autant dire que nous avons quasiment joué à neuf pendant la première mi-temps…"
Le Standard invité à se fondre dans la peau du challenger, ce sera aussi le cas en cette veille de printemps : "Sur papier, le Club Bruges part favori. C’est au moins du 60/40 pour les Flandriens qui se positionnent pour l’instant dans une spirale positive mais pour très bien le connaître, je crois que Michel Preud’homme rêve autant si pas plus du titre. Ceci dit, en une manche sèche, tout est possible en football et si le Standard s’approprie le trophée, il aura sauvé une saison pour le moins calamiteuse dans son ensemble", estime-t-il, tout en étant interpellé au passage par certains chiffres : "Quand on pense que la saison passée il avait fini la phase classique en quatrième position avec 53 points et qu’avec seulement 41 points, il loupe de peu les playoffs cette année-ci, il y a de quoi se poser des questions…"
"Avec Goethals, j’ai progressé en néerlandais"
Etienne a disputé 320 matches avec le Standard, lui qui songeait faire des études d’interprétariat.
A l’instar de Philippe Albert et de Michel Renquin, Etienne Delangre est un autre Luxembourgeois à avoir eu cette ardeur d’avance précoce qui n’échappa pas aux scouts du Standard faisant le guet lors des rencontres où prennent part les sélections provinciales.
Il était d’ailleurs encore Scolaire qu’il intégrait déjà l’équipe fanion de Martelange en prenant la place de son frangin, Guy. Après un test convaincant avec les jeunes Rouches du côté de Nantes, la belle aventure pouvait commencer pour Etienne qui n’avait jamais que 19 ans quand il affronta la Juventus de Zoff, Platini, Rossi et Boniek en C1 (octobre 1982). "J’avais l’intention de me lancer dans des études d’interprétariat mais je n’ai finalement pu compter que sur Raymond Goethals pour améliorer mon néerlandais (rires). C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier en première mais il ne faisait jouer les jeunes que quand il ne savait pas faire autrement."
Notre interlocuteur conserve de Georg Kessler un souvenir particulier. "Il ne m’a jamais aligné deux matches de suite dans la même position. Quelque part, j’ai été victime de ma polyvalence", considère-t-il, ne regrettant pas d’être né vingt ans trop tôt. "L’argent n’est pas le moteur n°1 du bonheur dans la vie."
Une carrière longue de onze ans à Sclessin qui constituera l’essentiel de son parcours en D1 avant qu’une vilaine blessure aux ligaments croisés ne l’empêche de donner sa pleine mesure au RWDM. Après deux derniers épisodes au RFB et à l’Avenir Beggen, Delangre entama sa reconversion en cumulant les fonctions de joueur et d’entraîneur au FC Atlas.
Seraing et Sprimont constitueront les étapes suivantes précédant son mandat carolorégien écourté et sur lequel il revient une dernière fois: "Si vous avez la chance de réussir votre examen d’entrée parmi l’élite, vous montez pour de bon sur le carrousel comme Bob Peeters ou Glen De Boeck. Ce ne fut hélas pas mon cas mais je ne suis pas de ceux qui rôdent autour des buvettes avec l’intention de prendre votre place."
Séjour peu enchanteur au Pays Noir
Etienne Delangre est revenu sur son passage surréaliste au Mambourg, celui qui n’a pas du tout joué en sa faveur.
Juin 2002. Abbas Bayat téléphone en direct à Etienne Delangre pour lui proposer de succéder à Enzo Scifo. Un deal flatteur qui ne se refuse pas mais qui va s’avérer être un cadeau empoisonné pour celui qui fut Major de sa promotion à l’Ecole du Heysel avant qu’il n’intègre le staff technique de l’Union belge. Il devient ainsi le professeur de mentors en herbe qui ont pour nom Grün, Demol, Czernia, Preud’homme ou encore Scifo et ce, dans le cadre de la Licence Pro.
Un diplôme qu’il a aussi en poche après avoir notamment suivi un stage enrichissant du côté d’Anfield : "Gérard Houillier m’avait déroulé le tapis rouge pour que mes cinq jours chez les Reds enrichissent mon bagage avec, comme cerise sur le gâteau, un match de coupe d’Europe contre le Celtic."
son séjour au Pays Noir sera moins enchanteur : "Je n’avais pas eu l’occasion de donner mon avis sur la composition d’un groupe dont les qualités suffisaient juste pour jouer les seconds rôles."
Vouloir jouer les trouble-fête avec, entre autres, Mahdani, Yazdani et Emamifar n’était effectivement pas raisonnable : "J’avais fait part de ma circonspection auprès d’Abbas quant à la fiabilité du noyau. Il m’a rétorqué que c’était une façon de me protéger…"
Toujours est-il que le mandat de Delangre chez les Zèbres expirera peu après la Toussaint. Pas la moindre victoire après onze matches. Soit quatre nuls et sept défaites dont certaines cuisantes comme à Mouscron (6-0) et aussi à Mons (4-1) avec, à chaque fois en prime, une carte rouge.
Le revers à domicile contre le Club Bruges (2-3, le 19 octobre 2002) rappelle aussi bien des souvenirs à Etienne. Le Sporting avait ouvert le score grâce à Eduardo mais à trois minutes du repos, Kargbo signait un auto-but magistral avant que Simons ne fasse 1-2 sur un penalty inutile en début de reprise : "Le président a bien admis que je n’étais pour rien concernant le coup de réparation mais il m’a reproché de ne pas voir suffisamment entraîné Kargbo pour prévenir ce type d’avatar !"
Le pauvre Ibrahim écopera ce soir-là d’un second carton jaune stupide à la 88e. Une faute professionnelle synonyme d’amende aux yeux d’Etienne mais sur ce coup-ci également, Abbas Bayat tint un discours renversant : "Il m’a dit que c’était au contraire moi qui méritait une amende, prétextant que j’aurais dû sensibiliser mon capitaine, Frank Defays, pour éviter qu’un de ses équipiers ne dérape de la sorte !"
Au sujet de l’ex-boss du Great Old, Etienne tient cependant à souligner : "Il a donné ma chance en D1 et n’est jamais descendu dans le vestiaire. Il n’est pas venu non plus m’insulter sur le bord de la touche comme il le fit avec Jacky Mathijssen."
Après le départ de Delangre, Boeka-Lisasi, Laquait, Maquet et Olufade viendront renforcer les cadres et le Sporting finira 14e, devant le FC Malines (en faillite) et Lommel (en liquidation)…
"Les temps ont bien changé"
Educateur à l’Institut Sainte-Marie dans la cité hutoise, Etienne ne continue pas moins à être un homme de terrain. A Fléron comme précisé par ailleurs mais aussi à Battice où il est coordinateur des équipes de jeunes. Il est également passé orfèvre dans l’organisation de stages, été comme hiver. Plus vraiment le temps de s’adonner à son sport cérébral favori, le bridge : "C’est le plus beau jeu intellectuel que je connaisse", n’hésite-t-il pas à nous dire, pas vraiment enthousiasmé par l’évolution du sport-roi. "A mon époque, on ne pouvait pas aligner plus de trois joueurs étrangers. Aujourd’hui, il est parfois compliqué de trouver trois Belges dans le onze de départ. L’arrêt Bosman a profondément révolutionné la donne, comme l’affaire Bellemans a conféré un autre visage à la compétition avec la disparition des caisses. Le revers de la médaille est que nous ne pouvons plus attirer un joueur étranger émargeant au top. Et ce sont maintenant certains agents qui interfèrent de plus en plus dans la gestion des clubs. Il est révolu le temps où les dirigeants décidaient de tout…"