Mehdi Bayat fait le point sur les PO1 de Charleroi : "Cet échec fait mal car on a rêvé"
- Publié le 19-05-2018 à 07h32
- Mis à jour le 19-05-2018 à 07h33
Mehdi Bayat nous raconte les ratés de Charleroi et veut analyser les raisons de cet échec pour que Charleroi continue à grandir Les traits de son visage ne laissent pas la place au doute : la fin de saison est longue, à Charleroi. "Je dors très mal, depuis quelque temps", avoue Mehdi Bayat. Mais cela n’empêche pas l’administrateur-délégué de nous accorder une demi-heure de son temps pour faire le bilan des PO1 de Charleroi.
Mehdi, comment allez-vous ?
"Mal… Comme depuis quelque temps. Mais cela s’est encore accentué suite à la défaite contre Genk. La réalité, c’est qu’on a commencé les PO1 à la troisième place, au terme d’une phase classique exceptionnelle. Mais aujourd’hui, nous sommes derniers. Il faut être réaliste : c’est un échec. Il faut l’assumer et essayer de comprendre ce qu’il s’est passé. Au moment où on pensait avoir passé un cap, tout s’est écroulé. Il y a une vraie analyse de fond à faire. Le but n’est pas de trouver un coupable idéal mais de tirer des conclusions pour tenter d’éviter que pareille situation ne se reproduise à l’avenir."
Le mercato hivernal raté est souvent cité comme la source principale de cet échec. Vous êtes d’accord ?
"Selon moi, tous les paramètres étaient là pour que cette équipe réussisse. Il est vrai qu’après les départs de Tainmont et Lukebakio, Romain Grange n’a pas réussi à apporter ce qu’on attendait de lui. C’est-à-dire des stats, des buts, des passes décisives. Il s’est adapté moins vite que je ne l’espérais. Mais je suis certain qu’il sera important la saison prochaine, car les qualités que nous avons scoutées chez lui n’ont pas disparu. Mais l’analyse ne doit pas se résumer au mercato hivernal, à Grange ou à Semedo. Quand Lukebakio et Tainmont étaient là, leurs stats n’étaient pas astronomiques. Et tout le monde marquait et on enchaînait les victoires. Dans notre noyau, on a beaucoup de profils qui sont complémentaires. Mais, à un moment donné, l’équipe n’a plus tourné."
Car elle est irrégulière ?
"Non, je ne pense pas. L’irrégularité, c’est faire trois bons matches, deux mauvais, puis encore trois bons. Ici, ce n’est pas le cas. On a été deuxième toute la saison, jusqu’à la 28e journée de phase classique, sans être catastrophiques. Puis une fois arrivés dans les PO1, qui ont toujours été notre spécialité puisqu’on avait pris l’habitude de gagner à chaque fois une position au classement, on a perdu pied. C’est ça, le plus décevant."
On imagine que la déception est à la hauteur des espérances…
"Oui, cette saison, je suis passé par toutes les émotions et tous les rêves. Quand on était deuxièmes et que je rentrais chez moi, j’imaginais un tas de choses. Je nous voyais aller loin. Je nous voyais être le Zulte Waregem de l’époque. J’ai été dans cette bulle. Et ce qui me fait le plus mal, c’est de voir l’impact que cela a eu chez nos supporters. Car moi aussi, je suis un supporter. Et je sais ce qu’ils ressentent."
Avez-vous, à un moment donné, regretté d’avoir clamé haut et fort que le Sporting était en train de grandir, lorsque tout allait bien ?
"Non. On ne peut pas regretter d’avoir fait quelque chose d’exceptionnel. Il faut être lucide. D’habitude, on se qualifiait ou pas pour les PO1 lors de la dernière journée. Ici, on s’est qualifié les doigts dans le nez. On ne peut pas nous reprocher d’avoir amené le Sporting là où il est. Désormais, quand on rate nos PO1, c’est la crise. Il faut accepter que l’attente soit là. Si je dois faire une synthèse finale de la saison, je dirais qu’on doit être content d’avoir réussi à faire grandir le club, à le faire exister à Charleroi et en dehors. Aujourd’hui, le Sporting est devenu un club qui compte. Et notre objectif est que cela dure durant plusieurs années."
"Des changements nécessaires cet été"
La saison étant en passe de se terminer, Mehdi Bayat veut déjà regarder vers l’avant. "J’ai rencontré le staff pour déterminer les grandes lignes de la saison prochaine et ce fut une réunion très constructive", explique l’administrateur-délégué zébré. "Notre but la saison prochaine sera d’être concurrentiel pour les PO1 , comme c’est le cas depuis quatre ans, et de gagner la Coupe. J’ai parfois l’impression que me reproche de dire cela mais cela reste le trophée le plus accessible et on n’en a jamais gagné un en 115 ans d’existence."
Pour atteindre ces objectifs, cela risque de bouger. "L’important, c’est de garder la flamme allumée. Je veux que tout le monde continue à prendre du plaisir et à grandir, à commencer par Felice Mazzù. Sportivement, on doit éviter de tomber dans une routine. Nous avons l’un des noyaux les plus stables de D1A ces dernières années mais cet été, on risque de voir un peu plus de changement, car c’est nécessaire. Notre mercato sera intelligent et réfléchi."
Car Charleroi est en fin de cycle ? "Non, car nous sommes à un tournant important", préfère répondre Mehdi Bayat.
"Les supporters du Standard me respectent"
Pour l’administrateur délégué du Sporting, entendre son nom scandé à Sclessin est de bonne guerre. "Cela fait partie du folklore"
La scène se passe lundi soir, lors du Gala du footballeur pro, organisé à Bruxelles. Olivier Renard et Alexandre Grosjean s’avancent, sourire en coin, vers Mehdi Bayat. "Comment ça va, Mehdi?", lui demandent les deux décideurs liégeois. "Comme vous il y a six mois", répond l’administrateur délégué du Sporting.
"Il vaut mieux en rigoler", nous explique-t-il. "C’est la vie et le foot. Les choses changent rapidement. À la mi-temps du dernier match de phase classique à Ostende, le Standard était en enfer. Et 45 minutes plus tard, ils étaient au paradis."
Et ils s’y éclatent. Tout en scandant le régulièrement le nom de Mehdi Bayat (accompagne du désormais célèbre "on va tout casser chez toi") en tribune.
"Je trouve cela de bonne guerre", sourit le décideur carolo. "Je n’ai absolument aucun souci avec cela car cela fait partie du folklore du football. Ce n’est pas dérangeant. J’en rigole, même. Quand tout un stade scande ton nom, cela veut dire, d’une certaine manière, que ces supporters me respectent. Que j’ai peut-être réussi à créer une rivalité avec eux."
Regrette-t-il tout de même d’avoir qualifié Charleroi de premier club wallon ? "Je pense qu’on a souvent déformé mes propos. J’ai toujours dit que Charleroi est la première ville francophone de Belgique. Et à un moment donné, bien précis, les journalistes m’ont dit que Charleroi était devenu le premier club wallon. J’ai donc fait un constat sur le moment. Sur les trois dernières saisons, le Sporting s’était effectivement mieux positionné que le Standard. Mais depuis trois mois, le Standard a repris du poil de la bête et se positionne à nouveau comme un top club en Belgique. Et c’est tant mieux !"
Car la concurrence entre les deux clubs les pousse à évoluer. "Il y a aujourd’hui une vraie rivalité entre le Standard et Charleroi. Ce n’était pas le cas avant, on ne parlait pas de nous. C’est la preuve que le Sporting existe à nouveau. Donc je le vois positivement. Je préfère exister que d’être ignoré."
Même si la perspective d’un titre liégeois au Mambourg (devenue impossible) a tout de même fait frissonner Mehdi Bayat. "Cela aurait été terriblement frustrant pour nos supporters d’assister à cela après la saison qu’ils ont passé. Cela aurait été un moment extrêmement douloureux pour nous. Même s’il faut rester lucide : le Standard fait des PO1 exceptionnels."
Qu’il terminera dimanche au Mambourg. "C’est un match de gala - même s’il a engendré pas mal de contraintes au niveau de l’organisation et du ticketing - et nous joueront notre dernière chance d’accrocher un ticket européen. Je veux encore y croire."
Finances : "Charleroi est devenu PO1 dépendant "
Financièrement, une non-qualification pour l’Europe aurait-elle un impact négatif sur le Sporting ? "Non, nous ne sommes pas encore Europe dépendant , répond Mehdi Bayat. Mais d’une certaine manière, nous sommes devenus PO1 dépendants . La situation financière du club nous permet de grandir chaque année. Les travaux que nous effectuons et les prolongations de nombreux joueurs en sont la preuve. Nous allons continuer à travailler dans ce sens afin de garder nos meilleurs éléments ou de les monnayer pour des sommes plus importantes en cas de départ."
Nouveautés : Des nouvelles têtes devraient arriver
À Charleroi, ce n’est pas compliqué. La direction du club se compose de Mehdi Bayat (administrateur-délégué), Pierre-Yves Hendrickx (directeur administratif) et Walter Chardon (directeur commercial). Une petite structure. Trop petite pour un club du Top 6 ? "On est en train de passer des paliers et en interne, des choses pourraient bouger, assure Mehdi Bayat. Le nouveau plan abordera les bases d’une restructuration, dans notre système de fonctionnement et certaines personnes pourraient nous rejoindre afin de continuer à faire grandir le Sporting."
Plan d'avenir : "Le plan 3-6-9 arrive à saturation"
Si vous êtes fan de Charleroi, vous connaissez forcément le plan 3-6-9 de Mehdi Bayat. "Un plan sur lequel, je le répète, nous sommes en avance, assure l’administrateur-délégué du Sporting. Mais qui est arrivé à saturation. On doit désormais repartir avec de nouvelles idées et de nouveaux projets pour continuer à garder le club là où il est. J’annoncerai bientôt un nouveau plan. Car, pour que Charleroi devienne un grand club, il faut le garder là où on est durant dix ans. Aujourd’hui, nous sommes aux portes du G5. Mais on doit continuer à travailler et à se remettre en question."
Stade : "Pas de scission de la T2 mais le stade sera en configuration européenne dès cet été"
Mardi, lors d’une rencontre avec les supporters, Mehdi Bayat a officialisé le fait que la T2 (tribune visiteuse) ne serait finalement pas scindée, contrairement à ce qui avait été promis. "Parfois, je parle un peu vite. Ce ne sera techniquement pas possible de le faire, pour des questions d’accès . Mais on a de la place ailleurs. On a une vraie réflexion par rapport à ce qui va être fait. Le stade, par exemple, va subir des travaux cet été. Le ticketing électronique va être installé dans toutes les tribunes de manière à pouvoir jouer une compétition européenne au Mambourg. J’avais dit qu’avec ou sans qualification, on le ferait. C’est donc ma priorité."