Ce que Mogi Bayat nous disait de son métier et du milieu footballistique belge

"C’est un boulot d’équilibriste, mais un boulot où il faut être correct avant tout", nous confiait-il encore il y a quelques mois

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"C’est un boulot d’équilibriste, mais un boulot où il faut être correct avant tout", nous confiait-il il y a quelques mois...

Mogi Bayat est donc à l'épicentre du séisme qui frappe la Belgique du foot depuis ce mercredi matin. L'hyperagent, omniprésent à chaque mercato, capable de boucler quatre transferts pour quatre millions en un jour , a souvent livré, avec la tactique qu'on lui sait, des éléments clés de son travail et de sa méthode de fonctionnement à notre rédaction. Que ce soit autour d’un terrain de foot (celui de la Royale Union Lasne Ohain, club de P1 brabançonne - “on fera l’interview pendant que mon fils s’entraîne” ) ou dans le bureau de la belle bâtisse dont il a pris possession dernièrement dans le Brabant Wallon. Toujours avec un téléphone largement sollicité durant nos entretiens. Elements choisis, issus de nos dernières rencontres avec lui.

Son métier d'agent, l'idée d'acheter un jour un club

Vous êtes l’agent le plus influent et le plus utilisé par Gand et Anderlecht. Comment on fait pour contenter tout le monde ?

"C’est un boulot d’équilibriste, mais un boulot où il faut être correct avant tout. J’essaie de bien le faire, mais il arrive parfois des dossiers où, pas de chance, les deux clubs se retrouvent sur le même joueur."

Anderlecht vendra pour beaucoup d’argent cet été et devra donc acheter beaucoup aussi. Ça ne risque-t-il pas d’attirer beaucoup d’agents ?

"Bien sûr, mais un club n’est jamais amnésique. Un club sait quels sont les agents sérieux avec qui travailler dans les bons et dans les mauvais moments. Les gens de passage ne réussissent jamais dans le football."

Vous gagnez beaucoup d’argent. Ça vous plairait d’acheter un club un jour ?

“J’ai mon petit frère qui est copropriétaire de Charleroi. Quand j’ai besoin d’aller chercher de l’émotion de club, je vais à Charleroi. Je me plais dans mon métier d’agent.”

Les Arbitres et Twitter

Il paraît que vous avez déjà arbitré des matches du club de votre fils.

“C’est vrai, des matches des U12, l’équipe de mon fils. Je m’implique beaucoup dans ce club. J’ai même invité toute l’équipe à Belgique-Mexique le mois dernier. J’avais loué le bus de l’équipe première d’Anderlecht pour faire le trajet. On était 55 et on s’est bien amusé.”

Apparemment, siffler chez les gamins ne vous aide pas à comprendre la difficulté des arbitres en D1 vu certains de vos tweets très critiques envers certains membres de cette corporation…

“C’est plus facile d’arbitrer chez les petits quand même. Je critique juste les arbitres qui font les beaux, ça m’énerve. J’ai voulu allumer Vertenten il y a quelques jours (l'interview a eu lieu en 2017, NdlR) mais je me suis finalement abstenu. Il a déjà reçu assez de critiques ainsi…”

Sur Twitter, vous avez aussi critiqué Anastasiou, l’ancien coach de Courtrai, parce qu’il n’alignait pas Perbet, votre joueur.

“Quand tu es coach d’un petit club en Belgique comme Courtrai et que tu te prives d’un buteur comme Jérémy Perbet, c’est du suicide. Ou de l’incompétence. Ou les deux.”

Twitter semble en tout cas beaucoup vous amuser.

“Dernièrement, j’ai voulu faire un tweet pour complimenter Laszlo Bölöni après sa magnifique prestation à la Tribune sur la RTBF mais j’ai finalement préféré lui téléphoner pour lui dire directement. Laszlo a été fin, intelligent, drôle, cynique et au-dessus de la mêlée.”

Votre liberté de ton sur Twitter pourrait-elle aussi viser Anderlecht ?

“Oui, pourquoi pas ?”

L'agent de tout le monde à Anderlecht, le rachat du club

Dans la vraie vie, ce n’est pas compliqué d’être l’agent de tout le monde à Anderlecht ?

“Contrairement à ce que tout le monde pense, je n’étais pas super excité à l’idée qu’Hein vienne à Anderlecht. Je sais qu’on croit que j’ai tout manœuvré en coulisses mais j’aurais préféré qu’il reste à Gand. Maintenant, les dirigeants gantois auront toujours le doute : Hein a-t-il démissionné pour aller à Anderlecht ? Ça aurait été mieux qu’Hein reste à Gand mais il n’était plus épanoui là-bas. Celui qui prend le plus de risque dans cette opération, c’est moi, hein ! Parce que j’ai des joueurs, je suis proche de la direction, etc. Avant, je proposais un joueur à la direction et à Weiler, à Hasi ou à van den Brom. Maintenant, je le propose à Herman et au coach que je représente. Heureusement, on a une relation professionnelle et très amicale. Jamais il n’a pris un joueur pour me faire plaisir et moi je n’ai jamais fait un truc pour lui faire plaisir. Dans le travail, on reste uniquement professionnel.”

Il paraît que René Weiler était fâché sur vous en quittant Anderlecht.

“Non, pas du tout. On a un très bon rapport. Tout le monde imagine que j’ai œuvré en coulisses pour mettre Weiler dehors et placer Hein mais c’est faux. Pour remplacer Weiler, il n’y avait qu’une seule solution en Belgique : Hein. Anderlecht a soutenu Weiler jusqu’au bout, comme le club le fait avec tous ses coaches.”

Vous partez du principe que dans la mesure du possible, il faut privilégier des coaches belges en Belgique. Votre préférence belge, c’est aussi valable pour les propriétaires de club ?

“Oui, c’est toujours mieux d’avoir des joueurs belges, des coaches belges et des propriétaires belges.”

Que ferez-vous si Anderlecht est racheté par quelqu’un qui ne veut plus travailler avec vous ? Anderlecht est un club qui vous rapporte beaucoup d’argent…

“Je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet, peu importe l’acheteur.”

Avez-vous aussi amené des investisseurs comme Christophe Henrotay l’a fait avec Usmanov ?

“Que je le fasse ou pas, c’est un dossier où il n’y a pas besoin de faire des sorties médiatiques pour rester crédible. L’important, c’est le résultat à l’arrivée.”

Acheter un club belge, c’est intéressant pour un investisseur ?

“Quand on investit dans un grand club, c’est un investissement d’émotion et pas de raison. Celui qui achète Anderlecht ne doit pas le faire pour gagner de l’argent. Il doit le faire pour s’offrir des émotions. J’espère que ça restera dans des mains belges et c’est valable pour tout le football belge.”

Quand un Belge comme Roland Duchâtelet quitte le football, vous trouvez ça dommage ?

“Duchâtelet, c’est un OVNI dans le foot. Un OVNI, ça apparaît et tu en parles un jour. Puis ça disparaît, tu en parles un autre jour. Et le lendemain, tout le monde a oublié. Et une précision : le club de Saint-Trond n’est pas racheté par des Japonais. Le commerce est mis en gestion à des Japonais mais avec le contrôle total de la situation dans les mains de Duchâtelet. Le club reste à lui et les Japonais gèrent le sportif. Si ça va bien, ils restent. Si ça se passe moins bien, d’autres gestionnaires arriveront.”

Herman Wijnants et Roland Duchatelet, rhabillés pour l'hiver

Sans jamais être prononcé, le nom de Mogi Bayat était revenu au mois de mars 2017, après la dernière journée de la phase classique du championnat. Herman Wijnants, l’homme fort de Westerlo, avait suggéré que "l’agent de nombreux joueurs de Courtrai et de Mouscron" avait pu intervenir pour faciliter le succès et donc le maintien des Hurlus, aux dépens de Westerlo."Quand Wijnants avait besoin d’argent pour avoir sa licence, la pommade qu’il a utilisée pour me masser les pieds et le dos pour vendre Ganvoula (NdlR : à Anderlecht)était une pommade avec un effet amnésique. Il a vite oublié et c’est significatif du personnage. Et dans deux jours, il me sonnera quand il sera dans la merde et qu’il aura besoin de vendre. Je ne décroche que quand j’ai du temps libre et que je n’ai rien à faire… Il y a deux ovnis dans le football belge, deux dirigeants illuminés. Un qui est responsable des pommes et des poires du Limbourg (NdlR : il fait référence à Roland Duchâtelet) et un qui est responsable des vaches de Campine (NdlR : Herman Wijnants). On ne sait pas ce qu’ils font dans le football. À un moment, ils comprendront et feront autre chose."

"Venanzi sera un très bon dirigeant"

Concernant le président du Standard,Mogi se montrait bienveillant : "Bruno suit le parcours normal de nouveau dirigeant dans le monde du foot. Et c’est un parcours du combattant. C’est un supporter qui aime son club. L’apprentissage va prendre un peu de temps. Comme pour tous les dirigeants dans les autres clubs avant lui. Il deviendra un très bon dirigeant, j’en suis convaincu. On dit souvent que derrière la réussite, il y a toujours une femme. Bruno a une compagne qui a la poigne, l’intelligence et le charisme. Il pourra aussi se reposer sur elle."

EN IMAGES: séisme dans le football belge


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