Weiler ce héros, Dendoncker l'homme du titre: Van Binst livre son analyse sur le titre d'Anderlecht
Avec ses 354 matches et 12 saisons dans le noyau A, Gille Van Binst (65 ans) a sa place dans la galerie des plus grands joueurs de l’histoire du RSC Anderlecht.
- Publié le 20-05-2017 à 19h17
- Mis à jour le 20-05-2017 à 19h26
Avec ses 354 matches et 12 saisons dans le noyau A, Gille Van Binst (65 ans) a sa place dans la galerie des plus grands joueurs de l’histoire du RSC Anderlecht.
En plus de cela, c’est un excellent consultant. Il a analysé – compartiment par compartiment – le champion de la saison 2016-2017, tout en racontant des anecdotes croustillantes de son époque. “Champion après trois ans de patience : Weiler est un héros”, est sa conclusion.
Avec Van Binst a connu de graves problèmes de santé, mais sa maladie de Parkinson est sous contrôle. La preuve : il a de plus en plus envie d’assister à des matches d’Anderlecht au Stade Constant Vanden Stock. Il a été avec son petit-fils contre Zulte Waregem et sera là contre Ostende, ce dimanche.
S’il croise René Weiler dans les catacombes du stade, il va le féliciter pour son travail accompli. "Je suis pourtant un de ces méchants observateurs qui a demandé la tête de Weiler en novembre", avoue Van Binst. "Si Anderlecht avait suivi les habitudes de son ancienne culture, il ne serait déjà plus là. Mais Van Holsbeeck a cru en lui. Chapeau. Et chapeau à Weiler. Je suis devenu un fan. Mea culpa."
Van Binst n’avait pas ménagé le Suisse, il y a six mois. Van Binst : "Au début, il me donnait l’impression d’être frustré. Chaque question le vexait. Et quand les joueurs marquaient, ils couraient dans toutes les directions,, sauf vers lui. Maintenant, ils vont le trouver."
Le football n’a pas toujours été de grande qualité. Même pendant les playoffs, Weiler s’est fait critiquer pour son style de jeu défensif.
"Les critiques, je m’en fiche complètement", dit Van Binst dans son dialecte bruxellois savoureux. "Ce qui comptait, cette saison, c’était le titre. Il fallait les millions de la Ligue des Champions. Weiler a réalisé un acte héroïque. Toutes ses erreurs lui sont pardonnées. Et d’ailleurs, vous avez trouvé Anderlecht si mauvais que ça, par exemple à Bruges ? Ils ont eu les meilleures occasions !"
En critiquant Weiler pendant le premier tour, Van Binst ne s’est pas rendu populaire auprès… des femmes. Van Binst : "Les supportrics d’Anderlecht l’ont toujours soutenu. Quand je voyais mon ex-femme et que je m’énervais sur Weiler, elle répondait : Ne sois pas ainsi avec lui, c’est un si bel homme."
Le physique peut être un atout, mais également un inconvénient. Comme en témoigne cette anecdote de Van Binst : "Dans notre équipe, on avait aussi des gars qui étaient très populaires auprès des filles. Le gardien autrichien Friedrich Koncilia en était un exemple. Haan n’aimait pas qu’il attire toutes les jolies femmes. Il avait dit : Ce play-boy ne restera pas longtemps. L’année d’après, Koncilia n’était déjà plus à Anderlecht…"
Gille Van Binst a hâte de voir Anderlecht à l’oeuvre en Ligue des Champions. "Avec deux ou trois renforts, on devrait avoir une très bonne équipe. La grosse m…, c’est qu’on va venir nous piquer nos meilleurs joueurs. Combien de nos titulaires sont sur le départ ? Six ? C’est grave… Weiler a nettoyé le vestiaire, a construit quelque chose de beau, mais devra recommencer de zéro. Des choses pareilles m’énervent…"
"Dendoncker est mon homme de la saison"
Van Binst le préfère à Tielemans, qui est trop souvent absent : “Leander a plus de chances de percer à l’étranger. Il a trois poumons, ce gars…”
Et quid de l’entrejeu, où les deux jeunes produits du club ont souvent brillé ? Van Binst a son préféré : "C’est Dendoncker. Il a énormément progressé, cette saison-ci. C’est un vrai box-to-box . Selon moi, il a trois poumons. Même quand il n’est pas dans un tout grand jour - comme à Bruges - il reste utile. Pour moi, il est l’homme de la saison. Il faut le garder ! On peut construire une équipe autour de Leander."
"Dendoncker me fait un peu penser à Coeck. Ludo ratissait tout dans l’entrejeu. En défense, on devait à peine dégager des ballons de la tête. Coeck faisait tout. Pourtant, je me souviens de son arrivée à Anderlecht. Il venait de Berchem. Lui, je l’avais accueilli dans le vestiaire avec les mots : Tu viens faire quoi, ici ? On a déjà des gars qui nettoient nos chaussures."
"Moi, je préfère Dendoncker à Tielemans. Leander a plus de chances de percer à l’étranger que Youri, qui est parfois trop absent. Mais au fond, il est très complémentaire avec Youri. Deux Dendoncker ou deux Tielemans, ça ne marcherait pas."
"Je suis content pour Tielemans qu’Anderlecht ait gagné le titre malgré son penalty raté à Bruges. Sinon, il n’aurait jamais su se débarrasser de cette étiquette. Munaron, par exemple, on l’associe au ballon en retrait de Brylle qui est rentré dans son but à cause de la pierre. Moi, on m’associe à mes deux buts en finale de la Coupe d’Europe contre l’Austria Vienne…"
"Tielemans n’aurait pas dû frapper ce penalty. C’était courageux de sa part, mais un joueur plus expérimenté aurait dû prendre ses responsabilités. Moi, j’ai donné un penalty dans ma carrière : en match amical au tournoi de Toulouse, contre des Roumains. Je suis encore toujours en procès avec le gars qui était derrière le but et qui s’est pris ma balle en pleine tronche. (rires)"
"Moi, j’aurais conseillé à Youri de rester encore deux ans à Anderlecht. Partir à 22 ans aurait quand même été parfait. Croyez-moi : il risque de ne pas jouer à Monaco."
"Et les autres ? Trebel, est vraiment un renfort ! Quelle endurance ! Il me fait penser à Defour… Quand Tielemans et Dendoncker partent en attaque, il reste en couverture, comme un chien de garde. Et quand il le faut, il mord."
"Hanni ? Il doit toujours jouer en 10. Il a connu des moments difficiles, quand il s’est fait siffler. Mais ce n’était rien comparé aux sifflets adressés à… Franky Vercauteren lors de ses débuts à Anderlecht. Il venait du Daring et n’était pas accepté par les gens. Il lui a fallu du temps avant de devenir le Petit Prince du Parc. Chapeau que Franky ait mordu sur sa chique. Ce n’était pas évident."
"Hanni a pris confiance à Ostende, en marquant ce formidable but. Bien sûr que Weiler n’aurait jamais dû le sortir à Manchester. Mais bon, Weiler prétend qu’il était un peu blessé. Je n’ose plus le contredire… (Rires)"
"Acheampong, c’est un petit fou. Mais qu’est-ce qu’il peut être dangereux ! Il a été meilleur en Coupe d’Europe qu’en championnat de Belgique. Mais je ne comprends pas une chose. À Manchester, il avait des crampes après une heure de jeu… Si tôt, pour un joueur pro ?"
"Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est lui remplir le crâne avec des directives tactiques. Laissez-le courir ! Faites-le monter quand l’arrière droit est presque mort. Il va le bouffer."
"Chipciu, par contre, ce n’est pas mon truc. Il est trop court pour Anderlecht. Si j’étais Van Holsbeeck, je remplacerais tout mon flanc droit. Il fait son boulot, mais je ne suis pas séduit. (À haute, voix, afin que le gérant roumain de l’établissement puisse l’entendre) Sans les Roumains, on aurait été champions depuis longtemps. Chipciu n’est pas le genre de joueurs qui sort son équipe de la m… quand ça va mal. Il joue bien quand l’équipe joue bien. À mon époque, j’avais Ressel et ensuite Van der Elst devant moi sur le flanc droit. Ils étaient d’un autre calibre et marquaient beaucoup plus souvent."
“Kara doit encore rester sept ans”
Gille Van Binst est impressionné par la défense, sauf par Appiah.
En tant qu’ancien défenseur, Van Binst est fan de trois quarts de la défense d’Anderlecht. Voici son bulletin.
“Kara ? J’entends qu’Anderlecht va le vendre. Ce serait une erreur. Un gars pareil, il faut le garder sept ans et construire une défense autour de lui. Kara m’a étonné à Manchester et contre Bruges. Je pensais qu’il était vulnérable au niveau de son accélération. Visiblement, il en veut à certains supporters, qui l’auraient traité de singe via les réseaux sociaux. Je ne peux pas croire qu’il s’agissait de supporters d’Anderlecht. Kara, ce sont des Brugeois ou Standardmen qui ont envoyé ça, en se faisant passer pour des Anderlechtois ! Ou des supporters du RWDM !
Non, eux pas… Ils ne savent pas écrire (rires). Oui, tu peux l’écrire, ça fait partie du folklore bruxellois. Kara m’a aussi étonné parce que je pensais que son genou était en compote, mais cela a l’air d’aller. Moi, j’ai joué une saison à Bruges avec un genou complètement ravagé. Le docteur D’Hooghe m’avait dit : Je vais t’enlever du liquide de ton genou. Sa seringue était remplie de sang. Résultat des courses : j’ai boité après ma carrière. Le chirurgien m’a dit que j’aurais presque dû commander une chaise roulante.
Spajic, c’est un gangster. Mais des pareils, il en faut dans une équipe. Les attaquants adverses ont peur de lui. Il a même sorti Zlatan du match, à Manchester. Il a fait un match formidable contre United.
Obradovic est la révélation du second tour. Quel calme ! Bonne technique, bon jeu de position, intelligent. C’est un joueur élégant. S’il est meilleur que les arrières gauches de mon époque ? On n’avait pas un bon back gauche, seulement un bon back droit, à savoir moi. (Rires). Obradovic a quand même été opéré deux fois aux ligaments croisés ? Cela ne se voit pas. Sa prothèse, ce ne sera que pour dans 20 ans.
Appiah, par contre, ce n’est pas assez pour Anderlecht. Najar est dix fois plus fort. Appiah ne sait pas donner un centre ! Si Najar n’avait pas été blessé, Anderlecht serait champion depuis longtemps. Il lit bien le jeu, est rapide. Il est plus offensif et plus aventurier, comme moi à l’époque. J’avais eu une formation comme attaquant. À la fin de mon époque à Anderlecht, Constant Vanden Stock en avait marre de me voir en attaque. N’oublie pas que tu es un défenseur !, me disait-il. Mais Goethals me défendait : C’est le meilleur tacleur de Belgique, président.”
“Teo ? Je savais qu’il marquerait jeudi !”
En attaque, il n’y a pas de discussion possible pour Van Binst : “Teodorczyk est de loin le meilleur. Il a sauvé Weiler à plusieurs reprises. Si Anderlecht est champion, c’est grâce à lui. Dans les mauvais matches, il était toujours là pour marquer. Quand il ne marquait pas, Anderlecht marquait de la deuxième ou de la troisième ligne. Tant mieux.”
“Sa frustration à Bruges, je la comprends. Il était nerveux parce qu’il était sur le banc. Weiler a bien fait de parler avec lui. En tant qu’entraîneur, je lui aurais dit : Je ne te donne pas d’amende, mais marque-moi le but du titre à Charleroi. Et c’est ce qu’il a fait en inscrivant deux buts jeudi. Je l’avais dit la veille que Teo marquerait le but du titre au Mambourg!”
“Teo a un problème : son nom. Raymond Goethals n’aurait jamais pu le prononcer. Et même moi, je l’appelle Teo machin. Ce n’est pas un beau joueur, et c’est un personnage difficile. Un Jan Mulder ou Ruud Geels, les centre-avant de l’Anderlecht des années 70, avaient plus de technique. Mais Geels, il inscrivait ses buts contre le Cercle ou Berchem Sport… Il vous a raconté que j’avais fait caca dans ses chaussures ? Ah, il s’en souvient encore ? (rires)”
“Kiese Thelin, lui, n’est pas suffisant pour Anderlecht. Il court beaucoup, mais marque trop peu. Il ne crée pas le danger. Il préfère courir après le ballon que de l’avoir. Mais bon, je suppose que c’est un brave gars.”
“Bien vu de garder Deschacht !”
Van Binst préfère aussi voir Bruno rester au Sporting.
Une des vérités dans le football est qu’un titre se gagne avec le banc. Pendant les playoffs, cela n’a pas vraiment été le cas, vu que les réservistes n’ont presque pas joué.
“Des réservistes, Deschacht et Bruno sont les seuls que je garderais. Anderlecht a raison de garder Olivier. Weiler doit lui avoir posé la question suivante : Tu es d’accord d’être dépanneur la saison prochaine ? Je suppose qu’il a accepté. Goethals avait toujours son équipe fixe, plus six réservistes. Avant qu’un réserviste ne signe à Anderlecht, il lui demandait : Tu es d’accord d’être sur le banc ? Si la réponse était non, il ne pouvait pas venir. Attention : un réserviste peut pourrir l’ambiance d’un groupe ! Bruno, je le garderais aussi. Il a été moins important que lors de sa dernière saison à Anderlecht, mais il est toujours monté avec beaucoup d’enthousiasme.”
“Stanciu, c’est encore pire que Chipciu. Il est la plus grosse déception de la saison. Est-ce qu’il est paralysé par le poids des 10 millions ? En tout cas, on a eu assez de pitié avec lui. Il a eu assez sa chance. Il ne parvient pas à s’adapter à Anderlecht. Certains joueurs ont peut-être besoin d’un temps d’adaptation. Mais un an, c’est beaucoup.”
“À notre époque, on n’avait pas pitié des nouveaux. Il y en a qui étaient carrément sabotés par le groupe. McKenzie en est un exemple. Celui-là, on l’a fait souffrir. Le but était de le sortir de l’équipe. Et on y est parvenus. Mais je ne crois pas que c’est ce qui se passe avec Stanciu.”