Vanhaezebrouck se confie dans une interview décalée: "À 33 ans, j’ai pensé que je pourrais aller à Bruges"
De ses débuts à Lauwe à sa participation à l’aventure de Harelbeke, passé de la D3 à la D1, l’entraîneur du Sporting vous dévoile tout...
- Publié le 02-01-2018 à 07h07
- Mis à jour le 02-01-2018 à 07h10
De ses débuts à Lauwe à sa participation à l’aventure de Harelbeke, passé de la D3 à la D1, l’entraîneur du Sporting vous dévoile tout... Parcours atypique que celui qu’a suivi, dans sa carrière de joueur, l’actuel mentor d’Anderlecht. De la P4 à la D1, son chemin a croisé une multitude de faits sur lesquels il revient avec un plaisir consommé.
Si on abordait cette interview par cette question classique : le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué ?
"S’il faut parler du plus fort... physiquement, il n’y en a qu’un seul : Jan Köller. C’est pas compliqué, moi qui avais pourtant l’habitude, par ma stature, de dominer mes adversaires, à Lokeren, où il fut mon équipier, quand Köller se mettait devant moi, on ne me voyait plus !"
Donc le plus fort, mais pas nécessairement le plus doué ?
"Le plus doué avec lequel j’ai joué, son nom ne vous dira probablement rien: Bart Maes. On évoluait ensemble à Lauwe, en P4, nous avions à peine 16 ans, mais ce garçon-là était extraordinaire par sa vitesse, sa technique, son sens du but et du jeu. C’était un petit gabarit auquel m’a par exemple toujours fait penser Marc Degryse. Ce Bart Maes, de Lauwe, a été transféré très vite au Club Bruges, où il a confirmé son énorme talent, mais son entente avec l’entraîneur Kessler fut mauvaise, si bien qu’il a rapidement été écarté du noyau de base. Comme son entourage n’était pas des meilleurs et que lui-même n’était psychologiquement pas très fort, la suite de sa carrière ressembla, sur le plan sportif, à une descente aux enfers alors qu’il avait, pour moi, le potentiel pour être titulaire chez les Diables Rouges..."
Glissons vers le joueur le plus fort contre qui vous avez joué.
"En fait, les attaquants costauds ne m’ont jamais fait peur. Un Johnny Bosman, un Erwin Albert ou un Willy Geurts, jamais je n’ai redouté d’affronter ce type de centre-avant. Par contre, j’ai souvent souffert face à des attaquants de petite taille, comme un Waligora de Lommel ou un Didier Beugnies. Je me souviens d’un match où il m’avait passé deux fois pour inscrire autant de buts."
Et à l’étranger, vous aviez une idole ?
"J’étais un libéro pur et dur à l’ancienne, donc je détestais jouer en marquage sur l’homme. Forcément, les joueurs que j’admirais évoluaient dans ce style, comme un Beckenbauer, voire un Morten Olsen. Il est d’ailleurs amusant de savoir que lorsque j’avais 16 ans et que je débutais en équipe première à Lauwe, beaucoup d’observateurs me comparaient à Laurent Verbiest, le libéro d’Anderlecht des années soixante, qui s’est tué en voiture à l’âge de 27 ans..."
Le joueur le plus dur que vous avez connu ?
"Personnellement, car j’étais costaud, je n’ai pas eu à souffrir du jeu d’un adversaire foncièrement dur, voire méchant. Par contre, oui, j’en ai connu. Par exemple Patrice Zéré, que j’ai vu plus d’une fois rentrer solidement dans un adversaire. Heureusement que, celui-là, j’étais son équipier. Sinon j’épinglerais aussi le Hongrois Florian Urban. Dans un match, il avait séché un de mes équipiers, alors j’ai décidé de le secouer à mon tour. Il s’est retourné prêt à exploser, mais quand il a vu que c’était moi, avec ma carrure, il s’est vite éclipsé..."
Le joueur le plus fêtard ?
"Me faire une blague dans le vestiaire, cela ne m’est jamais arrivé. Il faut croire qu’on avait déjà peur de moi (rire) ! Mais un vrai numéro dans le vestiaire et dans la vie, c’était Maxim Vandamme. À Courtrai, il multipliait les farces et les sorties, mais il avait l’art pour que la colère du président ou de la direction retombe sur les autres."
La plus grosse fête ?
"Celle qui a été organisée pour fêter le titre de La Gantoise, avec cette descente de la Lys. J’avais déjà eu l’occasion, auparavant, de fêter des titres. Mais cette fête-là était très particulière, car elle a mobilisé une ville entière, qui attendait ce titre depuis plus de 100 ans et qui, là, le décroche alors que ce n’était pas vraiment prévisible. Ce qui est fou, c’est qu’au départ on ne devait pas faire cette fête en ville, mais dans le stade. Avec le président, on a alors poussé le bourgmestre à céder, d’autant qu’on avait avec nous la police, les pompiers et bien sûr les supporters, sans oublier la météo. Cela reste pour moi le moment le plus agréable que j’ai pu vivre dans le monde du foot."
La plus grosse colère à laquelle vous avez assisté dans un vestiaire ?
"En fin de compte, elles sont très rares. Tout au plus, la saison où je suis revenu à Courtrai comme entraîneur après mon expérience ratée à Genk, au bout de quelques mois, j’ai eu la conviction qu’il y avait un malaise entre le groupe formé par les joueurs issus des Balkans et celui constitué par les Africains. Je me suis ouvert à Karim Belhocine, qui était le capitaine, mais ce dernier m’a affirmé que tout était réglé. Or trois jours plus tard, à l’entraînement, alors qu’on se prépare à affronter Genk, leader invaincu du championnat, suite à un coup de coude volontaire, une bagarre a éclaté. Je me suis précipité au milieu du groupe, j’ai aggripé les deux meneurs par le cou pour les ramener au vestaire, et là j’ai provoqué une discussion de plus d’une heure avec tout le noyau. Ma méthode a eu de l’effet pour ressouder le groupe, car nous avons fini par battre Genk !"
L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
"Tout au long de ma carrière, j’ai eu pas mal de grands noms comme entraîneur. Le premier c’est Jacky Stockman, qui m’a titularisé à Lauwe alors que j’avais 16 ans à peine. En fait, il a éliminé pas mal d’anciens pour donner une chance aux jeunes. On avait une moyenne d’âge, dans l’équipe, de 18 ans, ce qui était du jamais-vu à ce niveau de la compétition. Comme pro, le plus enrichissant fut Willy Reinders, qui à Lokeren fut le premier à me faire jouer en zone, avec l’idée du pressing très haut, moi qui, jusqu'à mes 34 ans, avais toujours évolué comme pur libéro !"
Le choix tactique d’un entraîneur que vous n’avez pas compris ?
"Avec Harelbeke contre Anderlecht. On menait 1-0 et le Sporting, qui poussait pour égaliser, demande à Glen De Boeck de jouer centre-avant. Voyant cela, moi je hèle Mike Origi, le père de Divock, qui était grand et bon dans le jeu aérien, de reculer avec moi en défense. Tout fonctionne bien, et alors qu’on entre dans les arrêts de jeu, notre entraîneur décide de faire un changement. De manière incompréhensible, il fait sortir Origi pour le remplacer par un joueur pas plus haut que trois pommes. Résultat, au premier centre balancé dans le rectangle, De Boeck dévie le ballon qui est repris de volée par un Anderlechtois qui arrache ainsi l’égalisation. J’étais furax contre notre entraîneur, vous pouvez me croire, et je le lui ai fait savoir !"
La défaite qui vous a fait le plus mal ?
"Celle encourue en finale de la Coupe de Belgique alors que j’étais entraîneur à Courtrai. On a dominé tout le match, on s’est créé une multitude d’occasions, et en fin de rencontre notre gardien fait une erreur qui offre la Coupe à Lokeren. Cette défaite-là, aujourd’hui encore je ne l’ai pas digérée..."
Le match que vous aimeriez rejouer ?
"Celui que je considère comme mon meilleur match au titre d’entraîneur. C’était le match aller d’un quart de finale de Coupe avec Courtrai, alors en deuxième division, contre La Gantoise où jouaient des gars comme Ruiz, Maric ou Thijs. On l’a emporté 5-1 et on aurait pu gagner 10-2. Le niveau de jeu qu’on a développé ce jour-là, c’était du jamais-vu pour une équipe de D2."
Et votre meilleur match en étant joueur ?
"Avec Harelbeke, lors de l’avant-dernier match du tour final pour monter en D1. On l’a emporté à Mouscron et c’est moi, de la tête, qui suis parvenu à inscrire, dans les arrêts de jeu, le but de la victoire."
Votre plus grande réussite ?
"Le parcours que j’ai fait avec Courtrai, déjà cela, c’est pas mal. Ramener ce club qui était quasiment perdu pour le foot en D1 et, là, le maintenir chaque saison aux environs du top 6, c’est déjà une forme d’exploit. Mais plus impressionnant encore, c’est mon parcours avec La Gantoise. La conquête du titre, l’accès à la Ligue des Champions, la victoire à Tottenham à Wembley devant 80.000 spectateurs : ça, ce sont des exploits que je ne pourrai jamais oublier."
Et votre plus grande réussite comme joueur ?
"Ma dernière année à Harelbeke, club avec lequel j’aurais pu terminer à la 2e ou 3e place du championnat, tant on jouait bien, remportant nombre de matchs sur des scores de 5-1 ou même 6-1."
Votre plus grand regret comme joueur ?
"De ne pas avoir fait plus tôt un pas vers le haut. Je suis par exemple resté 5 saisons en D2 avec Harelbeke. C’était trop long, mais à l’époque il n’y avait pas de manager et les joueurs étaient un peu esclaves de la bonne volonté ou pas des dirigeants de les libérer. À 20 ans, déjà, j’aurais pu rejoindre un club de D1. Mais le destin fut tout autre..."
Quel est, alors, le transfert qui a failli se faire ?
"À 16 ans, pas mal de grands clubs s’étaient intéressés à moi, à l’image du Club Bruges. Mais mon père, qui était secrétaire du club de Lauwe, a préféré me garder et m’a dit d’attendre, que j’avais le temps. Finalement, je serai resté 4 ans à Lauwe. Et puis, à 33 ans, Antoine Van Hove, dirigeant du Club Bruges, est venu vers moi et m’a dit : ‘Tu es un tout bon joueur.’ Je pensais que je pourrais rejoindre Bruges, mais au final la direction brugeoise a estimé que j’étais trop... âgé !"
L’équipier que vous n’avez plus vu et que vous aimeriez revoir ?
"Mike Origi. C’est quelqu’un pour qui j’ai toujours eu beaucoup de respect et l’attaquant contre lequel j’ai le plus souffert à... l’entraînement !"
L’équipe la plus forte dans laquelle vous avez joué ?
"Celle de ma dernière année à Harelbeke et, surtout, celle de ma première année à Lokeren. Avec Köller et Vonacek, on a d’ailleurs été en tête du championnat pendant 10 matchs et, cette saison-là, on a battu tous les grands en misant sur la zone et un pressing très haut."