Knowledge Musona: "Le coach a poussé tous les Africains dehors"
Knowledge Musona, recrue estivale du RSCA, se dévoile au sujet de son passé.
- Publié le 11-08-2018 à 07h18
- Mis à jour le 25-08-2018 à 17h39
Knowledge Musona, recrue estivale du RSCA, se dévoile au sujet de son passé.
Anormale. Difficile de trouver un autre qualificatif pour l’évolution de Knowledge Musona. De son centre de formation au Zimbabwe ("Pas en Zambie, hein, Teo n’arrête déjà pas de m’appeler Zambia, Zambia") à Hoffenheim en passant par l’Afrique du Sud, il a déjà vécu énormément à seulement 28 ans. Retour sur la trajectoire d’un voyageur.
Le Zimbabwe
"Je suis tranquille quand je suis au pays."
Cadre de l’équipe nationale avec son pote Marvelous Nakamba (Club Bruges), il n’y est pourtant pas extrêmement connu. "Je n’ai jamais joué en D1. J’étais dans un centre de formation mais j’ai quitté le pays trop tôt. Quand je me promène en rue avec une casquette, je sais que seuls les gros fans de football m’arrêteront pour une photo."
L’Afrique du Sud
Ce n’est pas le cas quand il est dans les rues de Johannesbourg. "Les gens sont fous et demandent plein de photos de moi. J’adore. Tout a été si vite là-bas. De l’académie, je suis arrivé aux Kaizer Chiefs, l’un des plus grands clubs du pays. Je suis élu rookie de l’année avant de m’imposer dans l’équipe. On jouait dans des stades immenses."
C’est aussi en Afrique du Sud qu’il a obtenu un surnom qui lui a longtemps collé à la peau : the smiling assassin. "Car je marquais des buts et gardais le sourire tout au long du match. Même quand l’arbitre me mettait une carte. C’est un membre du staff des Kaizer Chiefs qui me l’a donné. Je n’étais jamais fâché jusqu’à la première carte rouge de ma vie : face à Bruges après quelques minutes. L’arbitre s’est excusé par la suite car il avait tort. Mais depuis, je ne souris plus (rires)."
Il a refait un crochet par Johannesbourg en 2013-2014 pour se relancer. S’il s’est blessé en fin de saison (lire ci-contre), ce qui a coûté le titre aux Kaizer Chiefs. "J’avais beaucoup appris en Europe et je sentais que j’étais au-dessus du lot."
Son frère Walter joue toujours en Afrique du Sud, où il évolue bien. "Il a beaucoup de talent et a marqué un but fantastique d’un coup franc des 40 mètres. Je n’ai jamais mis un but pareil. Je suis jaloux (rires)."
L’Allemagne
Arriver à Hoffenheim après deux petites saisons en Afrique du Sud a été un choc pour Musona. "En y repensant, tout a été très vite et j’aurais peut-être dû passer par une étape intermédiaire."
Il débute pourtant bien en effectuant de nombreuses montées au jeu. "Jusqu’à ce que Stanislawski, le coach qui m’a fait venir, soit viré. Markus Babbel est arrivé et tous les Africains devaient partir. Je ne sais pas pourquoi. Il a amené ses joueurs. Je ne sais pas pourquoi il ne voulait pas de blacks… L’équipe jouait bien. Je n’ai pas compris ce qu’on avait fait de mal."
Il est prêté à Augsburg dans la foulée. "J’y ai joué le début de saison, puis à la trêve, le directeur sportif a changé. Il a amené de nouveaux gars et c’était fini pour moi. Je pense aussi avoir payé un retard en stage. Je me suis réveillé trop tard et ce n’est pas bien passé."
À son retour, Babbel n’est plus en place mais il ne reçoit pas non plus sa chance. Pareil à son retour d’Afrique du Sud. "Ce n’était pas simple en Allemagne. J’étais un attaquant ou un numéro 10 et j’ai été replacé sur l’aile. Cela nécessitait une adaptation."
Il s’est promis de revenir en Bundesliga. Un jour. Mais pas à Hoffenheim. "Je n’ai jamais eu ma chance à Hoffenheim. J’ai une revanche à prendre en Bundesliga . J’espère y retourner un jour. Et si nous les affrontons en Europe, je vais courir partout pour les battre."
L’Allemagne lui aura tout de même offert une chose précieuse : sa famille. Musona est papa de deux filles de deux ans et onze mois, Tanja et Michaela. "Daisy et les filles me rejoindront dès qu’elle aura fini ses études. C’est parfois difficile d’être tout seul. En plus, je ne suis pas un brillant cuisinier, donc je vais souvent dans les restaurants africains de Bruxelles (rires)."
La Belgique
La porte de sortie n’a pas été simple à trouver. À son retour d’Afrique du Sud, il a passé six mois à chercher un nouveau défi avant de s’engager à Ostende en janvier.
La rumeur prétend qu’il a fait la fine bouche. Il se défend. "Vous parlez de QPR ? Les agents pensent avoir des deals. Un gars du Zimbabwe m’a dit que je devais faire un essai. Je ne pouvais pas partir comme ça. Il insistait mais je lui disais que je ne venais pas sans une lettre d’invitation afin de prouver au club que je ne partais pas. Je ne voulais pas prendre ce risque de partir sans autorisation d’Hoffenheim. Après coup, on a dit que j’avais refusé QPR. Pareil pour le FC Twente. J’ai été jusqu’aux Pays-Bas mais le club n’a finalement pas vendu Castaignos. C’est juste un coup de malchance avant de me relancer à Ostende."
"Je voyais d’autres joueurs parier"
Il y a deux ans, alors que l’affaire des joueurs pariant sur les matches de Pro League éclatait, Olivier Deschacht, Laurent Henkinet… et Knowledge Musona avaient été entendus au sujet de paris placés sur des matches de football.
Le parquet avait conclu que l’actuel joueur d’Anderlecht avait placé des paris sur son équipe de l’époque, Ostende. Ce qu’il nie. "Je n’ai pas parié sur Ostende ni même sur le football belge", affirme le joueur qui n’avait jamais parlé de cette affaire. "Je me contentais de football étranger et d’autres sports."
Il regrette cette affaire pour laquelle il pointe le manque d’informations à son arrivée dans le monde du football européen. "Je ne savais pas que c’était interdit. Je l’ai appris quand on me l’a dit. Je voyais d’autres joueurs parier et j’ai voulu faire pareil. C’était pour le fun. Je n’ai jamais parié beaucoup d’argent. Je jouais souvent 10 euros. J’ai eu la chance que le club soit de mon côté. J’aurais dû être prévenu à mon arrivée. Je pensais que c’était normal."
Il se souvient très bien de l’appel de la police. "La police m’a téléphoné et m’a dit que je ne pouvais plus parier. J’étais choqué. Je me demandais ce que j’avais fait. J’ai directement prévenu le club. J’ai su dormir mais je me demandais quelle serait la pire chose qui pouvait m’arriver. C’était mon erreur et je devais l’assumer. J’ai dit la vérité à la police et ils n’ont pas posé de problème."
"J’ai perdu du poids sans le faire exprès"
Knowledge Musona revient sur ses débuts avec Anderlecht et Hein Vanhaezebrouck.
L’appartement à Bruxelles est trouvé. Knowledge Musona y vivra seul mais pourra se concentrer sur le foot. "Je suis désormais à 100 % concentré et à 90 % adapté."
La différence est-elle grande avec Ostende ?
"Oui, je sens que je suis dans un grand club. J’essaie de donner mon max à chaque montée au jeu et à chaque entraînement. Ici, on n’a pas le temps de souffler."
Vous avez d’ailleurs perdu quatre kilos…
"Je n’en sais rien. Je ne suis pas remonté sur la balance depuis un moment mais on me dit que je suis plus affûté. La préparation a été tellement lourde que j’ai dû maigrir sans le vouloir. Je ne suis pas du genre à prendre du poids même quand je ne m’entraîne pas. Par contre, je perds vite."
Vous adaptez-vous à la philosophie de Vanhaezebrouck ? Vous êtes du genre à jouer librement alors qu’il demande à ses joueurs de suivre ses consignes…
"Je peux encore laisser parler mon intuition. Tu ne peux pas toujours appliquer ce que veut le coach. Il faut parfois réfléchir soi-même. Tu dois prendre ce qu’il te dit pour appendre à te sortir de situations, pour créer de l’espace. Je dois apprendre à trouver l’équilibre entre ce que je fais et ce que le coach veut. À un moment, ça deviendra automatique. J’apprends depuis le banc avant de pouvoir appliquer tout sur le terrain."
À Ostende, certains disent que vous ne vous entraîniez pas en début de semaine…
"C’est juste à cause de ma cheville. Mes entraîneurs connaissent ma blessure et je devais faire attention pour être prêt pour le match. Je ne profitais pas de mon statut. Je voulais m’entraîner. Je ne me comportais pas comme une star. J’ai toujours accepté qu’on me mette sur le banc."
Andile Jali n’avait-il pas une mauvaise influence sur vous ?
"Il n’y avait pas de problème avec lui. Il n’a pas été dans l’équipe durant des mois et je l’ai aidé, je l’ai emmené au fitness. Il avait du poids en trop et il a écouté mes conseils."
Revenons à votre souci à la cheville…
"J’ai voulu éviter un tacle en sautant mais mon opposant m’a touché lorsque je suis retombé et je me suis tordu la cheville. J’étais en Afrique du Sud et on m’a fait porter une attelle. Quand je suis revenu en Allemagne on m’a dit que je n’avais pas été bien soigné et j’ai dû recommencer la rééducation. Depuis, je m’entraîne toujours avec un tape pour limiter mes mouvements car j’ai tendance à facilement me tordre la cheville."
Marc Coucke vous voulait vraiment et vous considère comme l’un de ses joueurs favoris. Votre relation est-elle spéciale ?
"C’était un honneur mais on ne s’échange pas de messages et il ne me prend jamais à part. J’ai appris avant le dernier match de championnat qu’il voulait me transférer. Mon manager ne m’a pas parlé d’autres clubs mais quand il a évoqué Anderlecht, j’étais directement d’accord."