Jan Mulder évalue Anderlecht: "Achète, Coucke ! Et de la classe pure, cette fois !"
Jan Mulder évalue son Sporting et donne des conseils au nouveau président.
- Publié le 20-10-2018 à 07h24
- Mis à jour le 20-10-2018 à 10h38
Jan Mulder évalue son Sporting et donne des conseils au nouveau président. Voilà 46 ans que Jan Mulder (73 ans) a quitté son RSC Anderlecht, mais l’ancien footballeur et actuel éditorialiste, écrivain et personnalité de la télévision flamande et néerlandaise est encore toujours aussi mordu par le microbe mauve et blanc. Et Mulder est inquiet. "J’aimerais avoir tort en fin de saison, mais Anderlecht n’est pas un grand concurrent pour le titre" , dit Mulder.
Qui sont les favoris ?
"Bruges et Genk. Anderlecht n’a pas la classe pure d’un Pozuelo ou Malinovskiy. Et vous savez qui m’a séduit lors de la dernière journée, avant le break international ? Le Standard, face à Bruges. Ça, c’était du football comme je l’aime !"
Un Anderlechtois qui complimente le Standard ?
"Pourquoi pas ? Dès la première minute, il a pris Bruges par la gorge, avec Carcela comme virtuose. C’était un jeu atypique pour Preud’homme. Bruges n’a pas eu le temps d’être Bruges. Quelle spontanéité dans le chef du Standard ! Vous connaissez ma théorie : les joueurs perdent leur naturel quand ils reçoivent trop d’instructions, souvent défensives."
Qu’est-ce qu’Anderlecht doit faire pour vous donner tort et remporter le titre ?
"Je n’ai pas de conseils à donner à Marc Coucke, mais je le fais quand même. Monsieur Coucke, vous devez acheter ! Et cette fois, dépensez vos millions pour acheter de la classe pure, surtout en attaque !"
L’avenir du club sous Coucke vous inquiète ?
"Il était temps que la dynastie Vanden Stock se termine. Roger était fatigué. Il ne voulait plus être confronté à tous ces soucis. La reprise par Coucke - un Belge - était rafraîchissante. Mais il a surtout voulu changer l’organisation du club. Il a enlevé dix places par-ci, il a remis les VIP par-là, il a viré des gens, certains de façon plus agressive que d’autres. D’accord, mais ce qu’il aurait surtout dû faire, c’est acheter des joueurs pour beaucoup plus d’argent !"
Il a dépensé huit millions pour Sanneh !
"Ils ont oublié une chose : qu’il fallait travailler son passing à l’entraînement. Bon Dieu, Sanneh ! Appuie tes passes !"
Et les autres transferts ?
"Milic, Makarenko : ce n’est pas assez. Même Dimata ! C’est le préféré de Coucke. Mais il n’a pas touché une balle à Wolfsbourg ! C’est quand même un signe. Il n’a que 20 ans, il ne peut pas porter une attaque. Et, techniquement, j’ai mes doutes. Il est bon pour Ostende ou Wolfsbourg B, mais pas pour Anderlecht. Zéro but en cinq matches à Anderlecht, c’est inadmissible pour un attaquant des Mauves."
Vous ne croyez pas en Santini non plus ?
"Il a marqué un but splendide contre le Standard. Et à Courtrai. Mais il est statique. Il apporte peu au jeu."
On ose parier que vous êtes fan de Bakkali.
"Oui ! Il a quelque chose de spontané et n’a pas de complexes. J’aime cela. Je ne sais pas s’il a la classe d’un Degryse, Rensenbrink ou Lozano - je ne le crois pas - mais il prend l’initiative. C’est un soulagement de voir à l’œuvre un joueur qui ne suit pas à la lettre les consignes de l’entraîneur. Ce n’est pas une machine préprogrammée."
La même chose vaut pour Saelemaekers.
"Un excellent joueur ! Vous savez quand il m’a charmé pour la première fois ? Lors de sa toute première montée au jeu à Saint-Trond, en février, quand personne ne le connaissait. Dès sa première touche de balle, je me suis dit : ‘Yes ! Un vrai joueur d’Anderlecht !’ Mais en même temps, j’ai pensé : pourquoi le mettre arrière droit ? Il peut être plus utile dans une position plus offensive ! Entre-temps, il joue un rien plus haut."
Il doit juste éviter les bêtes exclusions.
"C’est la jeunesse. Vranjes, par contre… C’est quand même intolérable, ce qu’il a fait contre Zagreb ? Vanhaezebrouck aurait dû le sortir après sa première carte jaune !"
N’y a-t-il personne d’autre qui vous fascine ?
"Gerkens est un chouette petit joueur, mais il ne pèse pas chaque semaine sur les défenses. Kums n’est pas sûr de lui. Trebel devrait être le grand monsieur, mais ce n’est pas un meneur de jeu. Il devrait être le serviteur du meneur de jeu. Il lui faut vingt touches de balle pour ce que le meilleur Kums faisait en une touche de balle. Par contre, vous savez à qui je donnerais sa chance ?"
Allez-y...
"À Morioka. Il ne reçoit pas la confiance de son coach. À Waasland, je le trouvais excellent. C’est un beau joueur. Contre le Standard, je trouvais ses trois premières touches de balle bonnes. Mais il a payé l’élimination contre l’Union et n’était même plus sur le banc la semaine d’après. Il doit plus devenir un homme."
Jan, Anderlecht n’a pas un énorme retard sur Bruges et Genk. Tout reste possible.
"Je ne regarde pas le classement, mais le style de jeu. Anderlecht est beaucoup trop instable. Je le répète une dernière fois : il faut dépenser davantage, monsieur Coucke ! Sinon, tu ne réussiras pas ! "
"Tu es à Anderlecht, Hein. Montre-le!"
Mulder trouve que Vanhaezebrouck doit changer sa com. “Tes joueurs t’aiment !”
Hein Vanhaezebrouck a sauvé sa peau comme entraîneur d’Anderlecht. La tête de Turc est désormais Luc Devroe. “Alors que Devroe était complimenté pour son bon travail, après cinq journées de championnat ” , sourit Mulder. “Les fans sont devenus les membres les plus importants et les plus puissants d’un club. Ils décident du sort d’un entraîneur. D’un côté, c’est une évolution sympa. D’un autre côté, ce n’est pas très logique. À mon époque, c’était différent. Vous savez qui décidait de la survie d’un entraîneur ? Le vestiaire ! J’avoue que ce n’était pas très correct non plus…” Mulder estime que Coucke a pris la bonne décision en maintenant Vanhaezebrouck. “Hein n’y peut rien que la direction n’ait pas acheté de bons joueurs. Il a fait ses preuves à Gand, en proposant du beau football. J’espère qu’il va s’en sortir et que la crise a servi de catharsis. Le match à Zulte Waregem était un premier pas dans la bonne direction. Pourvu que cela soit encore meilleur contre le Cercle.” Ce 7 octobre , à Waregem, Mulder avait constaté quelque chose d’étonnant. “Je ne savais pas que Vanhaezebrouck était aussi populaire auprès de ses joueurs. C’était émouvant de les voir courir vers leur coach après les buts. Il ne savait pas trop comment se comporter en recevant leur amour. Hein est plus doux à l’intérieur que ce qu’il ne montre. Il a une peau d’éléphant, mais il a un tout petit cœur.”
Pourtant, Vanhaezebrouck ne les a pas épargnés en public. “Souvent, il a raison quand il déclare à ses conférences de presse que ses joueurs sont fautifs . (Il l’imite, avec un accent flamand) ‘Je l’ai dit trois fois dans le vestiaire avant le match, mais ils l’ont oublié.’ Or, c’est dénigrant pour un joueur de lire cela le lendemain dans la presse. Psychologiquement, ce n’était pas bien. Il devrait être plus malin. Sans être trop doux. Un joueur peut être critiqué en public, mais il faut voir quand et comment. On sait tous, Hein, que tu n’as pas un Mbappé ou Neymar dans ton groupe…”
La conclusion de Mulder : “Vanhaezebrouck doit encore s’habituer à Anderlecht. Toute sa vie – que ce soit en tant que joueur de Courtrai, de Lokeren ou de Harelbeke, et ensuite en tant que coach de Courtrai et même Gand – il a été admirateur d’Anderlecht. Maintenant, il est Anderlecht. Mais il ne se comporte pas encore de la sorte. Il dit trop souvent ‘ils’ , alors qu’il devrait dire ‘nous’. Donc, Hein : ‘Ce ne sont pas eux qui ont remporté 34 titres, c’est nous qui les avons remportés.’ D’accord ? ”
"Je préfère aucun titre plutôt qu’un titre à la Weiler"
Mulder ne l’a jamais caché : il n’est pas fan de René Weiler. "Pourtant, c’était un gars bien éduqué, sympathique et élégant", dit Mulder. "Mais son attitude envers les médias était inimaginable ! Tu dois quand même de temps en temps donner une interview ? Quel complexé ! René, de grâce, détends-toi ! Relaxe !"
La philosophie footballistique de Weiler est carrément opposée à celle de Mulder. Mulder : "Je préfère qu’Anderlecht ne soit pas champion plutôt que d’être champion avec le football de Weiler. Hélas, la réalité est différente. De plus en plus de clubs sont champions avec un style de jeu basé sur la contre-attaque. Or, Manchester City ou le Bayern ont joué du beau foot pendant des années. À la longue, on est récompensés. Un conseil aux coaches : ne bétonnez pas ! C’est risqué de jouer comme Weiler !" Mulder n’a qu’à devenir entraîneur lui-même. Il rit. "Jamais ! Et je n’ai jamais eu de proposition. Aucun métier ne remplace celui de footballeur !"
"Je me souviens du 0-16 à Marchienne et de ses géants"
À plusieurs reprises pendant l’interview, Mulder a évoqué le 0-3 contre l’Union. “Une humiliation scandaleuse !”, dit-il. “Même avec nos réserves, on aurait dû gagner ce match. Les joueurs sont responsables, mais Vanhaezebrouck aussi ! Ils ont sous-estimé l’adversaire. (Après un silence) Dommage, j’étais blessé pour ce match (petit rire jaune).”
À l’époque de Mulder, Anderlecht ne se faisait pas surprendre par des petits au premier tour. “Je n’oublierai jamais mon tout premier match pour Anderlecht. C’était un match de Coupe à Marchienne. On a gagné 0-16 et j’ai marqué cinq buts. Mais vous savez à quoi je pense surtout en me rappelant ce match ? Aux géants de Marchienne, qui se baladaient sur le terrain avant le match. Je suppose que c’est un rituel de la région ?”
En 1970, il a marqué sept fois en Coupe contre Blankenberge (14-0). “Vraiment ? Je n’ai plus aucun souvenir de ce match-là… Mais celui à Marchienne, par contre... Le club joue en quelle division, de ces jours ?” En P2, cher Jan...