Francis Amuzu: le diamant qui met son réveil pour dormir
Fils d’un ancien joueur du Standard qui n’avait plus d’argent, Francis Amuzu n’a pas eu une jeunesse facile. Avant un déclic le 8 mars 2016 grâce au… FC Barcelone.
- Publié le 24-01-2018 à 13h57
- Mis à jour le 24-01-2018 à 19h11
Fils d’un ancien joueur du Standard qui n’avait plus d’argent, Francis Amuzu n’a pas eu une jeunesse facile. Avant un déclic le 8 mars 2016 grâce au… FC Barcelone. Onyekuru et ses 9 buts en Pro League ? Blessé. Hanni et ses 5 buts ? Suspendu. Gerkens et ses 3 buts ? Incertain. Teodorczyk et ses 3 buts ? Probablement sur le banc. La recrue offensive réclamée par Vanhaezebrouck ? Toujours pas là. Mais qui va marquer contre Waasland-Beveren ce mercredi soir au Parc Astrid ? La solution pourrait bien venir d’un gamin de 18 ans bien parti pour devenir le chouchou des supporters : Francis Amuzu.
Buteur pour sa première contre Eupen, responsable de l’exclusion de Kalu pour sa deuxième contre Gand et quasi buteur pour sa troisième à Genk dimanche après une belle frappe sur le poteau, le jeune attaquant n’a pas manqué ses débuts chez les professionnels. Au point d’avoir déjà bousculé la hiérarchie et d’être celui qui devra faire la différence face à Roef et sa bande. Il est donc plus que temps de faire plus ample connaissance avec un garçon qui est encore protégé des médias par le RSCA.
1. Il est le fils d’un ancien attaquant du Standard
Francis Amuzu naît en 1999 à Accra. Son père, Theophilus, n’a que 19 ans et travaille à 7.000 kilomètres de la capitale du Ghana : à Liège où il défend les couleurs du Standard. Aad De Mos avait repéré ce jeune attaquant lors d’un tournoi de jeunes aux Pays-Bas. Mais Amuzu senior ne s’impose pas, barré par les frères Mpenza et Ivica Mornar. Prêté dans un FC Malines au bord de la faillite, il vit des moments difficiles mais parviendra, grâce à l’aide du club, à faire venir sa femme et son fils Francis en Belgique. Même si la carrière professionnelle de Theophilus ne décolle pas (il enchaînera les petits clubs amateurs en Flandre), la famille décide de rester à Malines. Deux autres frères naissent mais tout n’est pas rose chez les Amuzu où l’argent manque trop souvent.
2. Il a été formé pieds nus dans le Limbourg
Très rapidement attiré par le football, le jeune Francis s’inscrit au SK Heffen puis au FC Malines. "Le tournant, c’est quand il rejoint l’académie Jean-Marc Guillou à Tongerlo en 2011", se souvient Thomas Caers, qui est alors responsable de ce centre de formation dans le Limbourg où les joueurs jouent pieds nus, comme Yaya Touré ou Arune Dindane à leur époque dans l’académie du même nom en Côte d’Ivoire. "Francis était un diamant brut. Il avait déjà cette vitesse impressionnante. C’est peut-être facile de le dire aujourd’hui mais j’étais certain à 100 % qu’il deviendrait professionnel. Il a beaucoup progressé à l’académie. Une grosse discipline était imposée à ces jeunes joueurs, aussi bien sur le terrain qu’à l’internat. Francis a très bien réagi. Il était tellement passionné par le foot qu’il acceptait tous les sacrifices. Tant que vous lui mettiez un ballon dans les pieds, il ne se plaignait jamais."
3. Il joue au foot avec un Diable dans les aéroports
Durant son séjour chez Guillou, Amuzu se trouve un agent : Jesse De Preter, ancien CEO du Lierse, club lié à l’académie. "J’avais fait la connaissance de Francis quand je travaillais encore au Lierse. Puis, j’ai monté l’agence de management Atticus. Quelques mois plus tard, Francis est venu nous demander si on pouvait s’occuper de lui. Il y avait beaucoup de soucis à régler, notamment au niveau administratif. On avait même un membre de notre société, Dirk, qui bossait à mi-temps rien que pour la famille. Les Amuzu viennent par exemple d’acheter une maison et c’est avec nous que ça s’est fait. Mi-mai 2017, on a aussi obtenu la nationalité belge pour toute la famille. Et Francis a déjà commencé à jouer pour l’équipe nationale belge."
Amuzu se lie d’amitié avec un autre joueur représenté par Jesse De Preter : le Diable Jason Denayer, lui aussi formé à l’académie Guillou. "Ils sont liés par le même amour du ballon. Je vois parfois des gamins déjà blasés du foot mais pas eux. Taper dans le ballon les rend heureux. Quand on part en voyage, ils prennent un ballon dans leur sac et jouent dans l’aéroport en attendant le vol."
4. À 16 ans, il bat les records des U19 au RSCA
Amuzu reste un peu plus de trois ans à l’académie Guillou avant de rejoindre Anderlecht en 2015 où son coup de reins a fait fondre les recruteurs. Il signe directement un premier contrat professionnel le lendemain de son 16e anniversaire. "Il avait impressionné lors de ses premiers tests physiques", reprend De Preter. "Il avait battu les records des U19 alors qu’il venait d’avoir 16 ans. Il a pu compter sur Jean Kindermans qui a joué le rôle de l’oncle sévère avec lui. René Peeters et Stéphane Stassin l’ont aussi beaucoup aidé à se développer. Il y a toujours eu une bonne communication avec Anderlecht. Et la cellule sociale a aussi très bien travaillé avec Francis."
Le 8 mars 2016, la carrière d’Amuzu bascule réellement. "Il n’avait encore que 16 ans et il est monté au jeu en fin de match contre le FC Barcelone en Youth League. Ce jour-là, il a compris qu’il pouvait vraiment faire une carrière professionnelle. Et il est directement devenu plus consciencieux. Un détail m’a par exemple amusé : il a commencé à mettre un réveil… pour aller dormir. Il était conscient que ses heures de sommeil étaient essentielles. Et après ces deux bons premiers matchs avec l’équipe A, il n’a pas plané. Le premier jour de la semaine de congé accordée par Vanhaezebrouck, il était dans la salle de fitness à Neerpede sans que personne ne lui demande."
5. Déscolarisé, il a finalement atteint le 2e degré
Il y a quelques semaines, la famille Amuzu a fait la fête : Francis venait de réussir sa quatrième secondaire. "Cela peut paraître bizarre de se congratuler comme pour un diplôme mais c’était vraiment mérité", commente De Preter. "Quand on a commencé à s’occuper de Francis, il était déscolarisé. On est directement intervenu mais ce n’était pas simple, Francis ne s’adaptait pas en classe. Mais on n’a pas baissé les bras et on a fixé des objectifs à Francis. Il a compris que cela comptait beaucoup à nos yeux et il a fait de gros efforts. On lui avait demandé de réussir le deuxième degré, la quatrième secondaire donc, et il y est parvenu. Il revenait pourtant de très loin. Maintenant, il a arrêté l’école car cela aurait été une torture pour lui de continuer alors que le foot l’occupe beaucoup. Francis a pourtant des dispositions. Il est intelligent et s’exprime très bien. Il parle parfaitement le néerlandais, le français et l’anglais. Beaucoup de gens ont aidé Francis mais c’est à 99 % grâce à lui si sa carrière démarre."
6. Un 1er but fêté dans les larmes pour son ami décédé
Le 22 décembre dernier, Francis Amuzu fait ses débuts avec l’équipe première. Au bout de 25 minutes, il inscrit le seul but du match et fond en larmes. L’émotion de ses débuts de rêve ? Oui mais pas seulement. Deux mois plus tôt, il avait perdu l’un de ses amis, Joel Lobanzo. Cet espoir de l’Antwerp de 17 ans avait succombé à une crise cardiaque le 1er novembre pendant un entraînement. Très affecté par cette injustice de la vie, Amuzu tenait à lui rendre hommage et a offert l’un des moments les plus émouvants de la saison en Pro League.
Christophe Franken