Bertrand Crasson dézingue l'Anderlecht de Vanhaezebrouck: "Le vent, les crampons : il n’y a pas d’excuses à Anderlecht !"

Bertrand, suivez-vous les matches d’Anderlecht de près ?

"Je regarde en live streaming ou via des résumés le lendemain. Il y a le décalage horaire de six heures, ce n’est pas toujours simple. Mais je vois comme tout le monde que ça ne va plus du tout."

Des défaites à Ostende et puis à Saint-Trond…

"Il ne faut pas s’attarder au dernier match. Cela nous est aussi arrivé de perdre à Saint-Trond. Mais c’est une histoire plus profonde. Qu’est-ce qu’on fait après avoir vendu Koller, Goor, Radzinski, Kompany, Legear, Lukaku, Tielemans pour des sommes incroyables ? Et qu’est-ce qu’on va faire à l’avenir ?"

Vous êtes inquiet pour le club…

"Anderlecht est le club le plus huppé et le plus populaire du pays. Je veux qu’il retrouve ses couleurs d’antan. Tu ne peux pas aller perdre 5-0 à Bruges comme cette saison, ou 5-1 au Standard, comme en 2010. Moi, je ne m’en suis jamais pris cinq à Bruges ou au Standard. C’est inconcevable. Anderlecht ne peut pas vivre avec la défaite. Tu peux de temps en temps perdre. Cela arrive de se faire avoir dans un traquenard. Mais à la fin de la saison, tu gagnes le titre."

Êtes-vous fan de Vanhaezebrouck ?

"C’est sans doute un bon entraîneur. Il a des qualités, il bosse et analyse beaucoup. Il a été champion avec Gand, grâce aux playoffs. Je n’ai rien contre lui, on s’est affronté plusieurs fois en tant que joueurs. Seulement, il doit savoir que quand on signe à Anderlecht, c’est pour gagner le championnat. Cela ne sert à rien de venir avec des excuses. Les transferts, l’arbitre, le mauvais terrain, le vent, les mauvais crampons sur les chaussures… Bientôt, ce sera la faute de l’épicier ducoin…"

Il dit qu’il n’a pas le matériel pour être champion.

"C’est compliqué, c’est vrai. Et c’était compliqué à Genk aussi, pour lui. Mais dans ces circonstances, ce sont les idées qui doivent prévaloir. À mon époque, j’ai eu des entraîneurs comme Goethals, Boskamp ou Anthuenis qui étaient plus des managers de groupe. Il ne faut pas être le meilleur tacticien au monde. Cela ne change pas grand-chose si tu joues en 4-4-2, en 4-3-2-1 ou en 4-5-1. Le truc, c’est de savoir gérer 25 personnalités et de faire prendre la mayonnaise. Tu n’es crédible et tu n’existes que si tu obtiens des résultats. Cela vaut aussi pour Zidane et Mourinho."

Bientôt, Roger Vanden Stock passe la main à Marc Coucke. Cela vous fait quoi ?

"Quand je suis rentré en Belgique, à la Noël, j’ai vu plein de supporters. On a parlé du départ de la famille Vanden Stock. Ils sont tous nostalgiques. Le RSC Anderlecht, tu l’associes à la famille Vanden Stock. Mais le nouveau président sera assez intelligent pour savoir qu’on ne change pas tout du jour au lendemain."

Comment est-ce qu’Anderlecht peut sortir du marasme ?

"Ma devise est la suivante : quand tu veux être champion, il faut fonctionner avec des champions. Mais je le sais : ce n’est pas facile. Je ne jette la pierre à personne - et certainement pas à Herman - parce que c’est devenu compliqué de former une bonne équipe. On est dans un monde où les agents demandent des fortunes pour des toquards. Et les joueurs top sont hors de prix. Il faut donc des gens malins pour construire une équipe qui obtient des résultats…"

"Vanhaezebrouck perd en élégance en s’en prenant aux consultants"

Pendant plusieurs années, Bertrand Crasson a été consultant à La Tribune, sur la RTBF. Il ne mâchait jamais ses mots. Il s’est donc senti concerné quand Vanhaezebrouck a déclaré qu’il pouvait faire un bêtisier avec les conneries des consultants.

Crasson : "Écoutez : je l’aime bien, Vanhaezebrouck. Mais il doit savoir que quand tu arrives à Anderlecht et que tu perds des matches, tu es sur l’échafaud. Au lieu de s’en prendre aux consultants, il faut assumer et dire : ‘J’ai fait les mauvais choix, c’est mon erreur.’ Tu es payé pour trouver des solutions, c’est ton boulot ! Il perd en élégance en s’en prenant aux consultants, qui font leur boulot."

Crasson fait la comparaison avec l’étranger. "Imagine ce qu’encaissent Zidane, Emery ou Mourinho quand ils ne gagnent pas. Dugarry - un ex-champion du monde - matraque tout le monde en France. C’est la vie, fieu !"

"Un retour au RSCA ? Tu connais la réponse…"

Crasson est depuis plus de cinq ans en Thaïlande. N’est-ce pas le moment de revenir en Belgique ? Et - plus concrètement - dirait-il oui à Anderlecht ? "Tu connais la réponse. Pour quelle fonction ? Je ne suis pas décideur. Je suis coach, j’ai été scout, directeur technique. J’ai formé trois quarts de l’équipe nationale en Thaïlande. J’ai fait trois vies dans le football, ici. Mais personne ne le sait en Belgique. La passion du foot est encore là. Le problème, c’est que je fais un peu peur à certaines personnes. Et le copinage joue aussi un rôle… Les agents décident souvent de la philosophie d’un club."

Peu d’anciens joueurs sont actifs au RSCA. "Cela m’étonne", dit Crasson. "L’Ajax, par exemple, suit une autre politique."