Un jour, un Diable: Origi, ce rêveur...
Avant son départ pour Lille, Divock Origi marchait sur le football limbourgeois.
- Publié le 05-06-2014 à 18h18
- Mis à jour le 06-06-2014 à 15h13
Avant son départ pour Lille, Divock Origi marchait sur le football limbourgeois.
Son nom de famille aurait pu lui ouvrir très tôt les portes du Racing Genk. Après tout, Divock n’est-il pas le fils de Mike Origi, l’une des armes de l’arsenal limbourgeois titré en 1999, aux côtés des Strupar et Oulare ?
Pourtant, s’il a enfilé très tôt le même maillot bleu que papa, le rejeton Origi n’est pas entré à Genk au nom du père. C’est au Park FC Houthalen, à quatre kilomètres des terrains du grand Racing, que Divock fait ses gammes. Maillot démodé de Genk - qui offre ses anciennes tenues au petit voisin - sur les épaules, il passe deux saisons sous les ordres d’Erwin Konieczny, coach des diablotins puis des préminimes locaux.
"Divock était systématiquement surclassé", se souvient l’entraîneur. "Ce qui n’empêchait pas les problèmes avec les autres équipes. Vu sa taille, les parents se plaignaient car ils le pensaient beaucoup plus vieux. Pourtant, il était un an plus jeune que tous les autres…"
Le camp d’en face n’est pas le seul à se plaindre : Divock agace parfois des parents-supporters du FC Park : "Il jouait surtout au milieu de terrain, et il était tellement fort techniquement qu’il dribblait souvent tout le monde jusqu’au gardien, puis marquait son but. Du coup, il ne donnait pas vite sa balle", se souvient, désespéré, Erwin Konieczny.
Plutôt que de se les faire gentiment ouvrir par papa, c’est donc avec ses pieds que Divock pousse les portes du grand Racing.
"Un de nos scouts l’avait vu jouer avec Park Houthalen, et nous a dit qu’il fallait absolument l’attirer à Genk", raconte Michel Ribeiro, entraîneur technique du club limbourgeois.
Divock Origi débarque donc à Genk en U11, et impressionne dès qu’il pousse la porte du vestiaire.
"C’était notre première rencontre", se souvient Pieter Gerkens, aujourd’hui membre de l’équipe première à Genk. "Il était déjà très grand, c’était vraiment impressionnant."
Très vite , les deux joueurs ne se quittent plus, partageant leur quotidien entre les bancs du Sint-Jan Berchmans College, qui héberge la plupart des jeunes pousses du club, et les entraînements au Racing.
"Il a toujours été un peu rêveur", explique Gerkens. "Parfois, il pouvait être dans la lune pendant dix minutes, et puis revenir dans la conversation et faire une blague. Ça lui donnait un air timide, alors que c’était un gars très marrant et sociable."
Sur le terrain aussi, Origi semble parfois sortir de nulle part.
"Je me souviens d’un match à Mouscron. On jouait la dernière minute et c’était match nul. Divock a pris le ballon, il a dribblé tout le monde et il a marqué", poursuit un Gerkens visiblement toujours impressionné par l’exploit.
"À douze ans, il était déjà si grand que les exercices en un contre un, c’est contre moi qu’il les faisait", enchaîne Michel Ribeiro. "Sinon, c’était trop facile. Mais attention, j’avais vu Lukaku auparavant, mais Divock n’était pas si costaud. Lukaku faisait beaucoup de choses en force, Divock faisait la différence avec sa technique."
Si Ribeiro fait aujourd’hui la comparaison avec Romelu, c’est à un autre joueur que les prestations d’Origi sont étalonnées le long des terrains limbourgeois à l’époque : "Évidemment, son profil était fort semblable à celui de Benteke, continue l’entraîneur, mais Christian a toujours été plus fort de la tête, alors que Divock était plus technique, plus rapide. Si je dois les comparer tous les deux à l’âge de 18-19 ans, Divock est bien plus loin dans sa progression que Benteke."
Les exploits hebdomadaires de Divock Origi sous le maillot limbourgeois ne tardent pas à éveiller l’attention des recruteurs européens, et les abords des terrains de Genk le samedi matin prennent l’allure d’un rassemblement de scouts. Manchester United et l’Ajax sont notamment sur la balle, mais c’est Lille qui dribblera ces grands d’Europe.
"En tant qu’entraîneur technique, j’ai un rapport privilégié avec les joueurs. Donc, je savais qu’il parlait avec Lille", se rappelle Michel Ribeiro. "Il n’y avait pas que Lille d’ailleurs, mais j’en avais parlé avec Mike, et il était persuadé que c’était le meilleur choix. Et au vu de l’évolution de Divock, on ne peut pas lui donner tort."
Après une année au vestiaire, le talent de Divock a envahi les terrains français.
"On nous avait indiqué un certain Divock Origi qui jouait à Genk. Donc, j’ai été en mission avec un autre scout pour aller l’observer."
Avant d’être T2 du RMP sauce lilloise, Fernando Da Cruz sillonnait les pelouses belges pour le compte des Dogues. C’est lui qui a noirci des rapports de scouting estampillés Divock Origi en passant ses samedis matins dans le Limbourg.
"J’ai très rapidement vu qu’il avait des qualités naturelles au-dessus de la moyenne", explique Da Cruz. "Il avait un grand potentiel athlétique, un toucher de balle, il ne faut pas sortir de polytechnique pour s’en rendre compte. Dans tout ce qu’il faisait avec le ballon, il était largement au-dessus des autres."
La cellule recrutement du LOSC prend le relais, et fait donc venir le talent belge à Luchin, le centre de formation lillois. Double problème : Divock ne parle pas la langue, et doit se contenter d’entraînements durant sa première saison, la faute à ce transfert international qui l’empêche de fouler officiellement les pelouses françaises avant son seizième anniversaire.
"La première année, il ne se sentait pas super", se souvient Michel Ribeiro, entraîneur technique de Genk, qui restait en contact avec les Origi. "Il ne pouvait pas jouer, donc, il n’était pas content là-bas."
"La langue n’a pas été une réelle difficulté", reprend Fernando Da Cruz, "tout simplement parce que Divock est un garçon très intelligent, et que le club a mis les moyens nécessaires pour qu’il soit rapidement en mesure de comprendre le français. Il lui a fallu plus longtemps pour le parler, mais il avait les bases."
Par contre, le parfum des matches manquait terriblement à Origi : "Le fait qu’il ne joue pas, c’était un vrai problème, parce que dans ces cas-là, le jeune peut penser qu’il s’entraîne pour rien", poursuit Da Cruz. "Heureusement, il continuait à être repris en sélection nationale. Ça lui remettait un coup de boost, car c’était son seul objectif concret."
Chez les petits Diables, Divock est notamment passé entre les mains de Marc Van Geersom : "Je coachais les U19 et même si Origi n’était encore qu’un U18, il était déjà capable de jouer avec nous", se souvient le sélectionneur. "Son club n’avait pas pu le libérer pour le Tour Élite, mais il avait joué les qualifications avec nous. C’était souvent lui qui faisait la différence, par une action individuelle ou collective. En U17, il était souvent cantonné au couloir droit, mais moi je trouvais qu’il avait plus de rendement dans l’axe."
Après une longue année sans match, Divock Origi peut enfin s’éclater sous les ordres de… Fernando Da Cruz, devenu coach des U19 du LOSC : "Quand il jouait, il était au-dessus du lot. Pas seulement de mon point de vue, même les joueurs me le disaient", se souvient Da Cruz, qui conclut : "Je ne suis pas étonné par sa progression. Je pense même qu’il n’est pas encore au sommet. Vous allez encore être surpris par Divock."