Un jour, un Diable: Divock Origi, fast & serious
Chaque jour jusqu’au 13 juin, nous vous proposons de découvri r un Diable sous un nouveau regard. Aujourd’hui, la formation d’Origi à Luchin
- Publié le 25-05-2016 à 12h21
- Mis à jour le 25-05-2016 à 12h45
Chaque jour jusqu’au 13 juin, nous vous proposons de découvri r un Diable sous un nouveau regard. Aujourd’hui, la formation d’Origi à Luchin Quand vous voulez retracer le parcours de Divock Origi, contacter Fernando Da Cruz est une étape incontournable. L’ex-coach du RMP était scout pour le Losc lorsque le club français l’a recruté à Genk (en 2010), avant de devenir son premier entraîneur en U19, dès la saison suivante.
“Mon premier contact avec lui remonte à ses 14 ans, quand j’ai commencé à l’observer à Genk. C’était un joueur très élégant, doté d’une technique largement au-dessus de la moyenne et qui faisait des différences sur le plan individuel. Aujourd’hui encore, c’est le joueur le plus fort que j’ai scouté” , dévoile tout de go ce passionné, aujourd’hui à nouveau recruteur pour le Losc.
Pour le compter dans ses rangs, le club a d’abord dû le convaincre de passer par son centre de formation, à Luchin, plutôt que de fuir directement vers un grand club : “Des clubs du big four anglais le suivaient de près.” Mais voilà, à 15 ans, Origi était non seulement un joueur très prometteur mais aussi un bon élève. Le voir poursuivre un cursus scolaire sérieux était donc important aux yeux de son entourage. Et c’est tout naturellement que ce natif d’Anvers a appris le français très rapidement, une fois qu’il a posé ses valises à Luchin.
Nolan Mbemba, lui aussi né en 1995, est arrivé à Lille en même temps que Divock Origi. Il se souvient : “J’ai essayé de l’aider un peu car il ne comprenait pas le français durant les premières semaines, c’est un peu comme ça qu’on est devenu amis.” Et d’ajouter : “Dès les U19 , on sentait qu’il était costaud, qu’il avait de grandes qualités athlétiques et qu’il était très à l’aise techniquement malgré sa grande taille, ce qui est rare. On savait tous que son parcours était déjà tracé. Il fallait juste qu’il soit sérieux et qu’il ne fasse pas le con.” (sic)
Pressé mais raisonnable En plus d’un programme chargé à Luchin, l’ancien Genkois devait composer avec la frustration de ne pas pouvoir jouer de matches. Il a en effet dû attendre ses 16 ans pour valider son transfert international et entrer en ligne de compte pour les compétitions de jeunes.
C’est donc lors de sa deuxième saison au Losc qu’il joue ses premiers matches en U19 sous Fernando Da Cruz. “Les choses étaient claires : il devait faire ce qu’il fallait pour franchir rapidement cette étape”, détaille son coach de l’époque. “Il a bien compris le message car Divock est quelqu’un de très intelligent et a mis toutes les chances de son côté… sans non plus vouloir brûler les étapes. Son projet de carrière était bien ficelé dès le départ, en accord avec son entourage.”
Dès la saison suivante, le Belge se retrouvait en CFA (la 4e division française), dans l’équipe réserves chapeautée par Rachid Chihab. Celui qui est aussi passé par le poste de T1 au RMP se souvient : “C’est vraiment quelqu’un qui peut évoluer sur tous les fronts de l’attaque mais dans un premier temps, il jouait sur le flanc. Cela permettait d’enrichir sa culture tactique, de l’obliger à faire des efforts et contre-efforts dans un couloir. Il était important dans ce processus de post-formation d’agrandir son registre. Les grands points de travail avec lui étaient les reconversions défensives, le pressing, les transitions… tout en augmentant son volume de jeu et en forgeant son mental.”
Forger un mental, Rachid Chihab sait le faire. L’homme est souvent désigné comme étant celui qui sort les jeunes joueurs de leur confort pour les préparer aux exigences du haut niveau. Anice Badri, grand artisan du maintien du RMP cette saison, était en CFA lilloise en même temps qu’Origi : “C’est important d’avoir un coach comme lui, pour nous apprendre le sérieux et la rigueur. Je pense qu’il a pu influencer la carrière de Divock encore plus que la mienne car moi, je n’ai joué sous ses ordres qu’à 20 ans, mais Divock était plus jeune. Personnellement, j’ai beaucoup progressé avec Rachid Chihab et je le ressens encore aujourd’hui, sans l’ombre d’un doute.”
Un planning respecté Les circonstances ont ensuite fait que Divock a été très vite appelé chez les pros, dès le mois de février 2013, alors qu’il n’en était qu’à sa première saison en CFA. Rachid Chihab s’en souvient : “Le tapis rouge ne lui était pas pour autant déroulé, il devait encore provoquer les choses et se faire une place. Il a eu le mérite de bien monter au jeu et de marquer pour sa première (NdlR : contre Troyes) donc ça l’a aidé, mais il faut alors se méfier que le joueur ne croie pas trop vite qu’il a réussi, la confirmation est importante.”
L’étape suivante était donc de “se faire une place dans la durée chez les pros et y bousculer la hiérarchie”, analyse celui qui est aussi le responsable du centre de formation lillois. Ces dernières étapes du plan de (la jeune) carrière de Divock étaient franchies lors de la saison 2013-2014, respectant à la lettre le planning qui avait été établi lors de son arrivée, trois ans plus tôt.
Une saison 2013-2014 qui allait se terminer par un quart de finale au Mondial…
“Il n’a pas eu de traitement de faveur”
Ses journées à Luchin étaient bien remplies.
Le centre de formation du Losc est un modèle du genre et contient tout ce dont les jeunes ont besoin pour s’y épanouir en y vivant 24 heures sur 24. Nolan Mbemba se souvient des journées qu’il partageait avec Divock, à 15 ans : “On se levait vers 8 h pour aller en cours à 8 h 30. On avait notre premier entraînement à 10 h, puis on rentrait manger, on se reposait un peu et on reprenait les cours l’après-midi. De 16 à 18 h, nous avions un deuxième entraînement. À 22 h, nous devions rentrer dans les chambres pour aller dormir. Notre seul temps libre, c’était les mercredis et parfois les samedis quand on n’avait pas de match.”
À ce programme, Divock ajoutait une série de cours particuliers de français, une langue qu’il a finalement maîtrisée en quelques mois à peine.
De manière générale, et bien qu’il ait vite été considéré comme un joyau, Divock n’a pas reçu de traitement particulier. “Il n’a jamais été mis en avant au centre de formation ni dans les équipes de jeunes. On lui a fait traverser des épreuves difficiles comme à tous les joueurs et il a été fort mentalement pour les franchir. Et ce n’est pas parce que c’est mon ami que je le dis”, témoigne Nolan Mbemba.
Anice Badri confirme : “En CFA, Rachid Chihab mettait tout le monde sur un pied d’égalité et imposait rigueur et travail à tous ses joueurs de la même manière.”
Dans l’ensemble, il ne reste que des bons souvenirs de l’époque passée entre ces murs : “On se fait des amis et finalement, le temps passe vite dans ce centre de formation. Mais c’est vrai qu’en vieillissant, on aspire tous à avoir notre appartement et notre indépendance”, reprend Nolan Mbemba.
Et à l’image de son envie de ne pas brûler les étapes sportives, Divock a attendu le bon moment pour s’émanciper du centre de formation. “C’était aussi notre travail de lui faire comprendre qu’une fois qu’il quitte le centre de formation, il faut absolument garder une hygiène de vie et une concentration optimales. C’était notre rôle de l’amener vers cette autonomie tout en le responsabilisant”, explique Rachid Chihab.
”Un gars attachant qui aimait le cinéma et… kfc”
À 21 ans à peine, Divock Origi est surtout connu pour ses dribbles et ses buts. Mais quel genre d’homme est-il ?
Tous les (ex-) Lillois qui ont accepté de nous évoquer le passage de Divock Origi à Luchin semblent d’accord au moment de parler de l’homme. Respectueux, calme, bien éduqué, travailleur docile, bon camarade et leader naturel, l’ancien Dogue a charmé tous ceux qu’il a côtoyés à Luchin.
Fernando Da Cruz se souvient de ses premiers échanges avec l’adolescent de 15 ans qu’il était encore à l’époque : “Il donnait parfois l’impression d’être trop sûr de lui mais ça, c’est quand vous ne le connaissez pas encore assez. Car ensuite, on se rend compte que c’est une forme de timidité. Il s’ouvre plus facilement aux autres avec le temps et son vrai naturel prend le dessus : quelqu’un de joyeux qui, sans être un grand parleur, amenait de la présence dans le vestiaire. C’est un gamin qu’on avait plaisir à entraîner et à côtoyer au quotidien.”
En compétition, Divock est de ceux qui détestent perdre et un leader naturel qui était reconnu pour son talent en U19 comme en CFA. “Il y avait les joueurs et puis il y avait Divock. Tout le groupe reconnaissait son talent. Quand ça se passait mal sur le terrain, il haranguait ses équipiers mais pour le reste, c’était un leader discret”, note Da Cruz. Rachid Chihab, lui, se souvient d’un “leader technique plus que de quelqu’un qui aboyait. Quand il lui arrivait de prendre la parole dans le vestiaire, c’était toujours juste.”
Quant à ce qu’il se passait en dehors du terrain, il faut se tourner vers Nolan Mbemba, l’un de ses meilleurs amis au centre de formation, pour obtenir l’une ou l’autre anecdote. Et encore, elles se font rares tant le garçon était discipliné et sérieux. “Dès qu’on avait du temps libre, on sortait dans le centre de Lille. On allait souvent au cinéma et on craquait parfois pour un KFC mais ça, je ne sais pas s’il faut en être fier”, nous lâche l’ancien Mouscronnois dans un sourire. “Le vrai Divock ? Il est comme vous le percevez, vous, journalistes. Il est réservé et timide, il ne s’ouvre que quand il apprend à connaître les gens. C’est quelqu’un de calme et posé.” Et celui qui évolue toujours à Lille d’ajouter : “On jouait pas mal à la Playstation et je pense bien que j’étais plus fort que lui mais ça, il ne vous le confirmera sans doute pas.” (rires)
À l’époque, les deux hommes étaient proches d’un certain Junior Malanda et quand ils parlaient du futur, Divock ne cachait pas son envie de rejoindre l’Angleterre un jour. “Je crois qu’il a atteint son objectif en jouant à Liverpool. C’est allé vite et c’est la preuve qu’il a toujours été sérieux, même quand il a pris son indépendance et qu’il a quitté Luchin pour être autonome”, plaide celui qui garde des contacts avec son ami malgré la distance qui les sépare.
“Il a atteint son objectif en rejoignant l’Angleterre”
“J’ai été surpris par la qualité de son Mondial”
Le vrai coup d’accélérateur dans la jeune carrière de Divock Origi, c’est la Coupe du Monde 2014 pour laquelle il a été rappelé alors qu’il était encore inconnu du grand public.
Le “buikgevoel” de Marc Wilmots aura permis au Lillois de vivre un véritable rêve au Brésil, inscrivant même, au Maracanã, le but de la qualification pour les huitièmes de finale face à la Russie. “On s’était vu le jour de sa sélection et il était vraiment très heureux”, se souvient Nolan Mbemba qui raconte aussi avoir eu beaucoup de plaisir à suivre les exploits de son ami durant ce Mondial. Anice Badri, lui, était surpris de voir Divock Origi intégrer les 23 Belges pour ce tournoi : “Je savais qu’il avait les qualités pour percer mais là, c’était allé très vite. J’ai été encore plus surpris de voir la qualité de son Mondial, mais j’étais content pour lui, je savais que c’était le fruit de beaucoup de travail.”
Quant à Fernando Da Cruz, il se souvient surtout des mois qui ont précédé la liste des 23. “J’ai rapidement senti qu’il ferait la Coupe du Monde car je passais ma licence pro avec Vital Borkelmans à l’époque. On se voyait aux cours d’entraîneur et à chaque fois qu’il évoquait Divock, Vital avait un sourire en coin qui en disait long sur ce que pensait de lui le staff des Diables. Après, Vital ne me posait pas spécialement de questions sur lui car ils avaient déjà des indications via les coaches des jeunes internationaux belges.”