Lombaerts: "J’ai hâte de vivre une vie normale et anonyme"
Chaque jour jusqu’au 13 juin, nous vous proposons de découvrir un Diable sous un nouveau regard. Pour débuter cette série, entretien avec Nicolas Lombaerts, qui porte un regard assez particulier et distant sur le monde du football. Voici le 1er volet de notre série Un jour, un Diable.
- Publié le 22-05-2016 à 08h19
- Mis à jour le 22-05-2016 à 11h06
Chaque jour jusqu’au 13 juin, nous vous proposons de découvrir un Diable sous un nouveau regard. Pour débuter cette série, entretien avec Nicolas Lombaerts, qui porte un regard assez particulier et distant sur le monde du football. Nicolas Lombaerts n’est certainement pas le plus populaire des Diables. Il souffre encore, en Belgique, d’un net déficit d’image. Qu’il ne mérite pas : le joueur est un garçon intelligent, sur le terrain comme en dehors. Et il a des choses à dire. Dans cet entretien délivré au Nieuwsblad , le Diable se livre comme rarement. Et quand la discussion s’éloigne des terrains, elle en devient encore plus intéressante…
Nicolas, que trouvez-vous encore amusant dans le football ?
"Depuis que j’y gagne ma vie, ce sont les grands matches. Je ne dirais pas que le reste est un calvaire, mais c’est devenu un job. Il faut être constant dans ses prestations, ne jamais se relâcher. Et ces commentaires sur tous les forums… La moindre des choses est amplifiée et tu te fais descendre sur les réseaux sociaux. Il faut donc faire attention à ce qu’on dit. Voilà pourquoi je me prête moins volontiers qu’avant au jeu des interviews."
C’est pour ça qu’après un match des Diables, vous avez souvent les écouteurs dans les oreilles ?
"C’est aussi parce que la plupart du temps, on raconte la même chose (Rires) . Pour cette raison, j’utilise par exemple Instagram de manière très ludique. Poster un tweet avant le match qui dit On va tout donner puis un autre après pour dire Bon match, maintenant le suivant ! , ce n’est pas pour moi…"
Il existe un faux profil de vous sur Twitter…
"Je devrais le signaler. Qui peut bien s’occuper avec ça ? Mais bon, c’est aussi arrivé à Georges Leekens… (Rires) Le jour où j’arrêterai de jouer, tout ça ne va certainement pas me manquer. J’ai hâte de vivre une vie normale et anonyme. Etre à mon aise à la maison, ne pas trop sortir : ça sera plaisant."
Dans le passé, Gand, Anderlecht et Bruges se sont tous informés à votre sujet pour un transfert. Vous étiez trop cher mais vous qui aimez l’anonymat, on vous aurait difficilement imaginé revenir jouer en Belgique…
"Il ne faut jamais dire jamais mais en effet, ça me freinerait. Quand Daniel Van Buyten a décidé d’arrêter juste après la Coupe du Monde, il a fait le meilleur choix. Son image était juste parfaite ! Imaginez qu’en Pro League il ait disputé quelques mauvais matches : les gens l’auraient descendu… Tu n’as pas grand-chose à gagner dans ce genre de retour. En plus, si je joue à Bruges, je ferai des mécontents auprès de mes amis gantois, et vice-versa. Et si je joue Anderlecht, ils deviendraient tous fous ! (Rires) Un tel retour ne serait bon pour personne. Le seul point positif, ce serait de pouvoir voir mes proches après chaque entraînement."
Vous pourrez aussi aller jouer dans les divisions inférieures, pour vous amuser…
"Non, je ne vais pas commencer avec ça. Je risquerais de passer pour un dikkenek et certains voudraient me casser… Je ne vais plus risquer de lourde blessure. Toute cette revalidation, non merci ! Mon corps va déjà suffisamment grincer et craquer une fois que j’aurai arrêté… Je jouerai au tennis, mais jouer au foot, ça sera avec le petit dans la cour, rien de plus…"
"On met de la house et on jumpe dans le salon"
Quand il est question de musique électro, d’oeil au beurre noir et de philosophie de vie…
Qui est l’attaquant le plus fort que vous avez affronté ?
"Robert Lewandowski. C’est difficile d’expliquer pourquoi. Il fait tout de manière juste, au bon moment. Mario Mandzukic est un autre attaquant difficile à tenir. Mais il se plaint toujours quand il reçoit un coup. N’étant pas le joueur le plus propre, il doit pouvoir supporter ça !"
En tant que défenseur, est-ce que vous parlez avec les attaquants adverses ?
"Non. J’ai toujours pensé que si ça l’énerve, ça peut le rendre encore meilleur. Je serai fier de pouvoir dire que j’aurai fait une carrière sans être un sale joueur. Je suis même parfois trop fair-play. Ce n’est pas si malin parce qu’après c’est moi qui me fais taper dessus ! Mon nez est complètement tordu. Ma fête de fiançailles, je m’y suis rendu avec deux yeux au beurre noir, je n’avais pas d’allure. L’été dernier j’ai organisé une fête pour les trente ans, le lendemain de Pays de Galles - Belgique. Imaginez un peu que j’aie une commotion pendant le match et que je ne puisse même pas assister à ma propre fête… Mais ça, sur le terrain, ça, on n’y pense pas."
Cette fête d’anniversaire, vous l’aviez intitulée, Lombaland , en référence à Tomorrowland…
"Parce que je n’ai pu aller qu’une seule fois, pour une journée, à Tomorrowland, alors que je suis un grand fan de house. Je me suis acheté des platines que j’ai ramené en Russie. La musique est en quelque sorte ma drogue, c’est ce qui me permet de m’évader. D’autres collectionnent des maquettes… moi c’est la trance, la house et l’electro. Chaque 31 décembre, c’est la tradition de mettre du bon son rétro, celui que j’écoutais quand j’avais quinze ans. Et alors nous jumpons tous dans le salon ! Pour la fête de mes trente ans, j’avais fait venir plusieurs DJ’s réputés. Je me suis amusé, c’était l’un des plus beaux jours de ma vie. Même si certains me trouveront peut-être narcissique, de faire une fête avec des verres à mon effigie…"
Les membres de votre famille les avaient-ils collectionnés ? Ou c’était un cadeau de Jupiler ?
"Je ne suis pas si populaire, hein ! Je les ai demandés à InBev , sponsor des Diables et on m’a envoyé 800 verrres avec ma tête dessus. C’était une superbe fête. Vous savez, mon grand-père souffre d’Alzheimer depuis ses 65 ans. Si ça tombe, je suis à la moitié de ma vie normale. Cela me fait prendre conscience qu’il faut trouver l’équilibre, il faut profiter tout en vivant intelligemment et sainement. Regardez Fernando Ricksen, ex-équipier du Zenit. Il souffre d’une forme de sclérose, la SLA. Et bien, je suis content qu’il en ait profité à 300 kilomètres à l’heure et qu’il ait même vécu trois vies en une. Tout est éphémère…"
Dans sa biographie, dans laquelle il raconte son addiction à l’alcool et à la cocaïne, il raconte comment vous sortiez à Monaco pendant votre blessure. Il explique aussi que le Zenit l’avait coincé pour usage de cocaïne mais que le club l’avait simplement déclaré blessé…
"On a pris quelques verres mais je n’avais pas de béquilles, comme il l’a écrit. On avait des soupçons mais on ne savait pas qu’il avait été contrôlé positif à la drogue. Par contre, son penchant pour l’alcool, ce n’était pas un secret. Si on sortait, il enchaînait les verres. C’était fou : il se bourrait la gueule jusqu’à être mort saoul mais le lendemain il marquait des superbes buts à l’entraînement, en étant en pleine possession de ses moyens. Pas normal, ce gars ! Et il avait plus de trente ans. Si moi je fais pareil, je me fais dix-sept déchirures musculaires !"
"J’aurais déjà été heureux de jouer en D2 ou en D3"
Quand Nicolas Lombaerts évoque sa future reconversion..
Que voudriez-vous faire après votre carrière de joueur ? Vous aviez déjà fait part de votre intérêt pour la politique…
"Je suis encore son actualité mais y prendre part, c’est vraiment non. En Belgique, il n’est plus possible de prendre des décisions à long terme. Il s’agit toujours de trouver des compromis à la Belge… Parfois, on décide juste de ne pas décider. Regardez les stades de football… Lors de ma signature à Gand en 2004, on était supposé jouer dans le nouveau stade dans les deux ans. Cela a finalement duré neuf ans ! En Belgique, il y a parfois trop de démocratie… Je ne serai certainement pas non plus entraîneur. En fait, je ne me vois pas rester dans le milieu du football. J’aimerais lancer une entreprise, quelque chose dans lequel je crois."
Soyons clairs : vous n’aurez plus besoin de travailler…
"Non. Sauf si la bourse se crashe !" (Rires)
Vous n’avez pas déjà investi, comme Axel Witsel dans une société d’aviation ou Tom De Sutter dans un club de paddel ?
"Pour le moment, je fais des investissements à gauche et à droite mais si je fais quelque chose de plus important, comme dans l’immobilier, je veux me concentrer à 100 % là-dessus. Je veux avoir le contrôle. Être mon propre patron, quel répit ce serait ! Pas pour dormir plus longtemps, mais pour être débarrassé de cette pression du timing. Surtout en stage : il y a de quoi devenir dingue. En club, si on arrive un peu en retard, on peut prendre une amende. Ou craindre que l’entraîneur vous mette sur le banc…"
Vous pourrez toujours devenir consultant…
"Je laisse passer. Faire des commentaires sur les autres, c’est être payé pour faire des conversations de comptoir ! Ce qu’un supporter fait au café, les consultant le font à la télé. Je ne suis pas un gars assez franc et je trouverais ça compliqué de juger les autres. Et je ne suis pas un mordu de football."
Votre prudence vous vient-elle de vos débuts pros hésitants ? Bob Browaeys, entraîneur des U17 belges, vous trouvait trop juste pour la D1. Marc Degryse ne voyait pas en vous un futur pro quand vous étiez en Espoirs au Club Bruges…
"Cela a dû jouer. Tout est relatif…"
Qu’avez-vous pensé alors ? Quelque chose du genre : "Je reste calme, bientôt ils verront qu’ils se sont trompés" ?
"Précisément. Parce que tu vois aussi des joueurs considérés comme des grands talents qui ne réussissent pas. Parfois, quand tu es jeune, tu regardes le haut niveau et tu te dis : merde, je ne vais jamais en arriver là . J’aurais déjà été heureux avec la D2 ou la D3, ou avec un autre métier. Même à mes débuts au Zenit, je n’étais pas encore convaincu ! Et un après, j’ai remporté la Coupe Uefa. Je n’aurais jamais imaginé cela. J’étais passé des champs de patates de Bruges aux plus beaux stades du monde… Mais tu réalises aussi, qu’hormis le top absolu, la différence n’est pas si grande. Regardez Gand : ses joueurs touchent un dixième de ce qu’on empoche au Zenit mais ils nous ont battus…"