Leekens: "Pour avoir l’eau chaude, il faut prier"
Georges Leekens a entamé ce dimanche la Coupe d’Afrique de façon plutôt décevante. La Tunisie a mené face au modeste Cap-Vert mais elle n’a pas réussi à garder cette avance (1-1). Entretien.
- Publié le 19-01-2015 à 13h07
- Mis à jour le 19-01-2015 à 13h10
Georges Leekens a entamé ce dimanche la Coupe d’Afrique de façon plutôt décevante. La Tunisie a mené face au modeste Cap-Vert mais elle n’a pas réussi à garder cette avance (1-1).
Voilà qui n’apaisera pas l’amertume de Long Couteau , visiblement pas vraiment heureux de devoir séjourner en Guinée équatoriale, en lieu et place du Maroc.
"Moi, je n’avais pas peur d’Ebola" , a confié Georges Leekens à nos confrères du Nieuwsblad . "Parce qu’ici, on vous prend la température tout le temps ! À cause de cette farce, la Guinée a dû tout régler en un mois alors que le Brésil, par exemple, s’est préparé pendant huit ans pour recevoir la Coupe du monde. La Guinée avait des stades mais a dû faire venir des pelouses d’Europe. Et les hôtels, pfff… On a dû attendre notre visa jusqu’au 5 janvier parce que notre hôtel n’était pas encore construit. Ici, nous n’avons finalement que 30 chambres… alors que nous sommes 43. On a dû chercher des bungalows supplémentaires. En plus, les lampes ont tendance à clignoter et il faut prier pour avoir de l’eau chaude. Heureusement, nous sommes venus avec de la nourriture et deux cuisiniers…"
Malgré ces difficultÉs , la sauce a bien pris : les Aigles de Carthage ont signé une excellente campagne qualificative (14 sur 18 dans le groupe du Sénégal et de l’Égypte) et tout reste à faire dans cette Coupe d’Afrique.
"À un moment, tout le monde pensait qu’on pouvait remporter la Can, mais j’ai vite tempéré l’enthousiasme de tout le pays. Si nous alignons les résultats, c’est parce que nous avons une bonne organisation et que nous avons regagné le soutien du public."
La même formule qu’avec les Diables , en somme. "Avant, nous disputions nos matches à domicile à Tunis. Mais cela provoquait des tensions entre les supporters de l’Étoile et de l’Espérance. Si on prenait le premier but, une atmosphère très négative s’installait. Maintenant, nous jouons à Monastir, où le public continue toujours à nous soutenir. J’ai aussi arrêté de reprendre des joueurs dont la mentalité est mauvaise. Harbaoui a beau marquer autant qu’il veut, tant qu’il critiquera l’équipe nationale, il ne viendra plus."
Le ramadan, le café caché et les six kilos perdus
Ces décisions aussi tranchées ont permis à Monsieur Georges de gagner le respect des Tunisiens. Mais cela ne suffit pas : il y a mis du sien pour s’intégrer.
"Pendant le ramadan, je suis parti en stage pendant dix jours avec les Espoirs. J’ai moi aussi jeûné pendant la journée et je peux vous dire que les journées sont longues sans boire et manger. Je vous avouerai qu’à l’occasion, j’allais discrètement me prendre un petit café. Mais j’ai quand même perdu six kilos. Hélas je les ai vite repris, notamment parce que j’ai beaucoup mangé la nuit par après. Pour un joueur pro, le ramadan doit être extrêmement dur."
Leekens a donc fait des efforts, mais a aussi dû, à certains moments, élever la voix.
"Les Tunisiens aiment l’improvisation… Un jour, notre avion était au sol au Botswana quand on nous a annoncé que le système de navigation était en panne. Là, j’ai quand même dû mettre mon veto et nous sommes partis à la recherche d’un hôtel en plein milieu de la nuit. Autre exemple : je ne permets plus que les gens fument dans le même vol que les joueurs. Avant, les journalistes fumaient comme des pompiers en interviewant les joueurs. Tout ça, c’est fini."
"la cuisine et la lessive, ce n’est pas pour moi…"
Pour l’instant, la sévérité du Belge est acceptée. Pour une seule et bonne raison : les résultats suivent. Il est même devenu une vraie vedette en Tunisie.
"Quand je vais faire mes courses, on m’arrête souvent pour une photo. La vie est plutôt agréable. Je n’ai pas de maison à moi, je vis au Golden Tulip Hotel. Comme ça, je ne dois pas faire la cuisine ou la lessive. Heureusement car ce serait une catastrophe ! J’ai des contacts avec les gens de l’ambassade belge mais la plupart du temps, je suis seul. Et ce n’est pas si mal. Ma femme est en Belgique et ma fille étudie le droit à Glasgow. Je m’occupe en regardant des matches via le satellite et mon chauffeur est toujours prêt à m’emmener au stade voir des rencontres de championnat. La sécurité dans les stades s’est nettement améliorée. Les tribunes ne sont plus surpeuplées et on limite le nombre de supporters adverses. Je me suis quand même enfui d’un stade une fois, car je ne m’y sentais plus en sécurité. Il y avait trop de fumigènes…"
Fréquenter les stades tunisiens est une obligation pour le sélectionneur : la plupart de ses joueurs évoluent au pays.
"Et c’est précisément pour cette raison que nous ne devons pas rêver de remporter la Can. Pour arriver au sommet, nous devons avoir plus de nos joueurs en Europe. Le souci, c’est que les joueurs sont très liés à leurs familles. Ils ont donc du mal à s’adapter quand ils partent et ils échouent fréquemment. C’est déjà bien qu’Anderlecht ait scouté des joueurs comme Sassi ou Maloul. Mais on devrait aussi avoir des Tunisiens au Bayern, à Manchester City ou à Chelsea. C’est quand même comme ça que la Belgique a fait, non ?"
"Sans moi, Vázquez serait en Russie"
"Quand j’y étais entraîneur, le Club n’était pas prêt pour devenir champion. Il y avait beaucoup de pression négative parce que j’avais quitté les Diables. Quand j’ai finalement dû partir de Bruges, aucune des parties concernées n’était gagnante. Ni moi, ni le Club. Malgré cela, j’ai gardé un bon contact avec Bart Verhaeghe. Son club a franchi de grandes étapes en ce qui concerne la communication et le potentiel de ses joueurs."
Leekens réclame d’ailleurs sa part de mérite là-dedans. "Heureusement que je me suis opposé à l’époque à un départ de Vázquez, qui pouvait aller en Russie ! Víctor avait une très belle offre, mais je lui ai dit que le championnat russe n’était pas du tout quelque chose pour lui. Depuis, il a éclaté. Comme Meunier et Refaelov."
Suffisant pour mettre fin à dix ans de disette ? "Bruges a certainement de grandes chances de remporter le titre. C’est même peut-être mieux pour le Club qu’il l’ait manqué la saison dernière, car cela l’a obligé à faire des transferts. Et cette campagne de recrutement a été très bien faite."
90 % du job ? Oui, de son travail à lui, un commentaire de Benoît Delhauteur
Dans une récente publicité tunisienne, Georges Leekens joue l’acteur pour vanter les mérites d’une célèbre marque de soda. Très vite, on a entendu les sarcasmes de certains, qui s’attendaient à voir l’entraîneur faire la publicité du soda concurrent dans très peu de temps…
Depuis son passage des Diables à Bruges - et sa justification maladroite - Georges Leekens a une bien mauvaise image.
Vous lirez, dans ces colonnes, ses explications à ce sujet. Elles sont intéressantes. On comprend en effet que ce que Leekens voulait dire, c’est qu’il avait accompli 90 % de son travail à lui. Georges Leekens restera à jamais un homme qui aime l’argent et qui n’a pas de vrai club de cœur.
Mais une simple déclaration ne doit pas faire oublier qu’il avait fait avancer les Diables. Il n’a pas autant de mérite que Wilmots, mais il en a quand même…