L'analyse d'Alex Teklak après Suisse-Belgique: "C’est dur de jouer au guide quand tu n’es pas bon"
Notre consultant Alex Teklak analyse, à froid, la triste soirée des Diables à Lucerne : "Un cocktail indigeste avec trois ingrédients."
- Publié le 20-11-2018 à 11h13
- Mis à jour le 20-11-2018 à 11h14
Notre consultant Alex Teklak analyse, à froid, la triste soirée des Diables à Lucerne : "Un cocktail indigeste avec trois ingrédients." Les 5 buts encaissés en 58 minutes à Lucerne ont laissé toute la Belgique groggy dimanche soir. La faute au coach ? Aux joueurs ? À la mentalité ? C’était difficile d’avoir les idées claires juste après une rencontre aussi décousue. Avec quelques heures de recul, on a posé la question à notre consultant Alex Teklak : comment explique-t-on la déroute belge en Suisse ? "C’est un cocktail. Un cocktail avec trois ingrédients principaux qui est difficile à digérer aujourd’hui."
Pendant 20 minutes, tout allait parfaitement bien. Puis, ce fut la catastrophe pendant les 70 dernières. Pas de juste milieu dimanche : les Diables ont été très bons puis très mauvais. "Après 17 minutes, on pensait que c’était le meilleur moment pour mener 0-2. En fait, c’était le pire. Psychologiquement parlant, le rapport de force a totalement changé en faveur des Suisses."
1. La tactique : "À 0-2, on devait passer à 4 derrière mais…"
Un changement capital qui s’explique d’abord par la tactique. "À 0-2, les Suisses ont changé de système. Ils sont passés de 4 à 3 hommes derrière. Ils ont quasi copié la tactique belge, à quelques petites différences près. Partout sur le terrain, on avait donc des duels en un contre un."
Pour Meunier et Chadli, nos joueurs de couloir, la différence était énorme. "Ils ne devaient plus s’occuper des ailiers suisses mais des arrières latéraux. Des latéraux suisses qui sont devenus très offensifs. Rodriguez et Mbabu ont fait mal. Meunier et Chadli ont dû redescendre très bas. Au lieu d’avoir une dernière ligne à 3, les Diables avaient subitement une défense à 5 à plat. Et ça n’a pas fonctionné."
Autre conséquence du changement tactique suisse : Witsel et Tielemans étaient en infériorité numérique au milieu. "À cause de Shaqiri qui, en homme libre, est venu aider Xhaka et Freuler dans l’entrejeu. Ça embêtait beaucoup Witsel et Tielemans qui ont fait comme ils pouvaient. Et comme Shaqiri était très fort, il parvenait à aider le milieu suisse tout en restant le soutien de Seferovic en pointe."
Nos avants ont également dû s’adapter. Ou plutôt : auraient dû. "Dans le premier système de la Suisse, Mertens et les Hazard ne devaient pas vraiment presser la défense centrale suisse. La relance d’Elvedi et de Klose n’était pas bonne et c’est Xhaka, une ligne plus haut, qui s’occupait de la première relance. Mais quand les Suisses sont passés à 3 derrière, la relance partait de la défense. Mais les attaquants belges ne pressaient quand même pas. Bref, les Suisses avaient le loisir de repartir à leur aise."
C’est donc toute l’organisation belge qui a sauté au bout de 17 minutes. "Nos lignes étaient étirées et la structure du pressing perdue. Idéalement, il aurait fallu que les Diables s’adaptent en passant dans un système à 4 défenseurs. Mais Martinez en avait-il les moyens ? Il n’a pas vraiment de pur back gauche dans son effectif. Chadli n’en est clairement pas un, Thorgan encore moins. Vertonghen aurait pu le faire mais il est blessé."
2. Les joueurs : "Le plan sans Batshuayi était cohérent"
Autre ingrédient du cocktail indigeste de dimanche : le niveau individuel des joueurs. "Plusieurs joueurs n’étaient pas dans un grand soir. Chadli a beaucoup souffert à gauche. Pour moi, c’était une erreur de l’aligner vu sa méforme à Monaco. Mais il ne faut pas le démolir pour autant : Chadli a été très bon à la Coupe du monde. Il était juste dans un off-day comme ça peut arriver à tous les footballeurs du monde."
Quand le niveau des titulaires n’est pas bon, on regarde directement vers le banc. "Batshuayi n’a pas commencé et je peux comprendre le choix de Martinez. Il s’attendait à devoir beaucoup défendre face à la pression suisse. Il a donc opté pour des joueurs très forts en contre-attaque. Les combinaisons entre Mertens et les Hazard pouvaient faire très mal. Ce fut d’ailleurs le cas dans le premier quart d’heure avec les buts de Thorgan. Le plan était cohérent sur papier."
Et si le regard sur le banc n’est pas suffisant, on se tourne vers l’infirmerie. Les absences de De Bruyne, Lukaku et Vertonghen ont pesé lourd. "C’est logique que des forfaits de cette ampleur pèsent sur le niveau général de l’équipe. Une absence peut être compensée. Une deuxième éventuellement aussi. Mais quand c’est plus, ça commence à se voir."
3. La mentalité : "En voyant les rires, j’avais compris"
Le dernier élément mis en cause dimanche soir, c’était la mentalité du groupe. "Quand j’ai vu certains Diables en train de rire à la mi-temps, je me suis dit qu’on allait perdre ce match. Même si c’était 3-2 pour les Suisses, c’était ambiance relax chez nous. On voit que les joueurs ne considéraient pas vraiment la Ligue des nations comme un objectif. Ça se ressentait aussi dans les discours d’après-match. Pour eux, c’était juste un amical. Ni plus ni moins."
Dans ce cas, les leaders de l’équipe n’auraient-ils pas dû secouer le cocotier ? "Oui mais c’est compliqué d’oser crier pour réveiller l’équipe quand tu n’es pas bon toi-même. Si tu fais un très mauvais article demain, tu ne vas pas choisir ce jour-là pour aller conseiller un jeune à la rédaction. C’est pareil dans une équipe de foot. Witsel et Kompany n’étaient pas en grande forme dimanche et c’était difficile pour eux de guider les autres. Quand tu sens que tu n’es pas dans un bon soir, tu essaies de faire ton job du mieux possible, sans sortir de ce cadre-là. C’est ce qui est arrivé en Suisse."