Jordi Cruyff, meilleur ami de Roberto Martinez: "Je glissais de l’alcool dans le verre de Roberto"
Jordi Cruyff, le meilleur ami de Roberto Martinez, nous parle de ses liens très forts avec le sélectionneur national.
- Publié le 08-11-2016 à 08h46
- Mis à jour le 08-11-2016 à 10h01
Jordi Cruyff, le meilleur ami de Roberto Martinez, nous parle de ses liens très forts avec le sélectionneur national. "Désolé pour le retard, mais j’ai dû chambouler tout mon horaire."
Jordi Cruyff a le souffle un peu court au bout de la ligne. Mais malgré un horaire chargé, il a trouvé un peu de temps pour nous intercaler entre deux rendez-vous. "Quand c’est pour parler de son ami Roberto Martinez, il n’y a aucun souci" , nous souffle-t-on en coulisses. Et clairement, le fils d’une des légendes du football mondial ne tarit pas d’éloges sur son meilleur ami.
On dit que votre amitié est forte mais pas conventionnelle...
"Nous n’avons pas besoin d’être régulièrement en contact. Cette amitié se situe à un autre niveau qui ne nécessite pas des messages quotidiens sur WhatsApp . On se connaît. Je sais que je peux compter sur lui et vice versa."
Vous le suivez tout de même ?
"Bien entendu. Dès que je peux regarder un de ses matches, je le fais. J’étais d’ailleurs très curieux de voir comment un acharné du travail comme lui qui passait ses journées sur le terrain allait s’en sortir en sélection. C’est un travail très différent avec beaucoup de scouting et de mise en place rapide."
Comment vous êtes-vous connus ?
"D’abord, nous nous affrontions chez les jeunes. Lui à Saragosse, moi à Barcelone."
On dit qu’il n’épargnait pas vos chevilles…
"Je ne m’en souviens plus . (rires) Notre amitié a débuté à Manchester. Il évoluait à Wigan et moi à United et comme je me considère comme aussi Espagnol que Néerlandais, nous avons sympathisé avec les hispanophones."
Comment expliquez-vous le fait que vous vous êtes directement si bien entendus ?
"J’ai connu des dizaines d’opérations qui avaient un effet très négatif sur mon moral. Lui était toujours positif et m’aidait à gérer ces moments difficiles. Il m’a aussi soutenu dans mon adaptation à la vie en Angleterre. Il me portait grâce à son énergie."
Votre père a d’ailleurs écrit qu’il était le frère que vous n’avez jamais eu…
"C’est vrai. Il m’a toujours aidé. Il est l’une des rares personnes en qui j’ai une confiance aveugle. Les plus belles amitiés sont celles dans lesquelles tu sais que l’autre sera toujours là pour toi. Roberto est l’une des personnes les plus importantes de ma vie."
Pourquoi l’avoir choisi comme parrain de votre fils ?
"Nous sommes amis mais nos familles sont également proches. Cela me semblait naturel."
Vous souvenez-vous de son dernier cadeau pour son filleul ?
"Aucune idée. (rires) Mais comme je vous l’ai dit, cette relation est un peu à part."
Quand vous l’avez au téléphone, êtes-vous capable de définir s’il y a quelque chose qui cloche ?
"Non, impossible. Tout simplement car Roberto n’est pas du genre à être négatif. Au contraire, il est d’un optimisme extrême. Il voit l’échec comme un moyen de s’améliorer."
Quand vous le décrivez, on se dit que ce n’est pas possible, qu’il a bien des défauts, qu’il a vécu des aventures peu reluisantes…
"L’amitié fait que certaines choses doivent rester entre nous." (rires)
Il prétend, par exemple, ne jamais boire d’alcool. Vous confirmez ?
"Je vous le jure et je trouve ça dingue. Même à mon mariage ! Mais je vais vous avouer quelque chose : lorsqu’il n’était pas attentif, je mettais quelques gouttes d’alcool dans son verre. Je faisais au mieux, mais la plupart du temps, il s’en rendait compte. Il a dû en boire sans le savoir, mais ça ne compte pas vraiment."
"Il a le vocabulaire foot de mon père"
Leur amitié est basée sur leur passion commune : le football. On a beau questionner Jordi Cruyff sur d’autres potentielles passions de Roberto Martinez, impossible de tomber sur une autre réponse que le football.
Jordi, Roberto Martinez est donc aussi dingue de football qu’il le dit ?
"Il y a le football et sa famille. On parle vite de passion mais là, c’est encore autre chose. Imaginez-le, joueur, en train de remplir des carnets de note avec les différents exercices. Il a toujours fait ça. Les gens regardent un match de football en fixant le ballon. Pas lui. Il a une vue d’ensemble; il analysait les mouvements sans ballon. Il a sa philosophie mais a toujours gardé un esprit ouvert à différentes tactiques, différents systèmes."
Une chose à laquelle il ne déroge par contre pas, c’est son côté workaholic …
"Sa passion est gigantesque. Tu as parfois envie de lui dire qu’il doit respirer, mais cette force est également à la base de son succès. Je l’admire beaucoup pour cette force de travail et pour ses accomplissements. Roberto possède sa philosophie propre et n’en dérogera jamais. Il a des principes, chose qui se fait de plus en plus rare."
En quelques mots, comment résumeriez-vous sa philosophie de jeu ?
"Son vocabulaire c’est : possession, construction de l’arrière, pressing et gagne. Il a également une véritable capacité d’adaptation au football moderne qui lui vient des heures d’images qu’il mange chaque semaine. Avec la Belgique, il a une équipe athlétique et technique qui convient parfaitement à son style."
On dit souvent qu’il est un mélange entre le football à l’anglaise et celui de votre père, Johan Cruyff…
"Il a une très bonne compréhension du football britannique sans jamais avoir laissé tomber son cœur espagnol. C’est un amoureux du beau jeu qui s’inspire de gars comme Guardiola ou comme mon père."
Cette tendance est due à votre père, dont il est fan. Voyez-vous du Johan Cruyff en Roberto Martinez ?
"Il a le même vocabulaire foot que mon père. Il utilise des mots clés qui définissent sa philosophie; ce sont ceux de mon père. Après, chacun possède sa personnalité. Ils sont proches dans leur approche offensive et dominante. Pour eux deux, le football est un moyen d’expression."
Et ce sont des romantiques…
"C’est clair. Je me souviens de Roberto en League One . Il criait sur son gardien pour qu’il ne dégage pas au loin et qu’il privilégie une passe dans ses pieds. Il avait un football différent des autres et a amené cette patte en tant que coach en Angleterre."
Pensez-vous qu’il est l’homme dont la Belgique a besoin pour gagner un grand tournoi ?
"Son bilan actuel est bon. Les points et les buts sont au rendez-vous, mais on le jugera plus loin dans le processus. Puis, tu peux être bon durant deux ans avant un tournoi et te planter à cause de détails."
Ce mercredi, qui supporterez-vous : votre pays ou votre meilleur ami ?
"Je serai neutre… Mais je souhaite le meilleur à Roberto." (rires)
Directeur sportif au maccabi Tel-Aviv
Jordi Cruyff ne peut pas cacher le fait qu’il est bien occupé par son job de directeur sportif du Maccabi Tel-Aviv. Un job qu’il adore. "Je ne me sentais pas spécialement devenir coach quand j’ai arrêté à 36 ans. J’ai eu l’occasion d’être directeur sportif à Larnaca (Chypre); j’ai adoré."
Deux bonnes saisons ont attiré le regard des Israéliens. "J’y ai vu un potentiel alors que le club restait sur 10 ans sans titre. Nous avons amené une nouvelle énergie et les résultats ont suivi (NdlR : trois titres et une deuxième place) . Il n’y a pas de secret. J’ai juste essayé d’amener ce que j’ai connu au Barça ou à Manchester United."
Il n’a, par contre, pas tenté de recruter son ami Martinez. "C’est juste impossible. Cela ne sert à rien de rêver de quelque chose qui n’a pas la moindre chance de se réaliser."
Le décès de son père
Légende du football, Johan Cruyff est décédé le 24 mars dernier des suites d’un cancer. "Quand on lui a diagnostiqué cette maladie, la première chose qu’il a dite, c’est celle-là : ‘je veux vivre, pas survivre’ " , raconte Jordi. "Il aimait manger, voyager, être indépendant… et il ne voulait pas perdre tout ça. Quand la maladie a commencé à affecter différentes parties de son corps, il n’a pas voulu prendre de traitement miracle. Ce qu’il cherchait, c’était de vivre au jour le jour, comme il l’a toujours fait. Heureusement, il n’a vraiment souffert que deux jours et tout est allé très vite."
Diplômé en Marketing
Devenus amis lors de leur période dans le nord de l’Angleterre, Jordi Cruyff et Roberto Martinez ont entrepris des projets communs. Les deux hommes y ont suivi les cours d’entraîneurs mais ce sont d’autres bancs d’écoles dont ils rigolent encore maintenant.
"Roberto était du genre bourré d’énergie" , sourit Jordi Cruyff. "Nous avions 26 ans et beaucoup de temps libre. Il m’a donc poussé à l’accompagner dans une maîtrise (NdlR : un Master) en marketing à l’université de Manchester. Si vous m’aviez demandé à l’époque si je comptais reprendre des études, j’aurais répondu non. Cela prouve à quel point il a été convaincant."