Jean-Marie Pfaff: "On va la jouer, cette finale !"
Jean-Marie Pfaff nous raconte ses deux jours en Russie en tant que Légende de la Fifa : "Les Japonais m’ont félicité avec le sourire."
- Publié le 04-07-2018 à 06h57
- Mis à jour le 04-07-2018 à 10h56
Jean-Marie Pfaff nous raconte ses deux jours en Russie en tant que Légende de la Fifa : "Les Japonais m’ont félicité avec le sourire."
Voilà 32 ans déjà que Jean-Marie Pfaff (64 ans) qualifiait les Diables Rouges pour les demi-finales du Mondial au Mexique en arrêtant le tir au but de l’Espagnol Eloy. Depuis lors, El Simpatico est non seulement une légende du football belge, mais aussi du football mondial. La Fifa l’a donc invité pour assister au match Belgique - Japon en tant que Légende . Voici le récit de ses 43 heures sur territoire russe.
Vendredi dernier. Coup de fil chez les Pfaff. À l’autre bout du fil : Gianni Infantino, président de la Fifa. "On se connaît bien", dit Pfaff. "On s’est vu lors de quelques tirages au sort et à la remise du Ballon d’Or . Il m’a invité en Russie, aux frais de la Fifa. Je ne pouvais pas refuser."
Dimanche, 21 h 25. Via une escale à Munich - où il a été le gardien vedette entre 1982 et 1988 - Pfaff arrive à Moscou. La destination : le Lotte Hotel, un hôtel cinq étoiles dans le centre de la capitale. La première autre légende qu’il croise, c’est Carles Puyol, ex-défenseur de Barcelone. "Bien sûr qu’il m’a reconnu. Il m’a même invité à un match de Barcelone. Je n’ai qu’à lui passer un coup de fil. Un Barcelone - Real Madrid, cela peut être amusant… Vous savez que j’aurais pu signer à Barcelone en 1978, quand j’ai gagné le Soulier d’Or à Beveren ? Finalement, cela ne s’est pas fait. Et je suis allé au Bayern Munich. Pas mal non plus, hein ?"
Lundi, 19 heures. Un jet privé de la Fifa vient de déposer la délégation de la Fédération internationale à Rostov. Une navette officielle conduit Pfaff - en costume et cravate comme souvent - et les autres à la magnifique Rostov Arena. Pfaff suivra le match depuis une tribune VIP. "J’ai croisé le ministre Reynders. Et plusieurs autres personnalités, comme le président de l’Union belge (Gérard Linard) , celui de Bruges (Bart Verhaeghe) . Et l’administrateur délégué de Charleroi (Mehdi Bayat) . Leur accueil était chaleureux. Je suis fier d’avoir été élu par Infantino comme porte-drapeau de la Belgique."
Lundi, 19 h 15. Comme prévu avec les photographes, Pfaff sort de la loge pour quelques photos. Écharpe belge autour du cou, il se sent comme un roi sur son trône. Quelques minutes plus tard, il monte au bord du terrain pour donner une interview à la VRT ("On va gagner !"). Et il reçoit le micro du speaker du stade pour s’adresser aux 43.000 spectateurs. "Nerveux ? Pourquoi ? Quand on a joué dans les stades de Barcelone et du Real et le Stade Azteka au Mexique, on n’est pas impressionné par le stade de Rostov."
Lundi, 19 h 45. Avant de retourner à sa place VIP, Pfaff croise quelques joueurs. "J’ai papoté avec Vermaelen, que je connais bien. Et avec ce jeune gars d’origine yougoslave qui a marqué au match précédent. Januzaj, voilà. Moi et les noms… Courtois ? Non, je n’ai pas pu lui souhaiter bonne chance. En revanche, Kawasaki - ou comment s’appelle-t-il ? - est venu me serrer la main. Kawashima, correct. On se connaît de son époque au Lierse…"
Lundi, 21 h 08. La Belgique est menée 0-2. "Je ne paniquais pas. Mais je croyais que l’on se qualifierait après prolongations. Je dois dire que j’étais impressionné par les Japonais. On aurait dit des fourmis…"
Lundi, 21 h 50. Chadli inscrit le 3-2. "Là, je me suis quand même levé pour fêter le but. Je suis resté correct, je n’ai pas fait de gestes comme Maradona… (Rires) Je dois dire que je n’ai jamais vu des gars aussi sportifs que les Japonais. Entre autres leur ministre des Sports, qui est aussi président de la Fédération (Kohzo Tashima) est venu me féliciter. Ils avaient même le sourire. Incroyable. Quelle gentillesse, ces Japonais."
Lundi, 22 h 30. La navette quitte déjà le stade pour rejoindre Moscou. À 5 heures, Pfaff est au lit. "La nuit a été courte. Mais c’était une belle expérience. Le monde du football ne m’a pas oublié. J’ai dû poser des centaines de fois pour des photos avec des supporters."
Mardi, 9 h. Des journalistes russes ont rendez-vous avec Pfaff dans le lobby de son hôtel de luxe. "Ils m’ont surtout posé des questions sur ce match Belgique - URSS de 1986, quand on avait battu les Russes 4-3. On avait réalisé un miracle."
Mardi, 10 h 30. Avant de remonter dans la navette qui le reconduit à l’aéroport, un homme l’agrippe pour une photo. C’est Jorge Campos, le gardien légendaire du Mexique. Finalement, il ne croise pas Maradona, que Pfaff avait critiqué dans nos pages à la suite de son bras d’honneur. "Maradona loge dans le Radisson, un peu plus loin. Je n’ai pas pris la peine d’aller le trouver…"
Mardi, 12 heures. Pfaff arrive à l’aéroport Demodedovo, où il raconte ses aventures à la DH. Sa conclusion : "Je sens que l’on va jouer la finale. Chaque finaliste ou vainqueur de Coupe du Monde connaît une frayeur en cours de route. On a déjà eu la nôtre. Le Brésil ? On va les battre. Ce sera peut-être plus facile que contre le Japon. Allez, soyons honnêtes. Qui dit Brésil, dit Neymar. À mon époque, le danger venait de partout. De Zico, Socrates, Falcao, Junior."
Si le pronostic de Pfaff s’avère correct, l’équipe de 1986 ne sera plus la meilleure de l’histoire du football belge. "Pas de problème ! Notre demi-finale sera pour toujours une prestation à la Eddy Merckx . Il est impossible de comparer les deux équipes. Maintenant, ils évoluent tous dans les plus grands clubs. À l’époque, j’étais le seul dans un club du top absolu, en tant que gardien du Bayern."
Sacré Jean-Marie. Il ne changera jamais…
"Va au Real Madrid, Thibaut"
Pfaff n'a pas encore été impressionné par des gardiens. "C'est impossible de me comparer à Courtois"
En tant qu’ancien gardien de l’année 1987, Pfaff est bien placé pour juger les prestations de Thibaut Courtois et des autres gardiens à ce Mondial. “C’est difficile de se faire un avis sur Thibaut”, estime Pfaff. “Il n’a pas dû effectuer de gros arrêts. Et les buts étaient imparables.”
Pfaff n’attache pas trop d’importance à la grosse frayeur de Courtois en fin de première mi-temps, quand il a laissé filer un ballon facile entre ses jambes, sans gravité. Selon Courtois, il songeait déjà à sa relance de la main. En fin de match, c’est une telle relance rapide qui a mené au 3-2. Pfaff. “Ce ballon entre les jambes ne m’a pas fait peur. Le terrain était un peu mouillé; cela peut arriver. Ce n’est pas grave du tout.”
Vendredi, l’adversaire de Courtois sera Allison. Un des deux devrait signer au Real Madrid. Pfaff : “Si Courtois peut signer, qu’il le fasse. Il doit aller là où on le paie le mieux. Et vu que ses enfants habitent en Espagne, mon choix serait vite fait.”
Quand on lui demande qui de Pfaff ou Courtois est le meilleur gardien de l’histoire du foot belge – sans parler de Michel Preud’homme – il contourne la question. “Les temps ont tellement changé. Vous savez que moi, je suis devenu Diable Rouge alors que je n’étais pas encore professionnel ? En journée, je travaillais dans une banque, la Société générale. Le soir, je m’entraînais à Beveren. Je gagnais 75 euros par mois à Beveren, 100 euros par nul et 200 euros par victoire. Et à la banque, j’avais 250 euros par mois.”
Aucun gardien n’a vraiment impressionné Pfaff à cette Coupe du Monde. “Je trouve qu’ils ont peu de travail. Et les buts qui tombent sont souvent imparables. Si Courtois peut devenir le meilleur gardien du tournoi ? C’est possible, mais il faudrait qu’il fasse de gros arrêts contre le Brésil.”
“Ma femme est handicapée, elle a de l’ostéoporose…”
Pfaff va peut-être faire un nouvel aller-retour en Russie, cette fois pour le quart de finale contre le Brésil. “C’est ce que la Fifa m’a proposé. Je vais voir si c’est compatible avec mon programme”, nous explique-t-il. “Vendredi matin, je suis attendu dans un studio télé de Sky en Allemagne. Si on organise tout pour moi depuis l’Allemagne, je vais peut-être refaire le voyage. À condition que ma femme handicapée n’ait pas besoin de moi.”
Pfaff n’en parle pas souvent, mais Carmen (62 ans) a de l’ostéoporose, une affection du squelette. “Elle est handicapée à 60 %. Cela fait cinq ans qu’elle souffre de cela. Cela a commencé quand elle s’est cassé les deuxième, troisième et quatrième vertèbres. Elle est restée pendant deux ans au lit. La semaine passée, j’ai encore dû aller à l’hôpital avec elle. Elle souffre. Mais elle est courageuse. Et elle m’autorise à faire mon boulot et à faire acte de présence à gauche et à droite. Je suppose que chaque famille a ses soucis...”