1 jour, 1 Diable: Denayer, un académicien aux pieds nus
Formé à l’Académie JMG, Jason Denayer y a forgé sa maturité et son sens des responsabilités.
- Publié le 10-06-2016 à 12h34
- Mis à jour le 10-06-2016 à 12h56
Formé à l’Académie JMG, Jason Denayer y a forgé sa maturité et son sens des responsabilités. "On m’a tout appris là-bas : la technique, le mental et à être un homme."
Enfant de l’Académie Jean-Marc Guillou, créée en 2008 en Belgique, Jason Denayer garde un souvenir indélébile de ses trois années dans le centre de Tongerlo. "J’ai beaucoup progressé là-bas", expliquait le Diable au site officiel du Celtic Glasgow en 2014. "Je ne serais pas le joueur que je suis si je n’avais pas été là-bas. J’y ai énormément amélioré ma technique."
À ce jour, le défenseur belge est le joueur, sorti de l’Académie JMG, qui a connu le plus de succès dans sa carrière, devant Theo Bongonda, passé par Zulte Waregem et aujourd’hui au Celta Vigo.
"Pourtant, ses premiers pas à Tongerlo n’ont pas été une franche réussite", confiait Thomas Caers, qui a été son formateur à l’Académie, il y a tout juste un an. "Je me souviens que Jason jouait à Anderlecht depuis deux ans. Il y évoluait comme attaquant. Pour être honnête, ses premiers jours de test chez nous étaient mitigés. Il ne sortait pas du lot, c’est tout juste s’il montait au jeu en deuxième mi-temps."
Mais le petit Jason ne l’entendait pas de cette oreille. Certains de ses amis bruxellois ayant été pris, il souhaitait à tout prix rejoindre l’Académie. "Un de mes meilleurs amis y était", précisait Denayer. "Il me disait que, là-bas, ils jouaient au foot pendant quatre heures chaque jour. Cela me fascinait."
Quelques jours plus tard, il est repris par l’Académie en tant que… défenseur. "Je me souviens qu’il s’est mis lui-même en défense", expliquait Thomas Caers, qui dirige désormais la Essevee Soccer School de Zulte Waregem, sur base du même principe que l’Académie JMG. "C’était assez étonnant de la part d’un gamin de treize ans. Mais à cette position, il était le meilleur de tous, le plus grand, le plus fort. Celui qui en voulait le plus."
Débute alors une période de cinq années durant lesquelles Denayer se voit marcher sur les traces de Yaya Touré, d’Aruna Dindane ou de Gervinho, révélés par le réseau d’écoles africaines de Jean-Marc Guillou, quelques années avant la création de l’Académie belge.
Là-bas, la vie n’est pas facile. Les journées de Jason et de ses copains débutent à 7h30, pour se terminer à 22h. Entre le football et l’école, les jeunes reçoivent 90 minutes de temps libre par jour, avant de dormir, pour appeler leurs amis et leurs familles. Forcément, cela forge le caractère. Et il n’est pas rare que dans le mini-van qui emmène les Bruxellois de l’Académie, dont fait partie le Diable, les plus jeunes pleurent durant tout le trajet.
"Certains n’avaient pas des situations faciles à la maison", détaillait Thomas Caers. "J’étais un peu le deuxième papa de ces gamins. J’allais avec eux chez le médecin quand ils étaient malades. Je leur glissais parfois dix euros dans la poche pour qu’ils mangent bien quand ils rentraient chez eux et je les reconduisais parfois à leur domicile."
Au fil des années, l’ambiance devient plus festive. "Les trajets étaient inoubliables", rigolait Thomas Caers. "Ils mettaient la musique à fond et faisaient du rap."
À l’Académie, les plus anciens avaient également un rôle de grand frère pour les plus jeunes.
"Cela augmentait leur sens des responsabilités", détaillait encore son formateur. "Jason faisait par exemple la lessive pour les petits. Et quand on partait en stage à l’étranger, les plus âgés avaient la tâche de veiller sur les plus jeunes."
Une manière de fonctionner qui aide à grandir. "L’Académie, c’était bien plus que quatre heures de football par jour", expliquait Denayer. "Là-bas, on a grandi, on a pris des responsabilités, on prenait soin des jeunes. J’ai d’ailleurs encore des contacts réguliers avec de nombreux gars que j’ai côtoyés là-bas. Cette expérience m’a rendu mature et aujourd’hui, cette maturité se transmet dans mon jeu."
"S’il défend proprement, c’est grâce aux pieds nus"
Quand on évoque l’Académie JMG, on pense souvent aux pieds nus. Au début de leur formation, les joueurs n’étaient pas autorisés à porter de chaussures. "Pour Jean-Marc Guillou, les pieds nus représentent le football imprévisible et technique", expliquait Thomas Caers. "Et après quelques années, nos joueurs recevaient des chaussures s’il réussissait une batterie de seize tests. C’était une motivation pour les aider à réussir."
Le formateur se souvient du jour où Denayer a réussi ses tests. "C’était un des plus grands moments de sa formation. Mais je suis sûr que c’est grâce au football pieds nus que Jason est devenu un défenseur propre. Grâce à cela, il joue le ballon, et pas l’homme. Il est moins agressif qu’un Vincent Kompany par exemple."
"Jason n’est pas un arrière droit"
Mercredi, Marc Wilmots a fait savoir que la prestation de Jason Denayer au poste de back droit, face à la Norvège, n’avait pas été concluante.
En 2014, Thomas Caers martelait, dans Sport Foot Magazine, que son ancien protégé n’est pas un arrière droit, une position qu’il occupe également de temps à autre à Galatasaray. "Jason a toujours joué au poste de défenseur central quand il était jeune. Et je me souviens qu’à l’Académie JMG, on l’avait déjà testé au poste de back droit. Mais ça n’avait pas marché, car ce n’est tout simplement pas sa position."
"Un lion qui sommeille en lui"
Un garçon timide et calme. Lorsque vous demandez à des gens qui le connaissent, quel est le caractère de Jason Denayer, cette réponse est celle obtenue le plus souvent. "Jason ne connaît pas le mot nervosité", expliquait Thomas Caers. "Mais c’est un gamin de la rue. Et il a toujours dû se battre pour rester dans le droit chemin."
Car les tentations sont grandes. Une mauvaise rencontre peut rapidement faire flancher un jeune joueur, aussi talentueux qu’il soit. Pour ne pas tomber dans le piège, il faut faire preuve de caractère. Et Jason Denayer n’en manque pas.
"C’est un grand timide mais une vraie force tranquille", détaillait, pour So Foot, Younes Zerdouck, ancien coach du Lierse et qui a connu Denayer à l’Académie JMG."Attention, cela ne veut pas dire qu’il a deux de tension, car il y a un gros moteur à l’intérieur. Il ne le montrait pas souvent, mais je peux vous dire que lorsqu’il perdait un un contre un à l’entraînement, il n’était pas content."
Zerdouk se souvient même d’une anecdote croustillante à propos du Diable Rouge. Lors d’un entraînement, alors que les joueurs n’évoluaient pas assez bien à son goût, l’entraîneur hausse le ton. Jason Denayer prend la parole. "Écoute coach, tu ne peux pas faire réussir tout le monde", lui rétorque-t-il, en criant. "C’est le seul à s’être rebellé", continue l’ancien formateur à l’Académie JMG. "Il a beau être calme, il y a un lion qui sommeille en lui. Et je peux vous dire que quand Jason parle, tout le monde écoute."
Boyata: "Comme mon petit frère"
Cinq années les séparent, mais chez les Diables, ils ne sont jamais vraiment très loin l’un de l’autre. Entre Dedryck Boyata et Jason Denayer, les similitudes sont nombreuses. Au choix : le même poste, la même polyvalence, un parcours semblable (Manchester City, Celtic Glasgow) et même des amis communs.
"En dehors du football", précise Boyata. "Mais on ne se connaissait pas avant qu’il arrive à Manchester. Après, c’est vrai qu’on se croise parfois en Belgique. Il est venu plusieurs fois à la maison, il connaît ma femme. Quand il a signé, il était avec la réserve et moi avec l’équipe première. Naturellement, je suis allé vers lui comme Vincent avait pu le faire avec moi. En plus, Jason ne parlait pas anglais donc c’était un peu la galère pour lui. Le feeling est vite passé. C’était comme mon petit frère."
Un petit frère qui a pris ces dernières années un peu d’avance, notamment sur la scène internationale et qui est sans cesse présenté comme l’héritier de Vincent Kompany. Un peu à l’image de ce qu’avait pu connaître Boyata.
"C’est bien pour Vincent", s’amuse le défenseur du Celtic qui est peut-être l’un de ceux qui connaît le mieux Denayer dans le groupe. "Tout le monde dit qu’il est cool ? C’est sûrement en rapport avec ses rastas. (rires) C’est bien d’avoir ce genre de personnes car parfois, d’autres s’emportent un peu vite, d’autres sont timides. Il n’a aucun souci, il fait son boulot, il rentre à la maison. Tu as l’impression qu’il a une face cachée, mais il est comme cela."
Capable de s’enfermer dans son monde, musique sur les oreilles, pour être imperméable à la pression qui l’entoure, de s’amuser aussi avec les autres au fameux jeu du loup-garou qui fait fureur dans le groupe où sa zénitude en fait un joueur redoutable et redouté.