Ces onze joueurs dont on parle (bien) trop peu
Sous-évalués ou sous-médiatisés, ces footeux n'étaient peut-être pas assez sexys sur et en dehors du terrain pour s'offrir la Une des journaux. Hommage à ces artistes incompris.
- Publié le 04-12-2014 à 12h36
- Mis à jour le 04-12-2014 à 17h39
Sous-évalués ou sous-médiatisés, ces footeux jouent pourtant un rôle prépondérant dans leur club. Loin du sourire ultra-bright et de la sulfateuse qui sert de jambes à Cristiano Ronaldo ou des sourires crispés de Lionel Messi, ils restent de gré ou de force dans l'ombre des stars qui tapissent les pages des journaux à coup de tweets foireux, de buts d'anthologie ou de déclarations choc dans la presse. Et pourtant, ce sont les piliers de ces équipes, qu'elles évoluent au sein du top européen ou un cran plus bas. Du nord-ouest de l'Angleterre à la lointaine Russie, ils n'ont sans doute jamais eu la notoriété qui aurait pu et dû être la leur au moment des remises de prix. Au-delà du show, retour sur ces onze artistes incompris du ballon.
Samir Handanovic - Inter Milan
Avec des gars comme Gianluca Pagliuca ou Francesco Toldo (sans oublier un passage éclair de l'inénarrable Aragon Espinoza, avant que celui-ci ne fasse la plonge dans la Meuse...) en guise de prédécesseurs, difficile pour un gardien d'assumer l'héritage de l'Inter Milan. Coup de pot, le Slovène Samir Handanovic a les épaules solides et défend avec sang froid les buts nerazzurri depuis 2012. Si les résultats "mourinhesques" sont désormais de l'histoire ancienne pour les Lombards, ils peuvent au moins se targuer d'avoir dans leur vestiaire l'un des deux meilleurs gardiens du Calcio (malgré tout notre respect pour Morgan De Sanctis et Federico Marchetti). Un fringuant trentenaire qui est surtout reconnu pour son sens inné de l'anticipation. Un don qui lui permet aujourd'hui d'avoir arrêté les six derniers penalties concédés. Certes, ce n'est pour l'instant pas suffisant pour sauver la saison des Intéristes, qui pataugent comme rarement en Serie A. Mais cela place Handanovic dans la short-list des meilleurs remparts du championnat italien.
Branislav Ivanovic - Chelsea
A force de patriotisme et de voir Chelsea empiler les buts cette saison, on en oublierait presque que les Blues n'ont pas que Thibaut Courtois dans leur secteur défensif. Arrivé en 2008 à Stamford Bridge, le Serbe Branislav Ivanovic s'est imposé au poste de back droit, entre interventions propres (il n'a pris que deux cartes rouges durant sa carrière à Londres) et incursions offensives. Malgré ses nombreux atouts, le défenseur n'a obtenu une place dans le quatre arrière de la saison qu'à une seule reprise, soit autant que Kyle Walker et deux fois moins que Bacary Sagna. Une imposture, en somme. Avec une grosse présence dans les airs grâce à son mètre quatre-vingt-huit, le latéral s'offre même le luxe de planter son quota de buts, avec en point d'orgue une tête qui loba le pauvre Artur un soir de mai 2013, au cœur de l'Amsterdam ArenA. Ce coup de boule offrait en effet l'Europa League à Chelsea, à quelques secondes d'une prolongation où tout restait possible pour Benfica. Malédiction lisboète ou exploit d'Ivanovic ? En tout cas, Branislav ne restera pas dans les mémoires uniquement comme l'une des victimes de la voracité de Luis Suarez...
Diego Godin - Atlético Madrid
Difficile d'évoluer dans une sélection uruguayenne où l'attention est phagocytée par Luis Suarez et Edinson Cavani. Surtout quand on est un défenseur qui brille princpalement par son abattage et son intransigeance dans les duels, mais sans posséder l'élégance racée d'un Mats Hummels. Il n'empêche, malgré ce manque relatif d'éclat, c'est bien Diego Godin le patron de la Celeste. Grâce à son excellent jeu de tête, l'Uruguayen, vingt-huit ans, se plaît à mettre les buts importants. Celui mis à Gianluigi Buffon lors de la Coupe du monde avait permis à son pays de gagner son ticket pour les huitièmes de finale. Mais le pion le plus important de sa carrière, c'est certainement celui qui emmènera l'Atléti de Diego Simeone sur le trône d'Espagne. Une tête rageuse qui ne laisse aucune chance au pauvre José Manuel Pinto, dont les malheurs ne s'arrêtent donc pas à cet improbable look capillaire. Un coup de caillou, un coup de génie, qui permet aux Rojiblancos de mettre fin à la mainmise du frère ennemi du Real et du Barça sur la Liga. Et de rentrer dans la légende.
Kalidou Koulibaly - Naples
Peut-être l'un des transferts les plus improbables de cet été au niveau belge. Mais que venait donc faire Naples dans les travées de la Cristal Arena ? Pourquoi les Partonopei avaient-ils avec eux un chèque de dix millions d'euros à placer sur la tête de Koulibaly ? Lors de ses derniers mois en Belgique, le Franco-Sénégalais s'était surtout illustré à cause de l'étiolement de son duo formé avec Kara Mbodj. Alors que les deux centraux de Mario Been faisaient la loi devant Köteles en début de saison, la fin du dernier exercice s'était apparentée à une lente agonie pour le Racing. Symbole de cette dégringolade: la charnière centrale. Mais le Napoli n'a pas reculé. Au contraire, les Italiens restent impressionnés par le gabarit imposant du Limbourgeois de vingt-trois ans. Costaud, mais techniquement plus que correct, Koulibaly fait directement son trou dans le XI de Rafa Benitez. Mieux, il parvient à garder la tête hors de l'eau lorsque la défense napolitaine s'effondre (il est d'ailleurs le seul défenseur a avoir été titularisé à chaque rencontre de championnat). Au point de devoir faire face aujourd'hui à un dilemme cornélien: évoluer sous le maillot français ou sénégalais. Ballot.
Leighton Baines - Everton
Avec son look de Beatles, on pourrait penser que Baines est juste bon à promener sa petite gueule ingrate sur les docks de Liverpool. Erreur. Car le taulier d'Everton possède avant tout un troisième poumon bien caché et une délicieuse patte gauche qui régale Goodison Park depuis 2007. A vingt-neuf, le copéquipier de Mirallas et Lukaku profite même de la retraite internationale d'Ashley Cole pour reprendre le flambeau sur le côté gauche des Three Lions. Pas pour le meilleur lors du dernier Mondial. Fidèle aux Toffees malgré des sérieux appels du pied de Manchester United, Baines fait partie de la race des seigneurs, de ces joueurs brittons qui fleurent bon la Premiership (l'ancêtre de la Premier League ), le bois imbibé de bière rance et les paris foireux. Au-delà de cette séquence nostalgique, Baines apporte également son esprit combatif et ses courses sur le flanc gauche à un Everton en perte de vitesse avec une décevante onzième place au classement. C'est dire si Roberto Martinez a besoin des assists de son latéral...
Nemanja Matic - Chelsea
Cesc Fabregas, Eden Hazard et Diego Costa (et José Mourinho, aussi...) focalisent l'attention sur eux à Chelsea. Normal quand on dissèque le système proposé par le Mou en Premier League. Mais quand l'Espagnol distille et porte le jeu vers l'avant, c'est le Serbe de vingt-six ans qui s'occupe de boucher les trous. Et plutôt bien. Si son début de mandat à Stamford Bridge a fait quelques sceptiques, son entame de saison sous la coupe du Portugais ne souffre que peu de discussion. Et on comprend tout doucement ce qui a poussé le Special One à mettre vingt-cinq millions d'euros sur l'ancien médian de Benfica. Avec un taux de passes réussies supérieur à quasiment tout son secteur cette saison (88% de réussite, seul Fabregas fait mieux), Matic brille aussi par sa grosse présence physique, qui lui vaut le surnom de The Beast depuis une soirée de rêve où Yaya Touré himself a dû s'avouer vaincu dans le combat physique. Suffisant pour voir en lui le (vrai) successeur de Claude Makélélé.
Gabi - Atlético Madrid
Avec son regard perçant et son caractère, Gabriel Fernandez Arenas, alias Gabi, est un peu l'incarnation de la philosophie foot de Diego Simeone: hargneux (il a déjà pris cinq jaunes cette saison et onze l'an dernier), costaud sur ses cannes malgré un gabarit quelconque, mais surtout généreux dans l'effort et prêt à assumer le rôle de tâcheron. Là où l'élégant Koke joue aux artistes, Gabi, lui, mord, (s')arrache, gueule, presse. Bref, le médian de trente-et-un ans fait le sale boulot. Une basse besogne qui sous la houlette du Cholo prend des allures d'art de vivre. Et surtout de gagner. Pour ce Colchonero pur jus qui n'avait rien gagné en dix ans de professionnalisme, la lumière est venue d'un coach argentin fort en gueule. Son double, en réalité, même si le Madrilène s'en défend. Généreux jusqu'au bout, c'est lui qui offre la passe décisive la plus importante de l'histoire du club rojiblanco, sous la forme d'un corner repris victorieusement par Godin. La revanche des moches en somme.
Henrikh Mkhitaryan - Borussia Dortmund
Avec un nom que nous n'écrirons qu'une fois, Henrikh Mkhitaryan perpétue la tradition des patronymes imprononçables du vestiaire du Borussia. Au-delà de cette orthographe aussi complexe à déchiffrer que la façon de l'arrêter sans commettre de faute, ce joueur petit mais doté d'une incroyable vista vit difficilement la saison schizophrénique des Borussen. Malgré ce double-visage névrotique en 2014, l'Arménien de vingt-cinq ans régale à coup de courses vers l'avant et vivacité technique. Aligné sur le flanc, le médian a peut-être perdu en efficacité, mais sa capacité à mettre le feu sur l'aile et sa créativité en font l'un des plus beaux joyaux des Schwarzgelben de la Ruhr. Et tant pis s'il est bien parti pour rejoindre Ryan Giggs ou George Best dans la liste des gars qui n'ont jamais participé à un Mondial malgré un talent gros comme ça, Mkhitaryan restera toujours le gars élégant et racé qui a remplacé Mario Götze en l'espace de quelques semaines dans l'effectif de Jürgen Klopp.
Mathieu Valbuena - Dinamo Moscou
Valbuena et son pantalon de golf, Valbuena le nabot de la Ligue 1, Valbuena qui se vautre en voulant glisser pour fêter un but. Le Français, c'est un peu la victime idéale. Il est petit, a une grande gueule et il est devenu l'un des piliers de l'OM, le club le plus clivant de l'Hexagone. Facile, donc, de s'en prendre au lutin du Vélodrome. Mais voila, entre-temps, Tyrion Lannister a redonné force et honneur aux gens de petite taille. Dans le même temps, le natif de Bruges (non, l'autre en Gironde) a pesé sur le jeu tricolore lors d'un Mondial où il fut l'un des Bleus les plus en vue de la compétition. Peut-être parce qu'on attendait plus des gaillards comme Pogba ou Benzema. Du coup, son transfert au Dinamo Moscou étonne, même si à trente ans, un départ pour un club du top européen était compliqué. Jeté par Bordeaux en son temps (même dans une capitale viticole, on n'a pas toujours le nez creux...), le Français snobe donc la Premier League anglaise pour la russe, où il partage son vestiaire avec William Vainqueur. Un mètre soixante-sept, cinquante-huit kilos, poids plume dans la vie, mais un costaud au ballon, donc...
Iker Muniain - Athletic Bilbao
Des décennies qu'ils utilisent la même formule, des décennies que ça marche. La bonne vieille recette basque de l'Athletic Bilbao permet presque chaque année au club de se faire une place au soleil grâce à ses produits du cru. Parmi les pépites de San Mamès, certaines se sont très bien vendues. Le prochain sur la liste est probablement Iker Muniain, vingt-et-un ans. Petit et véloce, c'est à gauche que l'Espagnol s'épanouit le mieux. Seul hic, une finition qui laisse à désirer, avec seulement trente-trois buts inscrit en 232 rencontres des Leones. C'est fpeu pour un ailier dont la pureté de la passe ne fait aucun doute. Si le talent ne manque certainement pas à l'autre Iker, peut-être qu'un poil d'audace en plus pourra lui permettre de franchir l'ultime cap avant de devenir l'un des fers de la lance de la nouvelle Roja, avec Paco Alcacer et Isco. Et la Manche en même temps ?
Antonio Di Natale - Udinese
Antonio Di Natale, c'est d'abord l'évidence totale et fatale des chiffres: trente-sept ans, près de vingt en tant que footballeur pro, plus de quatre cents matches de Serie A pour deux cents buts marqués, une moyenne de vingt-quatre buts par saison sur les cinq derniers championnats, une fausse retraite marquée d'un hat-trick contre la Sampdoria, un quadruplé contre Ternana, mais un club fétiche: l'Udinese. Là où les Zlatan Ibrahimovic, Cavani, Samuel Eto'o ne font que passer, Toto le héros du Frioul reste tant et plus sous son cher maillot rayé, trop heureux de traumatiser les défenses italiennes de ses coups de Botte imparables. Mais si Udine partage la même tunique que la Juventus, son rayonnement en Europe n'équivaut pas celui de la Vieille Dame. Malgré un rapprochement avec l'AC Milan au milieu des années 2000, Di Natale ne quittera pas le nord-est du pays. Malgré deux propositions indécentes issues des Emirats arabes unis et de Chine, avec Fabio Cannavaro et Marcelo Lippi en guise d'ambassadeurs, Toto s'entête et poursuit l'aventure avec cette saison encore cette étiquette de "Monsieur 50%" (il en est à sept goals inscrits sur les quinze réalisations du club). Moins élégant que Maldini, moins glamour que Totti, moins classe que Zanetti, Di Natale n'atteindra pas la popularité des monstres absolus du Calcio. Il n'empêche, son appétit gargantuesque pour les filets qui tremblent le classe instinctivement parmi les légendes du foot transalpin.
Aurélie Herman