Carl Willem, une vie consacrée à la médecine sportive
Du Sporting de Charleroi à l’OGC Nice, en passant par l’Arabie saoudite, Carl Willem revient sur son incroyable aventure
- Publié le 17-05-2018 à 10h45
- Mis à jour le 17-05-2018 à 11h04
Du Sporting de Charleroi à l’OGC Nice, en passant par l’Arabie saoudite, Carl Willem revient sur son incroyable aventure Carl Willem est une sommité en matière de médecine sportive. L’homme - qui est connu à travers le monde - évoque son parcours. Du Sporting de Charleroi à Eric Gerets, en passant par David Goffin et les attentats de Nice, le médecin originaire d’Auvelais est un hyperactif. Entretien avec un passionné guidé par les rencontres et les échanges.
Carl Willem, en 2009, vous quittez Charleroi pour… l’Arabie saoudite ?
"À l’époque, Stéphane Demol est à la tête du Sporting. Je devais le rencontrer pour discuter de la saison. Mais l’agent d’Eric Gerets me contacte. Après son aventure à l’OM, Eric a rejoint l’Arabie saoudite. D’une seconde à l’autre, ma vie bascule. Je décide de suivre l’ancien international à Al Hilal qui est, selon les dires de l’époque, le club numéro 1 du pays."
C’est un sacré dépaysement ?
"C’est une aventure incroyable. On se retrouve là-bas et on gagne tout. Le championnat et toutes les Coupes."
Mais Eric Gerets va quitter ce club, alors que vous allez rester en Arabie saoudite durant de nombreuses années ?
"Le club voulait le garder, mais il avait précisé qu’il resterait jusqu’à l’élimination de la Ligue des Champions d’Asie. Il a tenu parole. Le Maroc l’a alors contacté pour devenir sélectionneur. Il voulait qu’on l’accompagne, mais j’ai reçu une belle proposition. On m’a demandé de créer une clinique du sport, dans une culture qui est totalement différente de la nôtre. C’était un sacré défi que je me devais de relever. Un beau challenge dans ma vie, à l’époque. Cela m’a demandé beaucoup de temps et d’énergie. Mais le projet a vu le jour."
Vous avez donc géré cette structure jusqu’en 2014 ?
"J’y viens. C’est à ce moment-là que je reçois deux propositions. Une d’Eric Gerets et une seconde d’Al Shabab via notamment le préparateur de Michel Preud’homme, Renaat Philippaerts. Après une bonne discussion et un temps de réflexion, je me retrouve en Allemagne pour le stage de l’équipe. L’aventure est lancée. À nouveau, on gagne tout ou presque et on se retrouve en Ligue des Champions d’Asie. On y réalise même un beau parcours. Puis, Michel décide de quitter le club et je continue jusqu’en 2014, avec notamment Emilio Ferrera. Je vais même voir passer Yannick Ferrera."
Puis vous décidez de partir… en France ?
"À la base, je voulais revenir en Belgique. Avec mon épouse, nos enfants nous manquaient. J’ai d’ailleurs eu raison car la compagne de mon fils attend un heureux événement pour le mois d’août. Je voulais développer un projet de médecine du sport entre Charleroi et Namur, sur l’ensemble de la Wallonie. Mais chez nous, l’administratif, pour ne pas dire le politique, peut parfois ralentir les procédures. Par le biais de mes contacts, je me retrouve finalement à Antibes."
C’est encore le fruit de vos rencontres humaines ?
"Tout à fait. Au départ de Jeddah, j’ai pu développer la médecine du sport, à travers ma passion pour la plongée. J’avais déjà expérimenté, depuis un hôpital de Charleroi, une technique de cicatrisation musculaire à l’aide d’un caisson hyperbare. C’était à l’époque un protocole du CHU de Nice, pour des joueurs carolos qui venaient de Monaco. Lors de mon arrivée à Antibes, je croise la route d’Eric Somme et de Jacques Stas qui s’occupent des Sharks. De fil en aiguille, l’aventure était lancée."
Aujourd’hui, vous n’arrêtez plus. Difficile d’avoir une heure à vous ?
"En l’espace de plus de 3 ans, on a développé une clinique pluridisciplinaire du sport. Je suis également devenu médecin au CHU de Nice pour la partie hyperbariste. Je suis aussi le médecin de plongée pour toute la fédération française de la discipline."
Ce qui a dû vous amener à vous diversifier ?
"Cette nouvelle activité professionnelle m’a ouvert de nouveaux horizons. Le monde des caissons hyperbares est très particulier. Il permet la cicatrisation de nombreuses lésions."
Vous avez continué à vous occuper de clubs sportifs ?
"Pour multiplier les contacts, je suis devenu le médecin du Stade niçois (rugby). Ma clinique collabore également avec l’OGC Nice. Récemment, Alassane Pléa est venu se faire soigner chez nous, après un souci au ménisque. Il vient d’être buteur avec son club. J’ai également recroisé la route de Dante, un ancien Zèbre . Je garde des contacts avec les élites belges. La famille Borlée s’entraîne à quelques mètres de ma clinique à Sophia Antipolis, une sorte de Silicon Valley. Je suis rentré en relation avec l’entraîneur de David Goffin. Ce qui m’a amené à faire d’autres rencontres dans le tennis qui est un de mes sports de prédilection. Tout est une affaire de rencontres. Je ne suis pas un ambitieux, mais un passionné qui aime partager."
Des attentats au caisson hyperbare
À Nice, Carl Willem a vécu de près le drame du 14 juillet… La médecine hyperbare n’est pas destinée qu’aux plongeurs. Ce n’est qu’une petite partie de son utilisation. “En plus des intoxications au CO et les tentatives de pendaisons, les caissons servent surtout à la cicatrisation” , explique le médecin du CHU de Nice. “C’est notamment utilisé pour les lésions musculaires. C’est pour cela que l’on travaille avec les joueurs de l’OGC Nice ou certains éléments de Monaco. Mais cela sert aussi pour les lésions osseuses, cutanées, médullaires ou même cérébrales. Cela peut soigner de nombreux traumatismes.” Le 14 juillet 2016, s’il n’était pas sur la Promenade des Anglais, l’homme a vécu le drame de près. En plus des 84 morts, l’attentat de Nice a fait de nombreux blessés pris en charge par le CHU. “La médecine hyperbare intervient dans le cadre des syndromes d’écrasement pour faciliter la cicatrisation des plaies. J’ai donc été amené à soigner des victimes. C’était très dur moralement. On ne peut pas s’empêcher d’avoir de l’empathie. On a dû faire face à l’horreur, il n’y a pas d’autres mots.”
L’homme se souvient : “Un homme dont les petits enfants ont échappé à la mort de quelques centimètres avait perdu sa jambe. Au lieu de se laisser abattre et malgré l’épreuve qui l’attendait, il a fait preuve d’une mentalité sans faille. Ce que je retiens de ces attentats ? Le courage énorme des personnes qui ont continué à se battre.”
Le caisson hyperbare – qui travaille à partir de l’oxygénation – est un procédé très utile. “Cela offre de nombreuses possibilités. On a même soigné Novak Djokovic dans les caissons. De nombreux sportifs professionnels utilisent cette technique pour se soigner.”