Caméras 3D, ballons pucés et Big Data: le Mondial russe est plus connecté que jamais
Caméras 3D, ballons pucés, tenues pourvues de microprocesseurs : bienvenue dans la Coupe du Monde du Big Data. Big frisson ?
- Publié le 20-06-2018 à 05h34
- Mis à jour le 20-06-2018 à 06h56
Caméras 3D, ballons pucés, tenues pourvues de microprocesseurs : bienvenue dans la Coupe du Monde du Big Data. Big frisson ? Alors qu’une sphère de 12.742 km vibre en ce moment pour une autre, de 22 centimètres, rouée de coups par 736 des footballeurs les plus talentueux du monde, devant 3 milliards de téléspectateurs, la question se doit d’être posée : le foot est-il devenu un agglomérat de chiffres, de données, de statistiques à exploiter pour prendre le dessus sur l’opposant ? Les analystes de données ont-ils pris le pas sur les tacticiens ? La probabilité mathématique vaut-elle la grinta d’une équipe qui se défonce pour son pays ?
Du ballon à la brassière, le Mondial du Big Data
En tout cas, jamais une Coupe du Monde n’avait été aussi connectée. Il y a les technologies visibles de tous, qu’on a appris à connaître au fil des rencontres : la VAR Room, qui fait ses grands débuts au Mondial russe, ou encore la Goal Line Technology (chaque cage est encadrée de sept caméras très haute vitesse, qui permettent de connaître précisément la position du ballon, et de savoir si, oui ou non, il a bien franchi la ligne de but), qui vit déjà son deuxième Mondial. Mais il y a, surtout, les technologies plus discrètes, embarquées, qui permettent une petite révolution pour les suiveurs du sport-roi. Il est désormais possible de connaître, en temps réel, les kilomètres parcourus par chaque joueur, à chaque moment du match, par exemple. Alors que le ballon, le Telstar 18 signé Adidas, embarque une puce NFC (comme votre smartphone ou votre carte bancaire) capable de communiquer avec d’autres appareils digitaux.
Comment diable sait-on tout cela ?
Sur ce Mondial, il est ainsi possible de connaître instantanément le nombre de courses lancées par Axel Witsel entre 12 et 17 km/h, le nombre de sprints enclenchés par Neymar, le taux de déchets de Carrasco lorsqu’il joue vers l’avant, la puissance de la frappe de Nacho, la Heat Map (zone d’activité) de Cristiano Ronaldo. Les statistiques permettent de connaître avec précision l’affinité de passes de tel ou tel joueur. Ainsi, on apprend que, contre le Panama, Eden Hazard a pu joindre Lukaku six fois. Kevin De Bruyne, seulement trois. Ces données, finement traitées et exploitées, livrent de véritables enseignements aux coaches de la compétition. Qui, c’est une autre nouveauté de ce Mondial, bénéficient tous d’une tablette tactile mise à leur disposition sur leur petit banc lors des matches, avec accès instantané aux statistiques de la rencontre. Olivier Bierhoff, ex-grand buteur et actuel manager de la Mannschaft, a accueilli cette nouveauté avec enthousiasme : "Je pense que les matches peuvent devenir un peu plus imprévisibles. L’entraîneur d’une équipe plus petite à la Coupe du Monde peut maintenant réagir sur la base des données."
Comment sait-on tout cela ? Par l’entremise de la technologie. Plus d’une soixantaine de caméras équipent les stades de ce Mondial. Elles cartographient le terrain, et trackent chacun des 22 acteurs sur le pré, en même temps que le ballon. Couplé à un puissant algorithme, ce système permet d’obtenir une mine d’or d’informations, que vous découvrez en direct. Les joueurs eux-mêmes portent de plus en plus de capteurs sur eux. Essentiellement à l’entraînement, mais pas seulement. Vous voyez cette brassière en X, portée par nos Diables ? Il s’agit d’un objet connecté qui sonde les mouvements, la vitesse des déplacements et la fréquence cardiaque de notre équipe nationale en temps réel. En matches, les Diables jouent sans ces outils, mais pas les Brésiliens, qui profitent du fait que la FIFA autorise, pour la première fois, l’emploi de technologies embarquées dans les rencontres. Ils portent carrément un microprocesseur (intégré à la vareuse ? Au protège-tibias ?) qui envoie, en temps réel, l’info vers les ordinateurs des analystes de la Seleçao.
L’ère des Laptop Trainers et Data Analysts
Aujourd’hui, les staffs techniques des sélections nationales se composent, d’ailleurs, de plus en plus de data analysts, des spécialistes de la récolte, du tri et de l’exploitation de données. Le champion en titre, l’équipe d’Allemagne, pas moins de 52 membres dans sa délégation, a autant d’experts en analyse de données et en réalité virtuelle que de masseurs. La France, avec son laboratoire de la performance mis en place fin 2017 par la direction technique nationale (DTN), est sur la même voie. Roberto Martinez n’est absolument pas contraire : il dispose de trois data analysts, dont Moussa El Habchi, qui vient de profiter de la location d’une grue pour filmer les sessions d’entraînement en hauteur, histoire de mieux cerner les déplacements des Belges ! Alors qu’au centre d’entraînement de Tubize, c’est un drône qui capturait les prises de vue aériennes des courses et prises d’espace des Belges. Les Diables travaillent, pour l’occasion, avec les Néerlandais de SciSports, spécialistes d’un nouveau métier : le dataconsulting sportif.
Thomas Tuchel, engagé par le PSG, fait, lui, partie de ces laptop trainers qui sont convaincus que le Big Data va enrichir le foot et la recherche de la performance. Aux États-Unis, où les stats et leur exploitation par le biais d’ordinateurs ont révolutionné le basket et le baseball (cf. MoneyBall), voilà bien longtemps qu’on est convaincu.
Reste que, ce qu’il y a de magique dans ce sport, c’est qu’aucune machine, aucun diplômé d’Harvard, aucun génie de la database, aucun algorithme prédictif ne pourra jamais voir venir le 1-7 de Brésil-Allemagne, la double bourde de Karius en finale de la Ligue des Champions ou la sortie de la passe laser, extérieur droit, de Kevin De Bruyne après un match pétri de déchets.
Ouf, la voilà sauve, la glorieuse incertitude du sport !
Le joueur de champ qui a le plus couru : Golovin
Le joueur de champ qui a le plus couru : Golovin
12,7 km : personne n’a avalé plus de kilomètres que le médian russe Golovin dans ce Mondial. On ne réalise pas assez, d’ailleurs, à quel point il fut décisif durant le match d’ouverture devant Vladimir Poutine. Avec 69 courses, il est le joueur qui a déclenché le plus de sprints depuis le début de la compétition. Il a aussi tenté 32 passes dont 27 réussies et, pour rappel, délivré 2 assists et planté une rose. Une prestation plus pleine encore que celle, scintillante, de Cristiano Ronaldo…
L’équipe la plus inoffensive : la Corée du Sud
L’équipe la plus inoffensive : la Corée du Sud
Il y a match entre l’Australie (quatre tirs dont un seul cadré, sur penalty converti) et la Corée du Sud, qui a frappé cinq fois en 95 minutes… sans jamais cadrer. A contrario, c’est l’Argentine qui a le plus pilonné le portier adverse avec 26 tentatives au but contre l’Islande. Dont seulement sept cadrées. Les équipes qui ont le plus eu le cuir et tenté le plus de passes sont latines : l’Espagne avec 727 passes (record actuel), l’Argentine (avec 717). Deux équipes qui n’ont pas fait mieux qu’un nul. Preuve, s’il en était encore besoin, que la domination peut être stérile, en foot.
Le gardien qui a le plus couru : Mathew Ryan, 4,9 km
Le gardien qui a le plus couru : Mathew Ryan, 4,9 km
Neuer, le gardien libéro, sur la seule (mièvre) prestation de l’Allemagne, a failli justifier son surnom. Il a donné 30 passes (hors dégagements) dont 29 réussies, couru une distance de 4,48 km, et a déclenché 4 sprints dont l’un flashé à 23,94 km/h. En comparaison, notre rempart Thibaut Courtois a couru 3,812 km, déclenché 2 sprints (vitesse de pointe de 18,43 km/h) et réussi 19 passes sur 23. Mais Matthew Ryan, ex-Bruges, a couru plus encore pour l’Australie : 4,98 km. Aucun gardien n’a encore couru plus de 5 bornes dans ce mondial.
Le meilleur relanceur : Javier Mascherano, 138 passes
Le meilleur relanceur : Javier Mascherano, 138 passes
Le plus beau match de ce premier tour, le déjà historique Portugal-Espagne du 15 juin, a également mis en lumière une réalité souvent mésestimée : dans une équipe qui aime toucher la gonfle et s’adonner au tiki-taka comme la Seleccion, ce n’est ni Iniesta ni Isco qui tâtent le plus du cuir, mais bien un défenseur central : Sergio Ramos. Il a relancé 115 fois, pour 112 passes abouties, soit un taux de réussite remarquable de 97 %.
Samedi, son comparse Javier Mascherano, pour l’Argentine, a fait mieux encore : 138 passes tentées pour 131 réussies. Chez nos Diables, contre le Panama, le même adage s’est vérifié : Toby Alderweireld fut le Belge opérant le plus de passes, avec 103 passings tentés pour 93 réussis. Axel Witsel, la tour de contrôle belge entre défense et attaque, n’en a tenté que moitié moins (52) mais avec un taux de déchet minuscule : il n’a raté qu’une passe.
Le sprint le plus rapide : 33km/h, Marco Urena; Lukaku en embuscade
Le sprint le plus rapide : 33km/h, Marco Urena; Lukaku en embuscade
C’est, on l’a dit, Golovin qui a lancé le plus de sprints dans cete compétition, avec 69 courses. Côté belge, ce n’était pas spécialement criant lundi, mais c’est Thomas Meunier, qui a déclenché le plus de sprints durant la rencontre avec 61 courses. Il est d’ailleurs le deuxième de la compétition sur ce critère ! Il a confirmé, malgré une prestation mitigée, ses excellentes dispositions athlétiques, puisqu’il est aussi le Belge qui a avalé le plus de mètres, avec 11,6 kilomètres parcourus - comme Toni Kroos, la veille, pour l’Allemagne. Toutefois, le sprint le plus rapide lancé dans cete compétition est à attribuer à un Costaricain : l’attaquant Marco Urena, seul joueur du Mondial, pour l’instant, à être flashé à plus de 33 km/h (33,088 pour être exact). Deuxième sprint le plus vif : Neymar ? Ronaldo ? Isco ? Sterling ? Nenni ! Il s’agit de celui lâché lundi par… Romelu Lukaku, à 32,83 km/h. Pour un joueur critiqué encore souvent, à tort, pour sa lenteur, c’est croquignolet.