Non, le Tour n'est pas encore fini. Voici pourquoi
- Publié le 24-07-2018 à 06h47
- Mis à jour le 24-07-2018 à 09h08
La dernière semaine est entamée, mais Thomas et la Sky n’ont pas encore conquis le maillot jaune Le 105e Tour de France est entré dans sa dernière ligne droite, après la 2e journée de repos à Carcassonne. Alors que les Pyrénées se profilent à l’horizon, solidement installé en tête du classement général depuis bientôt une semaine, Geraint Thomas semble un solide porteur du maillot jaune et la traversée des Alpes l’a conforté dans cette position. À ceux qui affirment que le Gallois résistera aux affrontements de ces derniers jours du Tour, toujours difficiles, souvent compliqués, parfois dramatiques, voici cinq raisons de penser (ou d’espérer) que le Tour n’est pas (encore) fini.
Parce que Thomas n’a pas (encore) gagné
Geraint Thomas est en position favorable pour devenir le troisième Britannique à enlever le Tour après Bradley Wiggins et Chris Froome. Mais le Gallois lui-même répète depuis sa prise de pouvoir que Froome est l’atout n° 1 de la Sky, que lui-même ne sait pas jusqu’où et quand il pourra tenir, ni s’il y parviendra.
"Je n’ai aucune garantie quant aux trois semaines du Tour, je ne sais pas à quoi m’attendre" , raconte-t-il depuis une semaine. Jusqu’ici, notamment dans les Alpes, le vainqueur du récent Dauphiné a fait montre d’une grande autorité. Dimanche soir, l’équipe Sky a cependant perdu un coureur, Gianni Moscon, exclu pour avoir tenté de donner un coup à un adversaire. "Ça me déçoit" , a dit le maillot jaune, "nous avons un coureur de moins, mais l’équipe est forte. Nous devons rester concentrés sur la suite."
La suite, ce sont les Pyrénées; pour Thomas, excellent rouleur, chaque jour qui passe est un grand pas franchi vers la victoire finale. "Je ne pense pas vraiment à gagner" , affirmait-il encore. "Je veux juste prendre les choses jour après jour. Je suis venu au Tour avec le rêve de monter sur le podium, je suis toujours dans les plans, j’essaie juste de garder la même mentalité."
Même les obligations liées au maillot jaune ne l’inquiètent guère. "Tout ce protocole, que je connais pour l’avoir vécu à Paris-Nice, au tour 2017 et au Dauphiné, rend la journée beaucoup plus longue, je préférerais monter tout de suite dans le bus" , dit-il. "Mais ce sont des obligations du maillot jaune et son impact, le bonheur de le porter, compense cela. La troisième semaine est dure, mais c’est pour tout le monde. Ça se joue moitié dans la tête, moitié dans les jambes. C’est comme ces sifflets, ce n’est pas heureux, sans doute serais-je applaudi si j’étais lâché, mais je veux rester fort, je suis en train de faire la course de ma vie et je veux continuer à prendre du plaisir à être en jaune au Tour."
Parce que Froome n’a pas (encore) perdu
Raillé, hué, insulté depuis le départ du Tour, Chris Froome reste cependant en embuscade, impassible, derrière son équipier. Le Kenyan blanc était le leader de la Sky en Vendée et, jusqu’ici, le quadruple vainqueur du Tour conserve ce statut, même si Geraint Thomas porte le maillot jaune avec 1:39 d’avance.
Froome est en quête d’une cinquième victoire record, d’un doublé Giro-Tour qui n’a plus été réussi depuis vingt ans, d’une septième victoire dans un grand Tour et la quatrième à la suite. Il ne laissera pas passer sa chance si elle se présente. Qu’un des rivaux des Sky attaque et le Britannique se muera directement en chien de garde de Thomas avec l’espoir que l’offensive prenne du champ et le remette dans le jeu.
À moins que Thomas ne soit victime d’un coup de barre ces prochains jours, la nervosité devrait monter crescendo entre les deux hommes au fil de la semaine. Vivra-t-on alors un nouveau duel entre deux équipiers, comme ce fut parfois le cas par le passé, les Italiens Coppi et Bartali au Tour 1949, Hinault et LeMond au Tour 1986 ou, surtout, Roche et Visentini, au Giro 1987, voire Contador et Armstrong, sur la Grande Boucle en 2009 ?
C’est possible, même si Froome affirme le contraire. "Tant que c’est un coureur de Sky qui gagnera le Tour, dimanche à Paris, je serai heureux" , a-t-il dit, ce lundi à Carcassonne. "Nous sommes en position favorable, ce n’est pas à nous d’attaquer, c’est aux autres de rattraper leur retard et d’essayer de nous déloger de notre position." Une invitation subliminale passée à ses rivaux ?
Parce que les autres n’ont pas (tous) abdiqué
Les Sky sont en ballotage (très) favorable avec deux coureurs occupant la tête du classement général.
Inexorablement, étape après étape, les hommes de Dave Brailsford ont pris l’avantage et l’ascendant sur leurs rivaux. Si l’on excepte Tom Dumoulin, dont le retard serait à peine d’une demi-minute, sans son incident mécanique et la pénalité encourue dans l’étape de Mûr-de-Bretagne, tous les autres, les Movistar, Romain Bardet ou le duo des Lotto NL, Roglic et Kruijswijk ont régulièrement dû lâcher du terrain.
Comment donc peuvent-ils espérer en gagner dans les Pyrénées ? "Je suis persuadé que ce n’est pas fini" , a dit Quintana ce lundi, malgré les 4:23 de retard qu’il a encaissé. "Ma troisième semaine a toujours été la meilleure sur le Tour par le passé. Tout reste possible." Son équipier Mikel Landa pense la même chose. "Je suis sûr que la troisième semaine me convient , dit l’ancien coureur de Sky. Ils ont perdu Moscon, un pion important. Jusqu’ici, c’était calme entre Thomas et Froome, mais ils sont tous les deux ambitieux. Je suis persuadé que tôt ou tard, leur ego prendra le dessus." La possibilité de mettre à mal l’hégémonie des Sky passera-t-elle par une alliance de circonstance entre leurs rivaux ? C’est possible, mais ceux-ci n’ont pas nécessairement la même opinion à ce propos et parmi tous ces adversaires, Tom Dumoulin est le plus menaçant et celui qui, jusqu’ici, a donné la meilleure impression.
Le Néerlandais reste optimiste. "Je suis toujours fatigué en troisième semaine, mais cette fois, je me sens encore bien , dit le coureur de Maastricht qui a disputé le Giro. Ça va se jouer dans les courtes étapes, celle de 65 km et le chrono, elles provoquent toujours plus d’écarts que de grandes étapes."
Parce qu’il reste quatre étapes cruciales
Le Tour n’est pas fini parce que quatre des six dernières étapes, à l’exclusion de celles de jeudi et de dimanche, vont influencer peu ou prou le classement général.
MARDI, 16E ÉTAPE
Carcassonne - Bagnères-de-Luchon, 218 km
Première des trois étapes pyrénéennes, étalées sur quatre jours. Elle survient après un jour de repos dont on connaît la complication à bien le gérer et les effets pervers qu’il procure chez certains.
Luchon est un classique du Tour qui en accueille une étape pour la 50e fois. À douze reprises, un futur vainqueur du Tour s’y est imposé, à l’image de Chris Froome en 2016.
L’étape est longue mais pas excessivement montagneuse, même si les coureurs auront l’impression d’être sans cesse en prise. Il y a trois grands cols à gravir, mais l’arrivée se fait au bas de la descente du col de Portillon. Il y a deux ans, Froome y avait réussi un grand numéro de haute voltige pour récupérer le maillot jaune définitivement.
MERCREDI, 17E ÉTAPE
Bagnères-de-Luchon - Saint-Lary-Soulan - Col de Portet, 65 km
C’est, avec celle des pavés, l’étape de ce Tour dont on a le plus parlé. "Une étape dynamite" , comme l’a qualifiée Christian Prudhomme. Elle est ultra-courte, à peine 65 kilomètres, mais c’est du super concentré, avec 38,5 kilomètres de montée en très haute montagne, qui devrait durer à peine deux heures et demie et fournir donc une énorme intensité. Aucune défaillance ne sera tolérée. Le départ sera inédit avec une grille façon cyclo-cross ou F1, en fonction du classement général, au pied du col de Peyresourde. Après celui-ci puis Val Louron-Azet, les coureurs devront escalader la montée finale vers l’inédit col de Portet, sur les hauteurs de Saint-Lary-Soulan. C’est le toit du Tour avec ses 2.215 mètres d’altitude et désormais le plus haut col carrossable français des Pyrénées.
Le dernier kilomètre est à plus de 10 %. "Le col de Portet est sans doute ce qui se fait de plus dur en France avec le Mont Ventoux" , assure Thierry Gouvenou, le dessinateur du parcours.
VENDREDI, 19E ÉTAPE
Lourdes - Laruns, 200,5 km
Un classique pyrénéen qui met en scène trois géants du massif : l’Aspin, le Tourmalet et l’Aubisque. Une étape très longue avec énormément de dénivelé. C’est sur l’Aubisque, sa montée puis sa descente vers Laruns, ville étape inédite, que se jouera sans doute le dernier affrontement entre les principaux prétendants.
SAMEDI, 20E ÉTAPE
Saint-Pée-sur-Nivelle - Espelette, contre-la-montre 31 km
Le seul contre-la-montre individuel de ce Tour dessiné au Pays basque (français) aura-t-il un rôle majeur à jouer, pour la victoire finale, sur les places sur le podium ou les accessits ? Dans tous les cas, son parcours est super exigeant et ne favorise pas les purs rouleurs. C’est un tracé atypique, particulièrement athlétique, en dents de scie, qui ne pourra que couronner les coureurs complets. Sur sa fin, on y trouvera le très court col de Pinodieta, véritable casse-pattes. Après trois semaines de course, c’est la fraîcheur qui va faire la différence et permettre éventuellement de renverser des situations.
Parce qu’il reste 17 côtes et cols
Le Tour n’est pas fini parce que dans ces six dernières étapes, quatre recensent des difficultés qui comptent pour le classement du meilleur grimpeur, plus de nombreuses qui ne le sont pas, tandis que le chrono est particulièrement exigeant. Avant Paris, les coureurs vont devoir gravir six côtes de 4e catégorie, deux cols de deuxième, cinq de première et trois classés Hors catégorie dont un, le Portet, sera la troisième et dernière arrivée en altitude de ce Tour 2018. Voici ces difficultés, étape après étape.
16e étape - 5 difficultés
Km 25 - côte de Fanjeaux (2,4 km à 4,9 %) - 4e catégorie. Km 72 - côte de Pamiers (2,3 km à 5,8 %) - 4e catégorie. Km 155,5 - col de Portet-d’Aspet (1.069 m d’altitude - 5,4 km à 7,1 %) - 2e catégorie. Km 171 - col de Menté (1.349 m d’altitude - 6,9 km à 8,1 % - max : 9,1 % sur 1 km) - 1re catégorie. Km 208 - col du Portillon (1.292 m d’altitude - 8,3 km à 7,1 % - max : 8,3 % sur 1 km) - 1re catégorie.
17e étape - 3 difficultés
Km 15 - montée de Peyragudes (1.645 m d’altitude - 14,9 km à 6,7 % - max : 8,5 % sur 1 km) - 1re catégorie. Km 37 - col de Val Louron-Azet (1.580 m d’altitude - 7,4 km à 8,3 % - max : 10,1 % sur 1 km) - 1re catégorie. Km 65 - Saint-Lary-Soulan - col du Portet (2.215 m d’altitude - 16 km à 8,7 % - max : 10,3 % sur 1 km) - Hors catégorie.
18e étape - 2 difficultés
Km 53,5 - côte de Madiran (1,2 km à 7 %) - 4e catégorie. Km 152,5 - côte d’Anos (2,1 km à 4,6 %) - 4e catégorie.
19e étape - 6 difficultés
Km 7 - côte de Loucrup (1,8 km à 7,2 %) - 4e catégorie. Km 40 - côte de Capvern-les-Bains (3,4 km à 5,1 %) - 4e catégorie. Km 78,5 - col d’Aspin (1.490 m d’altitude - 12 km à 6,5 % - max : 9,5 % sur 1 km) - 1re catégorie. Km 108 - col du Tourmalet (2.115 m d’altitude - 17,1 km à 7,3 % - max : 10 % sur 1 km) - Hors catégorie. Km 159,5 - col des Bordères (1.156 m d’altitude - 8,6 km à 5,6 %) - 2e catégorie. Km 180,5 - col d’Aubisque (1.709 m d’altitude - 16,6 km à 4,9 % - max : 8,5 % sur 1 km) - Hors catégorie.
20e étape clm - 1 difficulté
Km 28 - col de Pinodieta (0,9 km à 10,2 %) - non recensée.