Ronald Gobert: "Le sponsoring ne doit pas être du mécénat"
Président du club de basket de Mons Hainaut, sponsor titre d’une équipe cycliste et partenaire du Sporting de Charleroi, Ronald Gobert est un vrai passionné de sport.
- Publié le 09-11-2018 à 13h04
- Mis à jour le 09-11-2018 à 13h05
Président du club de basket de Mons Hainaut, sponsor titre d’une équipe cycliste et partenaire du Sporting de Charleroi, Ronald Gobert est un vrai passionné de sport. Sa silhouette svelte et ses joues creusées pourraient être celles d’un sportif de haut niveau. S’il a autrefois tapé la petite balle jaune aux côtés des frères Rochus et de Justine Henin au centre AFT, c’est pourtant une toute autre carrière qu’a finalement épousée Ronald Gobert. "J’ai joué au tennis à un bon niveau pendant plus de dix ans, mais j’avais un côté un peu trop impulsif que pour aller plus haut." (rires)
À 38 ans, cet homme d’affaires averti est à la tête d’une société brassant un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros et nominée au titre d’Entreprise belge de l’année. Président du club de basket de Mons-Hainaut, sponsor de l’équipe Wanty-Groupe Gobert et partenaire du Sporting de Charleroi, il est aussi un acteur fort du sport wallon. Rencontre.
Ronald, le Groupe Gobert est présent en qualité de sponsor dans le cyclisme, le basket-ball et le football. Cette diversification tient-elle d’un choix stratégique ou passionnel ?
"Des deux, et c’est une grande chance ! Notre stratégie de communication d’entreprise est fortement axée sur le sport car les valeurs que celui-ci véhicule collent parfaitement à notre société. Je veux parler de l’esprit d’équipe, de la solidarité ou de la notion d’effort et de dépassement de soi, entre autres choses. Nous sommes actifs dans le sport depuis très longtemps déjà puisque la première présence du Groupe Gobert sur un maillot remonte à plus de quarante ans… sur la vareuse d’un club de balle pelote de la région. (sourire) Cette diversification nous permet par ailleurs de toucher des publics plus variés. Les fans de foot ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux du vélo ou du basket. Et puis, il s’agit aussi d’une passion qui m’habite depuis que je suis enfant ! Je joins donc l’utile à l’agréable…" (rires)
Les retombées de ces différents investissements sont-elles quantifiables ?
"Nous allons réaliser une nouvelle étude en 2019 pour les trois disciplines dans lesquelles nous investissons, mais la dernière en date était propre au Tour de France. Sans entrer dans les détails de calcul de visibilité, on peut dire que pour un euro investi, le retour en valorisation est de huit euros brut. C’est énorme et inégalable ! Lors de notre première participation à la Grande Boucle en 2017, la fréquentation de notre site internet a été multipliée par… 35 ! Nous avions des internautes azéris qui venaient visiter notre site. (rires) Ce n’est pas vraiment notre marché, mais cela en dit long sur la portée de l’événement. Notre chiffre d’affaires sur ce mois de juillet 2017 a augmenté de 17 % et nous avons encore fait mieux cette année ! Des amateurs de cyclisme venaient dans nos magasins pour nous remercier de ce que nous faisions pour le vélo en Wallonie… Mon regard sur la chose est bien plus modeste, mais cela fait tout de même sacrément plaisir !"
Malgré la dimension passionnelle qui vous relie au sport, vos investissements sont donc parfaitement réfléchis…
"Oui, car à mes yeux le sponsoring ne doit pas être du mécénat. Il ne s’agit pas d’un coût, mais d’un investissement. Lorsque je suis dans la tribune du Sporting de Charleroi, dans les gradins de le Mons Arena ou au bord du parcours d’une grande classique, je vis les émotions comme un supporter, mais lorsqu’il s’agit de poser des choix stratégiques, je change alors de casquette. Le danger est de manquer de recul et de devenir accro à ces frissons. Un jour, le Groupe Gobert ne sera fatalement plus représenté au départ du Tour, cela arrivera inévitablement. Je vivrai donc fatalement cette épreuve de manière très différente, mais c’est dans la nature des choses. Quand j’étais petit, je jouais au Tour de France dans mon village natal, alors y voir sa société y occuper de nombreuses heures d’antenne, c’est forcément particulier."
Les émotions de l’entreprenariat doivent être très différentes de celles-là….
"Oui, en effet. Mais lorsque vous créez quelque chose ou opérez d’importants choix stratégiques pour votre société, on vibre aussi. Mais d’une façon plus contenue…" (rires)
Vous avez évoqué l’excellent retour sur investissement que vous assure le cyclisme. Comment expliquez-vous alors la difficulté des équipes mais aussi des autres clubs sportifs à dénicher des partenaires ?
"La première chose que je tiens à préciser, c’est que si nous pouvons nous permettre d’être présent dans trois disciplines différentes au haut niveau, c’est parce que les prix y demeurent très accessibles dans notre région. Quand j’entends ce que certaines boîtes flamandes déboursent pour un seul sponsoring… Lorsqu’une entreprise connaît une période moins faste, c’est très souvent dans les budgets marketing et communication que l’on opère les coupes les plus larges. Je ne voudrais pas passer pour un donneur de leçons mais n’est-ce pas là, précisément, le moment de faire savoir que l’on existe et ce que l’on vend ?"
Pour connaître les mondes du foot, du basket et du vélo, en quoi se différencie-t-il le plus ?
"Dans le vélo, il y a un attachement à la structure et à l’humain que je ne retrouve pas sous la même forme dans les deux autres disciplines."
Avez-vous plus de respect pour certains sportifs que pour d’autres ?
"Non, pas du tout. J’ai en revanche plus d’admiration pour ceux qui s’entraînent quatre à six heures par jour sans réelle visibilité médiatique et peinent pour vivre de leur sport. Je pense, par exemple, aux nageurs ou aux triathlètes."
Vous venez d’être nominé pour le titre de l’Entreprise de l’année, l’équipe Wanty Groupe-Gobert vient de remporter l’Europe Tour pour la troisième année de rang et Mons-Hainaut a été finaliste de la Coupe de Belgique en 2018 . Peut-on vous qualifier d’homme à succès ?
"Nous sommes dans une bonne dynamique mais la vie est faite de hauts et de bas, vous savez. (sourire) Le sport en est finalement un condensé."
"Ne pas viser le WorldTour à n’importe quel prix"
Ronald Gobert serait prêt à abandonner le naming de l’équipe cycliste pour l’aider à grandir
Sponsor historique de l’équipe cycliste pilotée par Jean-François Bourlart, le Groupe Gobert a vécu une croissance comparable à celle d’une formation qui a bouclé son second Tour de France en juillet dernier. "La dimension familiale et humaine de cette structure fait que j’y suis fatalement très attaché, commente Ronald Gobert. Mais je suis également pleinement conscient que si nous souhaitons lui permettre de continuer à grandir, il nous faudra probablement laisser notre place de sponsor titre à un moment ou à un autre. Nous discutons régulièrement de la chose avec les dirigeants de chez Wanty, dont la position est similaire. Notre budget sponsoring à ses limites. Il est logique et sain que la structure aspire à évoluer et songe donc à rejoindre le WorldTour. Cela permettrait d’attirer des coureurs de plus haut rang, de s’assurer d’une présence sur les plus grandes courses du monde, etc. Nous venons de vivre notre second Tour consécutif, mais rien ne nous assure que nous serons au départ en 2019."
La future réforme de l’UCI, qui garantira une présence sur les trois grands tours aux deux premières équipes de l’Europe Tour, pourrait rabattre certaines cartes. "Cela change la donne, poursuit Gobert. On pourra gagner sa place à la pédale. Il ne faut, selon moi, pas viser le WorldTour à tout prix. Quoi qu’il arrive, nous ne laisserons pas les clés du camion à n’importe qui." (sourire)
"Le niveau du basket belge a baissé"
En tant que président de l’Union Mons-Hainaut, il constate les difficultés rencontrées par les clubs belges.
Beaucoup ont encore les images de la dernière finale de Coupe de Belgique en tête et plus particulièrement l’euphorie avec laquelle le président de l’Union Mons-Hainaut avait vécu les événements en bord de terrain dans le décor de Forest National. Il a beau tenir un rôle de chef d’entreprise sur le plan professionnel, Ronald Gobert reste un passionné de sport et de sa région. Dans les tribunes de la Mons. Arena, il n’est jamais le dernier à manifester ses émotions.
Mais "avec la formule du championnat, la Coupe de Belgique et la Coupe d’Europe, nous jouons énormément de matchs sur une saison et tous les supporters n’ont pas toujours forcément les moyens ou le temps de venir à tous les matchs. Et puis, il faut bien avouer que le niveau et le spectacle ont diminué ces dernières années. Je suis convaincu que le basket-ball belge à besoin d’innover. Par rapport à quelques années en arrière, pratiquement tous les clubs ont dû revoir leur budget à la baisse."
Mons-Hainaut n’a pas échappé à cela et son avenir pourrait d’ailleurs se jouer très prochainement puisque la fin du contrat en cours avec Belfius, sponsor principal du club depuis 15 ans, prendra bientôt fin. "Les négociations sont toujours en cours avec notre partenaire historique, qui a toujours été fidèle et très correct envers notre club. Et on espère donc évidemment poursuivre avec lui", affirme-t-il en pensant aux conséquences négatives qu’une non-prolongation du partenariat engendrerait pour le club. "On y pense, bien sûr. C’est pour ça que je tire parfois la sonnette d’alarme en disant qu’il est aussi peut-être temps que d’autres personnes se montrent et s’investissent plus dans le club. Ce ne serait que bénéfique pour le club et son image au niveau local."