Nibali, une victoire à San Remo digne d’Eddy Merckx
- Publié le 19-03-2018 à 07h02
- Mis à jour le 19-03-2018 à 10h39
Vincenzo Nibali a sorti de la torpeur une édition qui gardera le sceau de son exploit. Heureusement qu’il y eut l’exploit de Vincenzo Nibali, car sans cela la 109e édition de Milan-Sanremo ne serait pas restée dans les annales.
Une édition cadenassée
Près de 285 km pour assister à la première attaque digne de ce nom (les neuf échappés du début nous pardonneront), la Primavera a été d’une limpidité extrême cette année. La faute à la pluie qui a refroidi les organismes puis, surtout, au vent qui a soufflé de manière contraire toute la dernière partie de l’épreuve, tuant dans l’œuf toutes les velléités offensives, sauf celles d’un coureur ! On a vécu samedi l’édition la plus lente de la Primavera depuis 2001.
Les favoris se neutralisent
On attendait des offensives de Sagan, Kwiatkowski, Van Avermaet, Gilbert, Alaphilippe, Trentin, Moscon et d’autres, or, elles ne sont jamais venues. Quand Vincenzo Nibali a démarré, tous les favoris se sont regardés, un peu comme si chacun préférait voir le coureur de Barhein s’imposer plutôt que de voir un de ses rivaux directs lui damer le pion.
Un exploit rarissime
Pour devenir le 51e vainqueur italien de la Classicissima, Vincenzo Nibali a réussi un véritable exploit en démarrant à un peu plus de sept kilomètres du but et en résistant à ses poursuivants. Cela faisait vingt-quatre ans, depuis la victoire de Giorgio Furlan, qu’un coureur s’était échappé seul sur les pentes du Poggio et avait résisté au retour du peloton. Deux ans plus tard, en 1996, Gabriele Colombo, un autre Gewiss, s’était extrait d’un petit groupe de quatre sortis sur la Cipressa. Depuis lors, plus personne n’avait été capable de mener à son terme une manœuvre qu’Eddy Merckx avait banalisée, au point de la rendre courante.
Un champion d’avant
Dans un cyclisme souvent aseptisé et programmé à l’excès, où la spécialisation confine parfois à l’entêtement (le Tiesj Benoot des Strade Bianche n’aurait-il pu accompagner le Requin de Messine dans son envolée sur le Poggio ?), Vincenzo Nibali (voir page suivante) est un champion d’un autre temps. "Le plus complet de ces trente dernières années", dit Philippe Gilbert en se référent à tous les terrains sur lesquels le Sicilien a déjà brillé. L’Italien est le premier vainqueur d’un grand tour lauréat de la Classicissima depuis Laurent Jalabert en 1995 et le premier vainqueur du Tour de France depuis Laurent Fignon, en 1989.
Avantage aux puncheurs
Après Kwiatkowski, voici Nibali. Pour la deuxième année de suite, les attaquants, en l’occurrence un seul cette fois, ont tenu tête au peloton et aux sprinters. Mais la marge est ténue, les écarts minimes, comme souvent à Sanremo. Une seconde cette fois, pour cinq l’an dernier. Et si, plutôt que de se lancer seul à la poursuite de Nibali, Matteo Trentin avait roulé en tête du groupe de poursuite pour reprendre l’échappée, c’est son équipier Caleb Ewan qui se serait imposé…
Le chagrin des Belges
Une fois encore, la Primavera n’a pas souri à nos compatriotes. L’an prochain, il y aura vingt ans qu’Andrei Tchmil a ajouté un vingtième succès belge au palmarès de l’épreuve. Que ce soit Gilbert, Van Avermaet (voir ci-dessous) ou les autres, on ne les a pas vus, comme si tous avaient l’esprit ailleurs, déjà. Seul enseignement positif d’une course qui tourne de plus en plus à l’obligation pour nos compatriotes, au sprint, Jürgen Roelandt décroche la 5e place, deux ans après être monté sur le podium de la Via Roma. Heureusement, dès mercredi, entre Bruges et La Panne, débute le cycle des classiques flandriennes du printemps.
Van Avermaet: "Je suis impatient que les flandriennes arrivent"
C’est dans le minibus qui l’emmenait vers l’aéroport de Nice avec ses équipiers Jürgen Roelandts et Jempy Drucker que Greg Van Avermaet s’est finalement changé.
Avec le retard pris par la course en raison du vent, tous ceux qui rentraient vers Bruxelles avaient raté un premier avion, d’autant plus que le champion olympique avait été retenu de nombreuses minutes au contrôle antidopage. Le coureur de BMC était fataliste au moment d’évaluer sa course.
"C’est comme chaque année, soupirait-il. En plus, il y a ce vent contraire qui a fermé la course et empêché d’attaquer sur le Poggio. Ça n’a pas dû être amusant à regarder. Mais Nibali est parti au bon moment et tout le monde s’est regardé. Chapeau à lui d’avoir résisté. J’ai hésité et j’ai regardé les autres favoris. Personne n’a voulu y aller. Je pensais que des équipes comme Bora ou Sky allaient prendre leurs responsabilités, mais sans doute n’étaient-elles pas suffisamment fortes pour faire la différence. J’attendais Sagan et Kwiatkowski, ils n’ont pas bougé."
À quelques jours des premières classiques sur les pavés des Flandres, Greg Van Avermaet répète qu’il est en pleine forme.
"Je suis content de ma condition, j’étais devant quand je le devais, expliquait-il. Je suis passé cinquième au sommet du Poggio et ensuite on a décidé de jouer la carte de Jürgen (Roelandts) au sprint. Ça n’a pas mal réussi. J’ai eu de bonnes sensations toute la course et c’est encourageant pour la suite, pour les classiques flandriennes, je suis impatient qu’elles arrivent, mais Milan-Sanremo est vraiment difficile à gagner."
Son directeur sportif Max Sciandri partageait l’analyse de Van Avermaet.
"Greg est bien, il a les jambes, expliquait l’Italo-Britannique. À Tirreno, il a essayé quelques fois. Il cherche une confirmation de sa forme, mais on est sûr qu’il sera là pour les classiques. On sait qu’il a très bien travaillé cet hiver. Maintenant, tout est différent pour lui, dès qu’il bouge tout le monde est là dans sa roue, on l’attend. Il est devenu un des leaders mondiaux du peloton."
Gilbert: "Il faut être réaliste pour Paris-Roubaix"
Milan-Sanremo ne sera donc pas (cette année du moins), le quatrième monument que Philippe Gilbert épingle à son impressionnant palmarès.
"Quand on a de l’ambition et qu’on finit loin, c’est toujours une déception… " avouait le Liégeois sur la Via Roma où il était parvenu en 75e position, à plus de deux minutes de Vincenzo Nibali.
Gilbert s’était fait piéger par la chute spectaculaire de Mark Cavendish, à la sortie d’Arma di Taggia, alors que le premier peloton approchait du pied du Poggio à près de 60 km/h.
"J’étais trop loin derrière, reconnaissait-il. J’étais derrière lui quand il est tombé, j’ai dû slalomer entre les vélos, donner un coup de frein, j’ai perdu le contact. Après, c’était fini."
Le coureur de Quick Step a été handicapé par la météo.
"J’ai eu très froid au début, avec la pluie, c’était long, très, très long, disait-il. Il y avait beaucoup de vent contraire, beaucoup de souffrance, je ne sentais pas mes mains et mes pieds. Dans la finale, je ne me suis pas amélioré, mes muscles étaient figés. Cela fait un mois que cela dure, il y a beaucoup de coureurs malades, c’est difficile ce mauvais temps. On fait un sport de plein air. On subit le vent, parfois il est mis parfaitement et on s’amuse avec, comme au Samyn, mais quelquefois ça bloque tout, comme au Nieuwsblad ou aujourd’hui, même si un coureur s’échappe et va au bout. Le bon côté des choses, c’est qu’on a fait sept heures trente de vélo. C’est bon pour la suite."
Forcément, tout le monde lui parle de Paris-Roubaix.
"Toutes les courses qui viennent sont importantes, dit Gilbert. Dans la Cipressa, j’étais loin en bas, mais je suis bien remonté, donc c’est que ma condition n’est pas si mauvaise. Je me focalise sur Roubaix, c’est vrai, mais il faut être réaliste. J’ai couru une seule fois, en 2007, sans préparation, sans bon matériel. Ce sera la première fois que j’irai avec ambition, peut-être que cela ira. On verra. Quand on peut gagner le Tour des Flandres, on peut aller loin à Roubaix, mais je ne veux pas parler de victoire."