Les 12 temps forts de la carrière de Boonen (7/12): Le 10 juin 2008, la ligne blanche est franchie…
Consommation de cocaïne et d’ecstasy, conduite dangereuse et en état d’ivresse, pendant deux ans, Tom Boonen n’a pas fait que gagner des courses.
- Publié le 03-04-2017 à 13h30
- Mis à jour le 03-04-2017 à 13h38
Consommation de cocaïne et d’ecstasy, conduite dangereuse et en état d’ivresse, pendant deux ans, Tom Boonen n’a pas fait que gagner des courses. "Tommeke, Tommeke, Tommeke, wat doe je nu ?"
Tommeke, Tommeke, Tommeke, que fais-tu ? Les mots de Michel Wuyts, clamés par le commentateur de la télévision flamande lors du succès de Tom Boonen au Mondial de Madrid, en 2005, sont passés dans la mémoire collective au nord du pays. Moins de trois ans plus tard, ils vont prendre un autre sens, bien plus dramatique.
En 2008, Tom Boonen n’a pas fait que gagner Paris-Roubaix et quinze autres courses. Cette année-là, c’est en coulisses que le Campinois s’est malheureusement le plus illustré.
Lorsque le lundi 26 mai, les contrôleurs antidopage de la Communauté flamande se présentent à Postel, au domicile belge de celui qui était alors encore citoyen monégasque pour six mois, dans la maison achetée à ses parents, ce n’est pas par hasard qu’ils le font. Quatre mois plus tôt, le nom de Boonen a été cité par l’ancien cyclo-crossman Tom Vannoppen (qui démentira ensuite) aux policiers après un contrôle positif à la cocaïne, comme étant celui de son principal fournisseur. Depuis lors, Boonen est suivi à la trace.
Le dimanche 13 avril, une semaine après avoir protégé la réussite Stijn Devolder au Tour des Flandres, où son équipier lui a brûlé la politesse en démarrant de loin, Tom Boonen enlève Paris-Roubaix pour la deuxième fois. Trois ans après son premier succès au vélodrome, il devance largement au sprint Fabian Cancellara et Alessandro Ballan qui l’ont accompagné durant trente-trois kilomètres. Le quatrième, Martijn Maaskant, arrive 3 :39 après le triomphe du Belge.
Deux mois plus tard, le mardi 10 juin, une bombe éclate. Tom Boonen a été contrôlé positif à la cocaïne, deux jours avant le Tour de Belgique, où il a ensuite gagné la dernière étape. Des perquisitions, qui n’ont rien donné, ont eu lieu à son domicile de Postel et chez Lore, sa compagne, à Meerhout.
Des erreurs de jeunesse
Élu deux fois Sportif belge de l’année en trois ans, Tom est devenu une véritable star en Flandre où la Boonen-mania a atteint des sommets inégalés pour un sportif. Pourtant, pendant deux ans, le jeune homme a navigué entre la chronique des faits divers et les pages sportives des médias soufflant le show et l’effroi et multipliant les gros titres au rythme des affaires qu’il a alimentées avec ses errements et erreurs de jeunesse.
"C’est aussi, paradoxalement, ce qui a fait sa popularité, dit Paul De Geyter, son manager. Pour les gens, il était humain, un homme exceptionnel d’un point de vue sportif, mais qui pouvait commettre des bêtises et des erreurs et avoir des faiblesses."
Trois ans après s’être hissé au firmament, Boonen a flirté avec la correctionnelle, au propre comme au figuré. Comme Marco Pantani, comme Frank Vandenbroucke, il aurait pu basculer, voir le fil de sa carrière se déliter et lui aussi sombrer.
"C’étaient des erreurs de jeunesse, Tom avait tellement de pression, à 25 ans, dit Patrick Lefevere. Dans ces moments difficiles, mais aussi dans toute sa carrière, sa famille a joué un rôle primordial. Surtout sa maman, dont Tom était très proche. Il a été cloué au pilori, ce qui était justifié en partie car c’était une fête privée, à l’époque, personne ne l’a cru. Nous n’avons jamais pensé à nous en séparer. Pour Quick Step, il n’a jamais été question d’arrêter ni de continuer sans Boonen. Comme l’avait dit Frans De Cock (NdlR : le patron de Quick Step à cette époque), c’était comme dans un mariage où il y a des bons et des mauvais jours. Tom a eu une amende de quelques milliers d’euros, mais je ne crois pas qu’il l’a jamais payée (il rit). Ce ne furent pas de bons moments, je n’ai jamais pensé qu’il était perdu pour le cyclisme, même si on avait vu de mauvais exemples. C’est vrai, j’étais inquiet."
De la fin 2007 à 2009 , Boonen touche à la drogue, mais aussi à l’alcool. Début juin 2008, il est surpris conduisant en état d’ivresse (0,75 promille et 180 km/h au lieu de 90). Un incident qui survient après un excès de vitesse subi fin avril (129 km/h au lieu de 70). Tout cela lui coûtera deux mois de retrait de permis et 1.500 euros d’amende. En novembre, il est encore quitte pour une belle frayeur quand il quitte la route et manque de tomber au canal avec sa Lamborghini jaune dont il plie la carrosserie.
Il échappe à une sanction sportive
Boonen passe par le chas de l’aiguille car l’usage de la cocaïne en dehors des compétitions n’est pas interdit par le code mondial antidopage. Il échappe à une sanction sportive, sans doute deux ans de suspension, qui aurait donné un fameux coup de frein à sa carrière. Dans une grande conférence de presse, l’Anversois fait son mea-culpa et présente ses excuses au public et à ses fans.
S’il est privé des Tours de Suisse et de France, il continue à courir et même à gagner. Comme à l’issue de la 4e étape du Ster Elektrotoer, une semaine à peine après l’annonce de son contrôle à la cocaïne.
"Comme Frank Vandenbroucke, dit Johan Museeuw, Tom a aussi connu des difficultés à gérer son statut de star. Mais Tom, lui, s’est bien ressaisi."
Le 3 février 2009, après que des tests capillaires et d’ADN ont démontré que Boonen avait consommé à plusieurs reprises de la cocaïne et de l’ecstasy dans les mois précédant son contrôle, la Chambre du conseil de Turnhout le reconnaît coupable d’usage et détention de drogue mais il bénéficie de la suspension du prononcé. Il risquait une peine de trois mois à cinq ans de prison et une amende de 1.000 à 100.000 euros. Le juge motive sa décision par le fait que le coureur a suffisamment été sanctionné par les retombées médiatiques et ses pertes de rentrées financières.
Pourtant, l’histoire bégaye tristement. Après un troisième succès à Paris-Roubaix, où il a résisté dans la finale à Pippo Pozzato après un bras de fer impressionnant, le 11 mai 2009, on apprend qu’il a été à nouveau contrôlé positif à la cocaïne. On découvre même un troisième contrôle, antérieur aux deux connus.
"Le problème avec moi, reconnaît Boonen, c’est qu’après avoir vécu quatre mois comme un moine, je dois péter les plombs."
Chronologiquement, il a déjà été testé positif à Bâle, en Suisse, en novembre 2007 à la coke et l’ecstasy par l’UCI. Le contrôle ayant été effectué hors compétition, l’UCI ne l’a pas suspendu et elle n’a pas rendu l’information publique, ni ne l’a fait suivre à la justice.
Après ces nouveaux problèmes qui conduisent Quick Step à le suspendre momentanément, Tom Boonen devient quand même champion de Belgique, à Aywaille, sur les terres mêmes de Philippe Gilbert. Il obtient cette fois du Comité olympique français de pouvoir quand même courir le Tour de France, mais s’y présente usé psychiquement par tous les événements.
"Il a échappé au pire. Un certain moment dans sa carrière, Tom a perdu la concentration, tente d’expliquer Yvan Vanmol. Il a gagné très jeune. C’était surtout difficile pour lui de rester motivé à se soigner pendant douze mois. Il faisait tout pour préparer les classiques, mais après il devait lâcher de la pression. On n’a plus vu cela depuis six, sept ans. Il a compris ses erreurs, il a trouvé son équilibre familial, avec Lore, avec la naissance de ses filles."