Les 12 temps forts de la carrière de Boonen (5/12) : 25 septembre 2005 Un arc-en-ciel brille sur Madrid
En devenant champion du monde à 24 ans, Tom Boonen a donné plus de lustre encore à sa formidable carrière
- Publié le 31-03-2017 à 15h08
- Mis à jour le 31-03-2017 à 15h17
En devenant champion du monde à 24 ans, Tom Boonen a donné plus de lustre encore à sa formidable carrière. C’est la cerise qui trône sur le gâteau, le diamant qui culmine sur sa carrière. Contrairement à quelques grands spécialistes des courses d’un jour, Roger De Vlaeminck, Sean Kelly, Michele Bartoli ou Fabian Cancellara, pour ne citer que ceux-là, Tom Boonen a ajouté à son palmarès la plus belle ligne dont un chasseur de classiques puisse rêver.
C’est le dimanche 25 septembre 2005, il est 16 h 27 sur le Passeo de la Castellana, la grande artère qui borde le mythique Stade Santiago Bernabeu du Real Madrid. Le sport cycliste vient de se trouver un nouveau roi, Tom Boonen est champion du monde !
Un peu plus de six heures et demie auparavant, le Belge n’est pas le grandissime favori d’une course que l’on promet aux sprinters tant le circuit madrilène est dépourvu de réelles difficultés. Dans la première partie de la saison, Boonen a gagné pourtant le G.P. E3, prélude au doublé Tour des Flandres-Paris-Roubaix. À ces succès de prestige, il a ajouté le Tour de Belgique et deux étapes du Tour de France qu’il a cependant dû abandonner après douze jours, blessé.
Depuis le 4 juillet et sa victoire dans la 3e étape à Tours, Tom Boonen n’a plus rien gagné. À la Vuelta, qu’il a également quittée prématurément après deux semaines de course, le coureur de Quick Step a dû s’avouer vaincu, souvent largement (3e, 8e, 5e et 4e) dans les quatre sprints qu’il a disputés et qu’Alessandro Petacchi a tous remportés. L’Italien a même ajouté un cinquième succès d’étape à son tableau de chasse, le dernier jour à Madrid même, une semaine avant le Mondial. C’est lui qu’il faudra battre pour succéder à Oscar Freire, absent.
"Moi, je savais que j’étais bien, j’avais quitté la Vuelta pour pouvoir me reposer", a expliqué l’an passé, avant le Mondial de Doha, Tom Boonen.
Lequel avait dû être surpris de trouver José De Cauwer à l’aéroport de Zaventem, le jour du départ des pros.
"J’étais à Madrid depuis plusieurs jours", se souvient l’ancien sélectionneur national, "mais j’avais décidé de faire l’aller-retour pour encadrer mes hommes. Je voulais qu’ils comprennent que nous formions une équipe."
Une sélection contestée
Car la sélection du Flandrien a été contestée, notamment par Patrick Lefevere qui s’est offusqué publiquement que Boonen n’ait que deux équipiers de Quick Step dans le groupe.
"Je dois reconnaître que j’avais mis un peu d’huile sur le feu en apprenant le choix de De Cauwer", reconnaît le patron de Quick Step. "Tom n’avait que Wilfried Cretskens et Nick Nuyens comme partenaires habituels. Je n’étais vraiment pas certain que les six autres allaient jouer totalement sa carte, s’il le fallait."
Parmi les neuf sélectionnés figure un certain Peter Van Petegem, encore leader deux ans plus tôt, deux fois médaillés. À ce moment, le Flandrien a même un plus beau palmarès que Boonen, mais il a neuf ans de plus et, au printemps, il s’est fêlé la hanche.
"Dans ma tête, Peet était sélectionné depuis janvier, mais sa saison avait été mauvaise ", sourit José De Cauwer. "Même à la Fédération, on s’est posés des questions quand j’ai annoncé que j’allais le prendre. Moi-même, j’ai fini par me demander s’il serait prêt. Un jour, j’ai été le voir à une course (NdlR : le critérium de Wingene). Quand je lui ai posé la question de confiance pour savoir si je pouvais compter sur lui, j’ai vu qu’il était vexé. Tu n’as pas confiance, je t’ai dit que je serais prêt et je serai prêt !, m’a-t-il dit en me tendant la main comme si on passait un contrat. Dans son regard, dans la poignée de main, j’ai vu que c’était bon."
Le déroulement de la course arc-en-ciel et surtout son final vont donner raison à José De Cauwer. Il y a treize tours de vingt et un kilomètres à couvrir dans les rues de Madrid. Avec une habituelle échappée au long cours, les trois premiers quarts de l’épreuve sont dépourvus d’intérêt, avant qu’une charge des Italiens ne sorte tout le monde de la torpeur. Il faudra attendre le dernier tour, toutefois, pour qu’un groupe de six hommes se détache, irrémédiablement, semble-t-il. Vinokourov et, surtout, Bettini sont les principaux moteurs de l’échappée dans laquelle il y a aussi Serrano, Stangelj et le tandem néerlandais Moerenhout-Boogerd.
"Comme tous les Mondiaux, ça a été une course très longtemps fermée et ennuyeuse ", raconte Tom Boonen. "Moi, je ne pensais qu’à une chose, le sprint, et je suis resté tranquille, malgré les attaques. Mais quand Paolo (Bettini) a démarré, j’ai hésité. J’étais dans la roue de Marc Wauters qui roulait en tête du groupe. J’ai pensé faire l’effort pour revenir, mais j’ai préféré rester dans le groupe. Je me suis dit qu’ils n’iraient jamais au bout, leur avance restait minime, on les voyait sans cesse, les avenues étaient très larges. "
La victoire de toute une équipe
Mais la ligne d’arrivée se rapproche inexorablement à l’avantage des six fuyards.
"J’étais à Madrid, dans la tribune", se souvient Patrick Lefevere. "Les coureurs passaient de l’autre côté de la ligne d’arrivée, en descente, à un kilomètre de la ligne. J’ai vu le groupe avec Paolo Bettini, un coureur de mon équipe, passer, puis quelques secondes après, le peloton emmené par des Belges, mais j’ai pensé que Bettini allait sprinter pour la victoire. J’avais émis des doutes sur la sélection belge, mais tous ont été corrects et loyaux, à commencer par Wauters, Aerts et Van Petegem qui portaient pourtant des autres maillots et se sont mis à plat ventre sur la fin pour revenir sur les attaquants."
Dans l’ultime virage, à quatre cents mètres de la ligne, dans une dernière ligne droite en très légère montée, le trou est définitivement bouché.
"Je n’ai jamais pensé que la course était perdue ", raconte Tom Boonen. "On a dit que Van Petegem et Nuyens avaient bouché le trou. Nick avait attaqué à un tour de l’arrivée (NdlR : avec Leukemans, comme Devolder et Gilbert précédemment), et, repris, il a certainement effectué un relais en tête du peloton. Peet a en effet effectué un très long relais à un rythme appuyé, mais l’écart a aussi été comblé grâce à un Espagnol et à Mario Aerts. Personne n’a bouché le trou tout seul. Tout le monde dans l’équipe a fait quelque chose pour moi ce jour-là, mais je suis surtout redevable à Wilfried Cretskens et Marc Wauters qui m’ont abrité du vent toute la journée. "
Le sprint est lancé de loin et, en force, Tom Boonen s’impose devant Alejandro Valverde et le Français Anthony Geslin.
"Cela reste évidemment un des plus beaux, si ce n’est le plus beau moment de sa carrière, acquis chez Valverde de surcroît", dit Patrick Lefevere. "Sportivement, la plus belle victoire, c’est le Paris-Roubaix 2012. À Madrid, je n’y croyais plus à une minute de la fin, mais tout s’est regroupé pourtant et j’ai vu Tom lancer le sprint et le gagner. Son titre a été une bouffée d’oxygène pour le cyclisme qui était régulièrement empêtré dans des affaires à l’époque. Le temps de réaliser qu’il avait gagné, j’ai dégringolé les marches de la tribune et la suite a été de la folie !"