la nouvelle vie d'Alberto Contador: "En juillet, je mangerai de la glace devant ma télé"
L’Espagnol est sorti de sa retraite sportive le temps du Critérium de Shanghai.
- Publié le 30-10-2017 à 08h06
- Mis à jour le 30-10-2017 à 08h22
L’Espagnol est sorti de sa retraite sportive le temps du Critérium de Shanghai. Sur le podium protocolaire installé au pied du gigantesque pavillon moderniste accueillant le musée d’art chinois de Shanghai, Christopher Froome semble ne plus vouloir lâcher la main d’Alberto Contador.
Vainqueur de la première édition du Critérium Tour de France of China, le quadruple vainqueur de la Grande Boucle s’est rapproché de l’oreille de l’Espagnol (quatrième de cette dernière course pour lui) comme pour s’assurer que celui-ci comprenne chaque mot de l’hommage qu’il tenait à lui rendre. "Alberto va forcément manquer au public car il évoluait toujours avec panache !" commente ainsi le Britannique. "Mes équipiers voient peut-être la situation d’un autre œil car il leur a donné pas mal de fil à retordre ces dernières années pour contrôler la course…"
Parti à la retraite au soir de l’arrivée de la dernière Vuelta à Madrid, El Pistolero a épinglé dimanche le tout dernier dossard de sa carrière professionnelle. Les ultimes mots d’un chapitre long de quinze ans mais le début d’une nouvelle vie. Entretien.
Alberto, une émotion particulière vous a-t-elle envahi en franchissant la ligne de ce Critérium de Shanghai ?
"Cela restera l’ultime épreuve que j’ai disputée sous licence professionnelle. Un moment forcément spécial, donc, qui se déroulait dans un contexte tout aussi particulier. Sur ce type de course, l’atmosphère est toujours assez relax. J’ai d’ailleurs tenté d’aborder l’intégralité de cette saison 2017 dans un état d’esprit assez similaire, en tentant d’en savourer chaque instant. Mes objectifs étaient différents de ceux que je me fixais par le passé. Je suis ravi d’avoir pu donner mes derniers coups de pédale en tant que pro en compagnie des meilleurs coureurs du monde, mais j’ai eu le temps de faire mon deuil vous savez… Pour moi, les choses se sont véritablement achevées au sommet de l’Angliru (NdlR : là où il s’est imposé lors de l’avant-dernière étape de la Vuelta)."
Le soutien du public ce jour-là et lors de l’arrivée finale à Paris était très impressionnant. Avez-vous eu le sentiment qu’il vous remerciait à sa manière ?
"Oui, je pense bien. Cette journée était tout simplement incroyable. Il n’y a, par exemple, pas de mot pour décrire le sentiment qui m’a envahi lorsque je suis parti seul pour aller chercher la victoire d’étape. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir vivre un tel instant lorsque j’ai pris le départ de cette dernière Vuelta. Tellement de choses peuvent se passer sur une course cycliste. Décrocher un tel succès juste avant de me retirer allait au-delà du rêve…"
On imagine que votre mois d’octobre a été très différent de ceux que vous aviez coutume de vivre ces dernières saisons…
"Oui, c’est vrai. Habituellement, je relâchais quelque peu mon attention sur l’alimentation par exemple mais veillais tout de même à ne pas voir l’aiguille de la balance s’envoler car je savais que si je franchissais une certaine limite, il m’était ensuite très pénible de retrouver mon poids de forme. Je peux désormais manger ce que bon me semble même si je ne bascule pas pour autant dans l’excès. J’ai perdu pas mal de masse musculaire, mais je n’ai pas véritablement pris de kilos."
À quoi ressemblent vos journées depuis la fin de la Vuelta ?
"Mon agenda est toujours aussi rempli. Je voyage par exemple plus que lorsque j’étais coureur. Avant ce Critérium de Shnghai, j’étais ainsi au Japon où j’ai disputé une épreuve non-officielle en marge de la Japan Cup. Je quitte la Chine en ce début de semaine pour rentre visite à un grand journal espagnol à Madrid avant de me rendre à Londres pour les besoins d’un sponsor. Le principal changement dans mon quotidien est que je ne dois plus surveiller d’aussi près mon alimentation ou partir à l’entraînement tous les jours par exemple."
Vous dépensez donc, d’une certaine façon, votre énergie autrement…
"Oui, c’est tout à fait ça. Plutôt que de me défoncer sur mon vélo, je m’investis désormais dans les multiples événements auxquels je participe."
Là où certains coureurs accusent parfois le coup au soir de leur carrière, on vous sent totalement épanoui. N’est-ce qu’une impression ?
"Non, je me sens tout simplement bien. Je suis heureux d’avoir eu le luxe de pouvoir poser des choix, de décider de ce que je voulais faire de mon futur et non de me le voir imposer. Énormément de possibilités se sont offertes à moi pour les prochains mois et même les prochaines années. Pratiquement tous les projets dans lesquels j’ai choisi de m’investir sont en lien avec le cyclisme mais un autre me tient tout particulièrement à cœur. Ma fondation soutient ainsi les victimes d’AVC (NdlR : Contador en avait été victime en course en 2004, lors du Tour des Asturies). Tout cela est enthousiasmant et constitue une chance. Je sais que certains peinent à sortir du lit après la retraite, mais moi je me réveille chaque jour avec plein d’entrain. J’adore ma nouvelle vie !"
Que visez-vous avec l’équipe continentale Polartec-Kometa que vous avez créée ?
"Nous voulons devenir une référence à cet échelon. Plus que les victoires, nous souhaitons détecter de nouveaux talents et participer à leur développement. Les faire évoluer en tant que coureurs mais aussi les aider à grandir comme hommes. Ivan Basso, qui en sera le manager sportif, est la personne idéale pour cela. Si les choses se passent bien, nous pourrions monter de catégorie dans les prochaines années, mais là n’est pas la priorité. Notre atout sera de réellement servir de formation à la structure WorldTour Trek-Segafredo. Les ponts vers le monde pro seront donc plus aisés…"
Que ferez-vous en juillet prochain, au moment du prochain Tour de France ?
"Je verrai tous ces gars souffrir dans le vent et sur les pavés en mangeant de la crème glacée devant ma télévision…"