La lente érosion du cyclisme espagnol
Le retrait de Contador devrait confirmer le déclin du cyclisme espagnol.
- Publié le 16-11-2017 à 19h49
- Mis à jour le 16-11-2017 à 20h00
Le retrait de Contador devrait confirmer le déclin du cyclisme espagnol. 7 août 2017. Sur une vidéo postée sur son compte Twitter, Alberto Contador annonce à ses fans qu’il compte prendre sa retraite à l’issue de la Vuelta. Même s’il n’a réellement été effectif qu’après les critériums asiatiques d’octobre, le retrait du Pistolero est désormais une réalité, qui laisse l’Espagne orpheline.
L’arrêt de la compétition d’Alberto Contador intervient un an après celui de Joachin Rodriguez, autre élément important de l’âge d’or du cyclisme espagnol. Le départ du Pistolero coïncide aussi avec le retrait, nettement moins glorieux, de Samuel Sanchez. Le champion olympique de Pékin, confondu pour dopage à 39 ans, a peu de chance de retrouver le monde professionnel un jour.
Cette vague de départs, couplée au retour au premier plan très hypothétique d’Alejandro Valverde en 2018, annonce des heures difficiles pour le cyclisme ibérique. Sans doute bien plus difficiles encore que lors de la succession de Miguel Indurain.
Cependant, il apparaît aujourd’hui logique, en période de mondialisation, que l’Espagne rentre dans le rang. Car la période que vient de vivre le cyclisme ibérique est tout simplement exceptionnelle. Et certains n’ont d’ailleurs pas hésité à qualifier cet apogée de suspect, compte tenu des suspensions pour dopage, plus ou moins légitimes, de Valverde et Contador.
Ces dernières années, le cyclisme espagnol s’est imposé sur tous les fronts. Sur les grands Tours, bien sûr, grâce à Contador et Valverde. Mais l’Espagne s’est même inventé une passion pour les classiques. Des Ardennaises pour Valverde en passant par le Tour de Lombardie pour Rodriguez et Milan-San Remo pour Freire. Les Espagnols, par le biais de Flecha, ont même réussi à dompter les pavés. Même s’il n’a pas accroché le Ronde ou Paris-Roubaix à son palmarès, l’ancien rouleur de la Rabobank s’est tout de même imposé sur le Nieuwsblad.
Bien après la France ou l’Italie, l’Espagne s’apprête donc à prendre la mondialisation du cyclisme en pleine face. Mais le départ à la retraite de la génération dorée n’est pas la seule explication à ce phénomène.
Après les disparitions successives de Liberty Seguros, Saunier Duval et Euskaltel Euskadi, la Movistar est désormais la seule équipe ibérique du World Tour. De plus, l’équipe d’Eusebio Unzué mise actuellement presque tout sur Nairo Quintana. Ce qui ne va pas favoriser l’éclosion du futur Contador.
Le Pistolero, qui va lancer, la saison prochaine, une équipe de développement en troisième division, est peut-être le plus à même de trouver son propre successeur.
Landa incarne la relève
Le coureur basque va avoir la lourde tâche de faire oublier Alberto Contador
Après sa saison 2017, Mikel Landa suscite forcément beaucoup d’espoirs en Espagne. Désormais chez Movistar, le Basque va tenter d’incarner l’avenir du cyclisme espagnol.
Troisième du Giro 2015, alors qu’il était au service de Fabio Aru, il a manqué le podium du dernier Tour pour une seconde après avoir œuvré pour Chris Froome.
Toutefois, malgré un talent indéniable, la capacité de Landa à succéder à Contador reste encore à prouver. En effet, le Basque n’a pas su tenir le rôle de leader que la Sky lui a parfois confié. Et son arrivée chez Movistar, où Nairo Quintana ne semble pas disposé à partager le leadership, ne va rien arranger.
L’équipe d’Eusebio Unzué possède également, avec Marc Soler, un autre coureur très prometteur. Mais à seulement 23 ans, le vainqueur du Tour de l’Avenir 2015 prend encore le temps d’apprendre auprès de ses glorieux aînés.
Dans les autres équipes, Ion Izagirre et Jesus Herrada sont des valeurs sûres. Mais ils n’ont pas encore démontré, à 28 et 27 ans, qu’ils avaient l’étoffe de leurs illustres prédécesseurs.
Dans un avenir proche, l’Espagne pourrait donc résister dans les épreuves par étapes. Mais dans les courses d’un jour, le cyclisme ibérique s’approche du néant. En 2018, Alejandro Valverde tentera de maintenir, à lui tout seul, l’Espagne à flot sur les Ardennaises. Mais sur les autres classiques, le cyclisme ibérique devrait rester orphelin d’Oscar Freire et Juan-Antonio Flecha.
L’espoir Valverde
Le Murcian devrait encore être, en 2018, l’atout majeur du cyclisme espagnol
"Tout va bien pour le moment mais tant qu’on ne recommence pas à courir, on ne peut pas savoir."
Alejandro Valverde, qui a connu une revalidation rapide après sa grave chute de Düsseldorf, veut rester prudent malgré "les 700 kilomètres parcourus par semaine à l’entraînement".
Le coureur de la Movistar sait bien qu’à 37 ans, on ne se remet pas aisément de fractures à la rotule et à la cheville.
Pourtant, à l’orée de la saison 2018, El Imbatido fait preuve d’un appétit de débutant. Car les objectifs seront nombreux et intéressants pour le Murcian l’année prochaine. Hormis le Tour de France, qu’il préfère laisser à Nairo Quintana et à son nouvel équipier Mikel Landa, Alejandro Valverde va avoir l’occasion de s’illustrer tout au long de la saison. Depuis ses débuts, il a d’ailleurs fait de sa capacité à gagner de février à octobre une spécialité.
S’il est de retour à son meilleur niveau, le coureur de la Movistar pourrait rentrer encore plus dans l’histoire dès le mois d’avril. Déjà détenteur du record de victoires sur la Flèche wallonne, il tentera d’égaler les cinq victoires d’Eddy Merckx dans Liège-Bastogne-Liège.
En mai, El Imbatido retrouvera le Giro qu’il a disputé une seule fois en 2016, podium final et victoire d’étape à la clé. Trois mois plus tard, le Murcian communiera de nouveau avec ses supporters lors la Vuelta, course qui lui a quasiment toujours souri.
Mais le Tour d’Espagne sera sans doute pour Alejandro Valverde l’occasion de préparer le dernier grand défi de sa carrière. En effet, le coureur de la Movistar a déjà clairement annoncé que le mondial d’Innsbruck, en Autriche, constituera, en 2018, son principal objectif. "Il ne me reste que très peu d’opportunités de gagner cette course. J’ai remporté six médailles, mais je ne suis jamais monté sur la plus haute marche du podium. Le parcours sera très difficile et il pourrait me convenir."
La lente érosion du cyclisme espagnol
Malgré le coup dur de début juillet, Alejandro Valverde n’a donc visiblement pas l’intention de s’arrêter de gagner. Et c’est une bonne nouvelle pour le cyclisme espagnol qui, en l’absence de relève fiable, devrait encore être très dépendant des résultats du Murcian.
Loin de ses standards passés, l’Espagne occupe encore une enviable quatrième place au classement mondial. Mais cette position repose essentiellement sur ses anciens. Alejandro Valverde et Alberto Contador représentent à eux seuls plus de 45 % des points récoltés par le cyclisme ibérique. Sans le Pistolero, douzième au classement UCI, l’Espagne ne serait que la neuvième nation mondiale. Voilà où pourrait se situer le cyclisme ibérique dans un an, à condition qu’Alejandro Valverde retrouve le niveau qui était le sien au printemps dernier. L’Espagne, qui pouvait compter sur quatre gros pourvoyeurs de points du temps de sa splendeur, va donc fortement dépendre d’un coureur qui aura 38 ans le 25 avril 2018. Et dire qu’en 2009, Alberto Contador, Alejandro Valverde et Samuel Sanchez réalisaient le triplé en tête du classement UCI.