Kevin De Weert, un sélectionneur 2.0: voici ses outils pour préparer au mieux les courses
Amateur de nouvelles technologies, le coach national utilise un large éventail d’outils pour préparer au mieux les courses.
- Publié le 25-09-2018 à 12h08
- Mis à jour le 25-09-2018 à 14h40
Amateur de nouvelles technologies, le coach national utilise un large éventail d’outils pour préparer au mieux les courses. Posé sur la table d’un salon au design épuré, dans sa maison de Tremelo, l’ordinateur de Kevin De Weert a tous les contours d’un objet du quotidien.
"Il est vrai qu’il demeure très rarement éteint durant une journée complète", sourit le sélectionneur national belge. "Il s’agit de mon principal outil de travail. C’est sur mon ordinateur que j’effectue l’essentiel de la préparation des courses et analyse, par exemple, les données d’un parcours. Les nouvelles technologies ont amené une approche différente du sport cycliste dont il serait dommage de se priver... Aujourd’hui, si l’essentiel des équipes WorldTour utilisent ces méthodes et outils modernes, ce n’est pas un hasard. Elles apportent un vrai plus. Je considère donc qu’il est important de placer le curseur du professionnalisme au même niveau en équipe nationale de manière à ce que nos élites puissent évoluer dans un contexte de travail qui leur est familier."
Adoubé par les Boonen , Gilbert, Van Avermaet & Co., Kevin De Weert n’a jamais cessé de parler le même langage de ceux qui furent, autrefois, ses équipiers.
"J’ai le gros avantage d’être un jeune retraité (NdlR : 36 ans)", sourit celui qui mit un terme à sa carrière en mai 2015 chez LottoNL-Jumbo. "Il est important de demeurer en phase avec les réalités du quotidien d’un coureur contemporain. Si vous ne maîtrisez pas certaines notions de valeurs de puissance, par exemple, il devient compliqué d’entrer dans une discussion poussée avec un athlète. Une partie importante de la préparation d’un grand rendez-vous tient, par ailleurs, dans la collecte d’un maximum d’informations. Un domaine dans lequel on dispose aujourd’hui d’une large panoplie d’outils assez fantastiques."
Zoom sur ces nouvelles technologies.
Whatsapp: "Pour une communication simple et efficace"
Comme beaucoup aujourd’hui, Kevin De Weert est devenu un utilisateur assidu de Whatsapp. "Ce service de messagerie présente le grand avantage d’être simple et efficace, commente le sélectionneur national. La vie d’un coureur professionnel est loin d’épouser des horaires fixes et cette application possède l’atout de ne pas être trop intrusive. Là où un appel peut parfois mal tomber lorsqu’un athlète passe à table avec ses équipiers ou est entre les mains de son masseur, un message peut être consulté a posteriori. Attention, je reste tout de même très attaché à l’importance du dialogue les yeux dans les yeux. C’est d’ailleurs pour cela que je me rends très régulièrement sur les courses. Mais entre le briefing matinal et les sollicitations des supporters, il est devenu assez compliqué de pouvoir nouer un réel dialogue au départ d’une épreuve. Je préfère donc aller rencontrer les gars à l’hôtel, dans un contexte plus calme, lorsque je souhaite échanger plus longuement. Je considère la communication comme l’une des clés de mon métier. J’utilise également Whatsapp à des fins fédératrices. On crée souvent un groupe reprenant les sélectionnés pour le Mondial quelques semaines en amont du rendez-vous arc-en-ciel. Même si ces échanges sont virtuels, cela permet d’installer les premières bases d’un collectif. Les coureurs échangent des informations sur le matériel ou la logistique par exemple avant que certains ne commencent à y balancer quelques blagues. Cela participe à souder un groupe."
La vidéo: "Un outil de mise en situation"
Si les séances d’analyse vidéo sont devenues incontournables dans de nombreux sports collectifs comme le football, par exemple, leur usage est bien plus confidentiel en cyclisme. "Une fois qu’une course est terminée, je ne m’en repasse jamais les images", sourit De Weert. "Pour la bonne et simple raison qu’on évoluera plus jamais sur le même terrain avec les mêmes coureurs et face aux mêmes adversaires…" Lorsque la vidéo est utilisée par le sélectionneur national, c’est alors dans un tout autre contexte. "Au moment où nous effectuons notre traditionnelle reconnaissance, plusieurs mois en amont du Mondial, nous positionnons une caméra GoPro sur le tableau de bord de la voiture afin d’enregistrer les images du parcours. Chez les pros, rares sont les coureurs à demander, pour la course en ligne, un film que nous tenons à leur disposition sur DVD ou clé USB. Ils préfèrent s’immerger dans le sujet une fois sur place. Victor Campenaerts est, lui, en revanche un adepte de cette méthode pour les chronos. Il y repère une première fois les virages et se met ainsi le tracé en tête. Cela peut alors être un précieux outil de mise en situation."
Applications météo: "La vitesse du vent en temps réel"
Au moment d’analyser les prévisions météorologiques pour la course de dimanche, ce n’est pas vers les pages de la presse locale ou le bulletin de la télévision nationale autrichienne que Kevin De Weert se penchera mais plutôt vers l’écran de son smartphone. "En complément de l’application météo globale que je juge la plus complète, j’utilise également Windy. Ce petit programme fonctionne sur base d’outils de mesure du vent placés aux quatre coins du globe. Il est ainsi possible de connaître, en temps réel, la force des bourrasques où que vous soyez ou presque. Inutile de vous expliquer en quoi peut se révéler précieux lorsqu’un parcours se prête aux bordures…"
Systèmes Cronos et Intherace: "De la télémétrie pour des données en direct"
Pour la première fois lors d’un championnat du monde, la sélection belge utilisera cette année un système de transmission de données en direct. "Le procédé est assez simple, détaille Kevin De Weert. On place, sous la selle du vélo, un petit boîtier (NdlR : développé par la société belge Cronos) qui n’est pas plus grand ni plus lourd qu’un smartphone et sert à la transmission, par les ondes 4G, des données de puissance, de fréquence de pédalage et de fréquence cardiaque. Nous disposons de vingt boîtiers comme ceux-là. Devant mon écran d’ordinateur, que je sois dans la voiture derrière le coureur ou même à des milliers de kilomètres de là, je peux analyser ses informations par le biais d’un programme spécifiquement dédié (NdlR : Intherace). Nous n’utiliserons pas cet outil avec les pros mais bien avec les jeunes, dans l’exercice contre-la-montre. Cela permet de les aider à doser au mieux leur effort et éviter, par exemple, de partir trop vite."
Strava: "D’intéressants points de repère"
Extrêmement populaire dans les pelotons professionnels comme amateurs, Strava est une application au principe simple. Chaque utilisateur peut définir un "segment" (un tronçon routier ou non, de longueur variable) qu’il convient ensuite de parcourir le plus rapidement possible afin d’en devenir le recordman, ou KOM (pour King of the mountain) dans le jargon Strava. Le temps est déterminé par le biais de compteurs GPS dont est équipée la très large majorité des cyclistes de tous niveaux, ce qui permet de partir à la chasse au temps scratch à tout moment. "Je ne cherche désormais plus à aller décrocher les KOM", sourit Kevin De Weert. "Si j’utilise Strava, c’est d’abord et avant tout afin d’analyser les meilleures ascensions des pros qui ont déjà escaladé les bosses que nous serons amenés à gravir sur un parcours. Pour prendre un exemple concret, la longue côte du circuit d’Innsbruck avait déjà été empruntée lors du dernier Tour des Alpes. Le Français Thibaut Pinot y a établi la meilleure marque avec un temps de 15:19, soit une ascension des 6,8km à une vitesse moyenne de 26,6km/h. Ces données sont précieuses car elles traduisent l’effort que requiert cette ascension. Certains coureurs publient, par ailleurs, des données comme leur fréquence cardiaque ou leur puissance sur Strava. Cela aussi me permet de percevoir au mieux ce qui attend mes coureurs. Lorsque je dis par exemple à Greg Van Avermaet qu’il devra développer 390 watts pendant 15 minutes, cela lui parle directement."
GPS: "Une mine d’informations"
Très loin de l’aimant placé sur la roue avant et du capteur à positionner sur la fourche, les compteurs cyclistes fonctionnent aujourd’hui à l’aide d’un système GPS. Un outil devenu extrêmement précieux au moment de l’analyse d’un parcours. "Ces compteurs sont devenus de véritables ordinateurs de bord", détaille le sélectionneur national belge. "Même s’il faut savoir ensuite les interpréter, les données récoltées peuvent être croisées avec de nombreuses applications et logiciels. C’est une véritable mine d’informations. Cela permet de décortiquer un circuit mètre après mètre ou presque, de savoir à quel endroit précis la pente est la plus raide dans une ascension par exemple. J’intègre ainsi le fichier de données dans Google Maps afin de visualiser au mieux le parcours de la course sur la tablette que je place à côté de moi dans la voiture. Je peux ainsi zoomer à l’envie à l’approche d’une zone importante. J’utilise également Veloviewer, un site internet qui permet de visualiser les parcours en 3D. Cela se révèle surtout précieux pour les ascensions car les côtes sont alors découpées en différents tronçons colorés selon leur pourcentage et niveau de difficulté."