Jalabert et sa deuxième vie sportive: "Laurent, you are an Ironman !"
- Publié le 10-10-2018 à 12h16
- Mis à jour le 10-10-2018 à 13h00
Après 2007 et 2012, Jalabert prend part à son troisième Ironman d’Hawaï "Laurent, you are an Ironman !" Cette phrase, célèbre dans le milieu du triathlon longues distances, Laurent Jalabert l’a entendue résonner pour la première fois le 24 juin 2007, à Zurich, où l’ancien cycliste professionnel a bouclé son premier Ironman (3,8 km de natation, 180 km à vélo, 42 km à pied). Un défi relevé avec succès par celui qu’on connaissait vainqueur de classiques ou d’étapes, moins coureur et encore moins triathlète. Étonnant parcours que celui de Laurent Jalabert qui, ce samedi 13 octobre, prendra part à son troisième Ironman d’Hawaï, après ceux de 2007 et 2012, au terme d’une saison 2018 digne des meilleurs de la discipline.
Laurent, comment êtes-vous venu au triathlon ?
"Par hasard ! C’est un copain qui m’y a amené en novembre 2006. Mais, pour bien comprendre, il faut remonter un peu plus loin dans le temps. Après ma carrière cycliste, en 2002, j’ai arrêté toute activité sportive. Après quelques mois, j’ai constaté que j’avais pris un peu de poids et je me suis dit que je devais me bouger. J’ai commencé à courir. Assez rapidement, je me suis rendu compte que j’étais un mordu de sport. Pas forcément de compétition. Mais il m’était devenu évident que le sport était dans mes gènes. J’ai donc commencé à courir régulièrement et un autre copain m’a proposé de courir le Marathon de New York. Quoi de plus beau pour une première ? J’ai relevé le défi et j’ai bouclé l’épreuve en 2h55.15, un chrono intéressant pour un gars qui ne courait que depuis quelques mois. Et, surtout, un résultat qui m’a donné envie de poursuivre au point de m’entraîner cinq fois par semaine. J’ai encore couru à Londres et à Chicago. Mais, alors, je me suis blessé. Et ce fut là qu’intervint mon copain, le premier, avec qui je m’entraînais et qui, lui, pratiquait le triathlon. Il m’a simplement suggéré de varier les plaisirs en ajoutant la natation et le vélo, tout en diminuant mes séances de course à pied."
De là à disputer un Ironman dès juin 2007…
"Oui ! D’autant qu’en novembre 2006, quand j’ai accepté sa proposition, je ne savais pas nager… Me baigner, oui, mais nager le crawl, non ! Je me suis donc inscrit dans un club où j’ai appris à coordonner ma respiration avec le mouvement. Je suivais un programme sans vraiment savoir si j’étais capable d’assurer sur le plan technique. Mais, finalement, aujourd’hui encore, j’essaie de sortir de l’eau sans trop me poser de questions."
Comment s’est déroulée votre première à Zurich ?
"Bien ! J’ai terminé 22e, en 9h12, un résultat qui me qualifiait pour Hawaï ! Enfin, c’est ce que je pensais à l’arrivée car, officiellement, j’ai été disqualifié, puis pénalisé… Ce fut toute une histoire."
Les résultats officiels de l’épreuve renseignent, en effet, une pénalité de 12 minutes et vous classent 41e, en 9h24.29. Que s’est-il passé ?
"Vu mon faible niveau après six mois de natation, je suis sorti très loin de l’eau. Mais, une fois sur le vélo, je savais que je rattraperais pas mal de monde. Mon copain m’avait prévenu de toujours laisser un espace entre les autres concurrents et moi. Et donc de les doubler le plus vite possible. Mais il y avait un tas de gars devant moi ! Impossible de ne pas être proche d’eux… J’ai donc commencé à rouler à gauche de la route. Tout se passait bien jusqu’à ce que, dans un virage, un type brandisse un carton vers moi, l’air fâché. Lorsque j’ai rejoint mon copain, je lui ai raconté la scène. Il m’a demandé : ‘De quelle couleur était le carton ?’ Jaune, lui ai-je répondu. ‘Tu as pris une pénalité de 6 minutes, mais ce n’est pas grave…’ Et j’ai continué. Ce n’est qu’à l’arrivée que la situation s’est envenimée. En fait, après avoir reçu ce carton jaune, j’aurais dû m’arrêter en prison et purger ma pénalité. Mais, moi, je ne le savais pas. Je découvrais tout ça. Et j’avais continué… Avec mon copain, j’ai payé mon inscription (slot) pour Hawaï. 600 euros quand même… Pour, ensuite, apprendre que j’étais disqualifié. Alors, je leur ai dit : ‘Rendez-moi mon argent !’ Embêtés, ils m’ont répondu : ‘On va vous mettre 12 minutes. Ainsi, vous gardez votre qualification.’ Voilà l’histoire de cette pénalité…"
Vous vous êtes donc qualifié pour l’Ironman d’Hawaï du premier coup ?
"Euh… Oui ! Bon, je l’avoue : j’ai hésité. Pour moi, Zurich était un one-shot . En outre, ma femme n’était pas très contente en me voyant replonger ainsi dans le sport, dans les voyages, d’autant qu’elle avait peur de l’avion. Mais mon copain m’a convaincu en me disant : ‘Il y a des mecs qui vendraient leur voiture pour participer à l’Ironman d’Hawaï !’ Et je suis parti. Sans ma femme…"
Outre la course à pied et le triathlon, Laurent Jalabert a une autre passion sportive : l’ultra-trail ! Et, une fois encore, c’est un copain qui l’y a amené en lui proposant de participer au fameux Grand Raid, également appelé la Diagonale des Fous, sur l’île de La Réunion.
"J’y ai pris part à deux reprises. En 2008, avec mon copain et en 2016, avec mon frère Nicolas qui, depuis lors, est devenu meilleur que moi dans la discipline. Notre objectif était de terminer ensemble cet ultra-trail de 160 km avec un dénivelé positif de 9.000 m. Et nous y sommes arrivés… Comme moi, Nico a le sport dans les gênes !"
Rien ne dit que Laurent pourra persuader son petit frère de se mettre au triathlon, où son prochain objectif sera l’île Maurice, fin d’année, et le Mondial de demi l’an prochain, à… Nice !
Quelle fut votre première impression, cette année-là, en arrivant en Hawaï ?
"Pour être honnête, un peu bizarre. Beaucoup roulent des mécaniques, comme on dit. Et puis, c’est aussi à celui qui a le plus beau vélo, le meilleur matériel. Je n’apprécie pas trop ce côté business. Hormis cette facette commerciale, ce qui m’a frappé, c’est que, là-bas, tout le monde s’entraînait tout le temps. Et je me suis dit : ‘Bon sang, je ne suis pas prêt.’ Je l’avoue : j’étais en plein doute les jours précédant l’épreuve."
Hawaï 2007 n’en demeure pas moins votre meilleur souvenir, non ?
"Tout à fait ! Tout d’abord, parce que ce fut une découverte, à la fois de la compétition et de moi-même. Finalement, j’étais bien. J’ai terminé 76e en 9h19.58. Et j’ai tellement aimé que j’y suis retourné en 2012. Cette année-là, je me suis classé 160e en 9h37.36. Franchement, j’étais mieux entraîné, surtout en natation. Mais je n’avais gagné qu’une trentaine de secondes par rapport à 2007. À la transition, j’étais dégoûté ! Je me suis agacé sur le vélo. J’ai roulé trop fort et j’ai vraiment galéré à pied. Quand on est dans le dur comme ça, on se demande parfois pourquoi on est là. Ce fut mon cas…"
Un peu de trail...
Outre la course à pied et le triathlon, Laurent Jalabert a une autre passion sportive : l’ultra-trail ! Et, une fois encore, c’est un copain qui l’y a amené en lui proposant de participer au fameux Grand Raid, également appelé la Diagonale des Fous, sur l’île de La Réunion.
"J’y ai pris part à deux reprises. En 2008, avec mon copain et en 2016, avec mon frère Nicolas qui, depuis lors, est devenu meilleur que moi dans la discipline. Notre objectif était de terminer ensemble cet ultra-trail de 160 km avec un dénivelé positif de 9.000 m. Et nous y sommes arrivés… Comme moi, Nico a le sport dans les gênes !"
Rien ne dit que Laurent pourra persuader son petit frère de se mettre au triathlon, où son prochain objectif sera l’île Maurice, fin d’année, et le Mondial de demi l’an prochain, à… Nice !
Un Armentière bis
L’année 2013 fut à marquer d’une pierre noire pour Laurent Jalabert, victime d’un accident lors d’un entraînement à vélo, le 11 mars.
"J’ai été fauché par une voiture suite à son refus de priorité. Verdict : double fracture ouverte de la jambe, fracture du bras également et, surtout, un nerf abîmé. J’en ai perdu la mobilité des doigts de la main pendant un long moment, ce qui eut pour conséquence que je ne pouvais plus rouler à vélo car je ne pouvais plus freiner. Mais j’en suis revenu. Par la course à pied… J’en ai profité pour participer de nouveau, en 2015, au Marathon de New York où je me suis classé 464e, en 2 h 54.51, quelques secondes de mieux qu’en 2005."
Aujourd’hui, l’accident n’est heureusement plus qu’un mauvais souvenir de l’après-carrière pro de Laurent Jalabert…
Laurent Jalabert a pratiqué les trois sports pendant le Mondial cycliste à Innsbruck
Laurent, vous êtes qualifié pour Hawaï depuis novembre 2017, à Cozumel. Mais vous avez enchaîné avec une saison 2018 digne des pros, non ?
"J’ai simplement le privilège de pouvoir choisir mes épreuves et mes destinations. Au-delà de l’aspect purement sportif, j’essaie de décourvir de nouveaux horizons. Ce fut le cas avec le Mexique l’an dernier, mais aussi avec la Martinique, l’île Maurice, Las Vegas, le Panama auparavant. Cette année, j’ai disputé quatre épreuves au label Ironman. Il y avait un moment que je voulais m’aligner sur le demi d’Aix-en-Provence. Et puis, l’Ironman de Nice était incontournable pour moi, mais aussi pour les partenaires qui me soutiennent. J’ai pourtant dû y abandonner, volontairement…"
Ah bon, pour quelle raison ?
"Je me suis blessé au pied mi-mai, à Aix justement. En principe, j’en avais pour six semaines. Mais ça a duré plus longtemps. Je n’ai finalement repris les entraînements de course à pied que début août. Alors, oui, fin juin, à Nice, j’avais volontairement oublié de mettre mes chaussures de course à pied à la transition, histoire de ne pas être tenté de courir quand même… Ce ne fut pas une décision facile, croyez-moi."
Depuis lors, vous êtes parti en Afrique du Sud pour le Mondial de demi-Ironman et revenu à… Nice pour le demi également. Comment parvenez-vous à gérer vos emplois du temps sportif et professionnel ?
"J’ai la chance de pouvoir m’organiser. Quand je suis sur un événement pour France Télévisions comme le Tour ou le Mondial, j’emporte toujours mon maillot et mes baskets. Et, quand les autres vont boire un verre, moi, je vais m’entraîner ! Je m’entraîne tôt le matin, tard le soir. Parfois même la nuit… Lors de mon arrivée à Innsbruck pour le Mondial, ma première préoccupation était de repérer où était la piscine et de vérifier quelles en étaient les heures d’ouverture. J’ai ainsi nagé deux fois. J’ai également demandé un vélo à prêter à l’équipe de France et je me suis offert deux sorties pendant mon séjour en Autriche, ce qui était nécessaire à deux semaines de l’objectif de ma saison…"
Vous vous entraînez tout le temps ?
"À vélo et à pied, oui ! Mais je ne nage pas toute l’année. Compte tenu de mon niveau, c’est peine perdue. Mais, à l’approche d’un objectif, je m’y remets. La première fois, ça va. Ensuite, c’est dur !"
Quel est votre objectif, cette année, à Hawaï ?
"Écoutez, étant donné que je ressens de nouveau une douleur au pied, j’essaierai de gérer au mieux. Ce doit être l’âge… Mais, sincèrement, ce serait génial si je pouvais terminer quelque part entre mes chronos de 2007 et de 2012, c’est-à-dire entre 9 h 19 et 9 h 37. J’espère avoir appris. Être meilleur en natation et, surtout, avoir retenu la leçon à vélo pour ne pas terminer sur les genoux. Ceci dit, Hawaï aura une saveur particulière pour moi cette année, celle de mes 50 ans, puisque j’y emmène toute ma famille, à l’exception de ma plus petite fille, de trois ans et demi."