Geraint Thomas se livre: "Si je vais sur le Tour, c'est pour le remporter"
- Publié le 05-11-2018 à 06h45
- Mis à jour le 05-11-2018 à 07h53
Le vainqueur du Tour de France est revenu longuement sur la plus belle victoire de sa carrière. C’est l’histoire d’un coureur à peu près normal pour qui la vie a complètement changé l’espace d’un été. Geraint Thomas, en damant le pion à Chris Froome sur la dernière Grande Boucle, est entré dans le cercle très fermé des vainqueurs du Tour de France. La Sky a réussi le pari d’inscrire au palmarès de la plus grande épreuve du monde un troisième Britannique. "Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse", doivent avoir comme devise les dirigeants anglais.
L’ivresse, c’est ce qu’a connu Thomas pendant les semaines qui ont précédé le Tour de France. Il s’est confié dans les travées d’un hôtel de Saitama, avant le critérium japonais.
Avez-vous vraiment pris conscience d’être désormais un vainqueur du Tour de France ?
"J’ai passé des semaines complètement folles après ma victoire. J’ai voyagé partout et j’ai eu un agenda très chargé. Je n’ai pas encore tout à fait réalisé que j’étais un vainqueur du Tour de France. Là, je me réjouis juste de rentrer à Monaco et de revenir à une vie normale, avec la routine ponctuée par des journées d’entraînement. Peut-être qu’à ce moment-là je réaliserai enfin que je suis un vainqueur du Tour. Je pense que, d’une certaine manière, c’est positif que je ne vive pas en Grande-Bretagne pour essayer de revenir à une vie simple."
Comment avez-vous géré l’après-Tour ?
"Il est très difficile de se maintenir en condition et de rester fit , surtout quand tu passes autant de temps loin de ton vélo. Mais avant tout, je veux profiter de ce moment parce que cela n’arrive certainement pas souvent dans une vie. Quand je suis rentré chez moi, au pays de Galles, c’était incroyable. Voir tout ce public qui s’était déplacé pour moi, des rues fermées dans le centre-ville, je ne l’oublierai jamais."
Quand avez-vous compris que vous étiez en mesure de gagner ?
"Lors de la dix-septième étape, Froomey a perdu du temps dans le dernier col à Saint-Lary-Soulan. Quintana avait gagné lors de cette journée, mais je me sentais super bien et j’avais conforté mon avance au général. Après cette étape, il ne restait plus qu’une étape en montagne et un chrono, ça se rapprochait."
Vous avez fondu en larmes la veille de l’arrivée à Paris…
"Sincèrement, je prenais jour après jour les événements comme ils venaient. C’est pour cela qu’après le dernier chrono, lorsque j’ai réalisé que j’avais vraiment gagné le Tour, j’ai fondu en larmes à la télévision internationale. J’ai été pris par l’émotion d’un coup parce que je n’avais jamais réellement pensé que j’allais le faire."
"Si je vais sur le Tour, c’est pour le remporter"
Thomas ne connaît pas encore l’étendue de son programme
L’appétit vient en mangeant. Désormais fort de son titre sur le dernier Tour de France, l’ego, le salaire et l’aura de Thomas ont augmenté. Si son programme n’est pas encore clairement défini, il est certain d’une chose : il ne veut pas s’arrêter à une Grande Boucle et voudrait en rajouter une de plus à son palmarès.
"Si je devais aller à nouveau sur le Tour, je me donnerais à 100 % pour le remporter, comme Froome", envoie, plein de sang-froid, le protégé de Dave Brailsford. "Je pense sincèrement que nous devrions alors faire la même course que cette année avec Froomey , partir dans le même état d’esprit. Comme tout le monde le sait, tout peut arriver sur trois semaines de compétition. Je ne veux pas rouler contre quelqu’un. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas travailler de la même façon la saison prochaine."
Le message est adressé à ses dirigeants. Le Gallois envisagerait avec plaisir d’être au départ à Bruxelles du prochain Tour.
"Ok, cette année sur les étapes de plaine, l’équipe roulait pour Froomey mais de toute manière, je me positionnais souvent juste devant lui, donc j’étais bien placé également", glisse celui que l’on surnomme "G". "Rouler dans un peloton, je ne vais pas dire que c’est facile mais je suis capable de le faire. Nous allons dans quelques semaines analyser les différents parcours du Giro et du Tour de France avec les dirigeants et Froome fera la même chose de son côté. Je suppose qu’il (Froome) voudra revenir sur le Tour pour décrocher sa cinquième victoire. Je le répète, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas répéter la même chose en 2019. À titre personnel, j’aimerais vraiment revenir sur le Tour."
Le Giro offre aussi un beau terrain de chasse. Grandes et somptueuses étapes de montagne, trois chronos, les organisateurs italiens ont mis les petits plats dans les grands pour tenter de concurrencer une fois encore la grand-messe de juillet.
" Je veux aussi revenir sur le Giro un jour", rajoute le coureur âgé de 32 ans. "Sur certains points, j’ai un goût d’inachevé là-bas."
Il avait chuté lors de la 9e étape du Giro 2017, à cause d’une moto de l’organisation alors qu’il pointait à la deuxième place du classement général. Il avait dû abandonner quelques jours plus tard et avait assisté de chez lui au sacre de Tom Dumoulin.
"Froome n’avait pas les jambes pour gagner"
Le Gallois est revenu sur sa relation avec le quadruple vainqueur du Tour
Dans une interview accordée au Guardian, Thomas a avoué qu’au début du Tour de France Froome bénéficiait d’un traitement privilégié et qu’il restait le leader absolu de la Sky. Déjà après une étape, Thomas avait relégué Froome à plusieurs dizaines de secondes.
"J’ai apprécié ce Tour même si, quand tu joues le classement général, tu dois rester attentif tous les jours, avoue Thomas. Remporter deux étapes et le maillot jaune, c’est évidemment quelque chose qui me réjouit fortement. Je ne pensais pas à de possibles événements inattendus comme une chute ou un autre incident. Quand tu tombes trop dans l’émotion, tes performances peuvent trop varier d’une journée à l’autre."
"Avec Froome, comme nous sommes amis à la base, notre relation n’a pas été mise à mal lorsque j’ai repris le leadership au sein de l’équipe, avance l’ancien coureur de la Barloworld. Nous avions tous les deux nos chances au début du Tour et Froome était autorisé à rouler sa propre course jusqu’à la dix-septième étape. Il a accepté cette situation, probablement parce qu’il a senti qu’il n’avait pas les jambes pour gagner le maillot jaune. Nous sommes encore de très bons collègues à cette heure-ci."
Par exemple , lors du chrono par équipes, la Sky avait donné comme indication de ne pas attendre Thomas si celui-ci venait à crever. Il pointait alors à la 6e place du classement général au matin de cette journée, avec 52 secondes d’avance sur Froome. Tout comme le soir de l’étape des pavés : à cause d’une coupure d’électricité, la climatisation n’était disponible que dans une seule chambre à l’hôtel, et c’est Froome qui avait décroché le graal devant Thomas. "Ce sont juste des exemples qui prouvaient que c’était bel et bien Froome le leader aux yeux des dirigeants", explique Thomas.
Des petits moments de frustration qui ont été bien vite oubliés par l’ancien vainqueur du Grand Prix de l’E3. "J’ai raconté ce genre d’anecdotes pour être honnête et sincère avec tout le monde. C’était une décision de l’équipe et je devais l’accepter. Nos dirigeants ont dû réfléchir durant de longues minutes, car c’était vraiment un choix difficile à faire. Ce sont des choses qui se produisent en interne et que, je pense, le public aimerait savoir."
"Il faut remonter à Indurain"
Geraint Thomas connaît l’ampleur de sa tâche s’il venait à revenir sur le Tour de France la saison prochaine.
"Chaque grand Tour est différent, tu ne sais jamais comment la concurrence, comme Roglic, Kruijswijk ou Dumoulin, va évoluer", analyse le vainqueur de Paris-Nice 2016. "J’ai énormément de respect pour Froome qui a déjà remporté six grands Tours dans sa carrière ! Je ne sais pas quel est le dernier coureur à avoir défendu avec succès son premier Tour de France victorieux. Il faut remonter à Indurain, c’est dire la hauteur de la performance. Même Froome n’y est pas parvenu. Il a abandonné en 2014. Maintenant, je vais participer au critérium de Shanghai, passer par Manchester puis seulement rentrer, enfin, chez moi à Monaco."