Pourquoi la "génération sans tabac" est une utopie en Belgique : "L'idée est séduisante mais les accises liées au tabac rapportent beaucoup à l’État”
Au Royaume-Uni, les jeunes de moins de 15 ans ne pourront plus jamais acheter de tabac. Une “génération sans tabac” qui séduit les tabacologues en Belgique mais compliquée à mettre en place.
- Publié le 19-04-2024 à 09h45
- Mis à jour le 19-04-2024 à 11h19
Le Royaume-Uni devrait progressivement devenir un pays sans tabac : les députés ont voté mardi en faveur d’un projet de loi selon lequel les jeunes de moins de quinze ans aujourd’hui ne se verront jamais vendre légalement de cigarettes une fois qu’ils auront passé l’âge de 18 ans.
Selon le gouvernement, environ 12 % des Anglais de 16 et 17 ans fument. Quatre fumeurs sur cinq ont commencé avant l’âge de vingt ans et restent dépendants jusqu’à la fin de leur vie, même si la plupart d’entre eux ont essayé d’arrêter, selon des chiffres du gouvernement.
En Belgique, jusqu’à présent, ce sont des “mesurettes” qui ont été prises pour dissuader les fumeurs de continuer, selon le tabacologue Marc Moers, qui salue l’initiative prive chez les anglo-saxons. “Le fait d’interdire la vente à vie est une bonne chose. En Belgique, on se contente de demi-mesures comme une augmentation progressive du prix. Or, on sait que ce genre de mesure n’est pas efficace. Ce qu’il faut, c’est convenir d’une augmentation brutale du prix du tabac pour dissuader les fumeurs comme cela se fait en Australie (où le prix d’un paquet de 25 cigarettes a augmenté de 25 % en 2024 pour désormais être vendu à 30 euros, NdlR)”
"Les politiciens ont une vision à court terme”
Si la Belgique peine à prendre des mesures fortes comme au Royaume-Uni, c’est notamment pour des raisons budgétaires. “Le problème est d’ordre financier puisque les accises liées au tabac rapportent un peu plus de trois milliards d’euros à l’État. Or, il apparaît que les coûts des soins de santé engendrés par les conséquences du tabac rapportent, eux aussi, trois milliards de frais. Donc au final cela ne rapporte quasi rien. Mais comme les effets sur la santé se font à retardement, après 15 à 20 ans, les politiciens ne légifèrent pas car ils n’ont pas de vision à long terme. Le fait d’interrompre brutalement les rentrées d’argent ne serait pas favorable d’un point de vue budgétaire à court terme”, poursuit Marc Moers.
Interdire purement et simplement la vente du tabac aux jeunes nés en 2009 serait donc “une excellente idée”, selon ce spécialiste mais dans la pratique, ce n’est pas si simple à mettre en place. “Le lobby du tabac est extrêmement puissant et cible les jeunes avec des produits qui semblent “sympathiques” mais qui mènent sournoisement à une dépendance. Le tabac est le seul produit de consommation qui tue la moitié de ses consommateurs. C’est un produit qui, de manière éthique, ne peut pas être sur le marché car trop toxique, or c’est toujours commercialisé par l’action de ces lobbies”, ajoute Marc Moers.
De son côté, le ministre de la Santé Franck Vandenbrouck se dit séduit par la mesure anglo-saxonne même s’il convient, dans un premier temps, “d’augmenter l’âge à partir duquel les adolescents peuvent acheter des cigarettes”, a-t-il affirmé sur Bel RTL, non sans rappeler les mesures déjà prises en matière de lutte contre le tabagisme. “À partir de 2025, il sera interdit de fumer dans des lieux fréquentés par des enfants à savoir les parcs d’attractions, plaines de jeux, zoos, infrastructures sportives, afin d’éviter qu’ils soient confrontés à des fumeurs.”
Le ministre socialiste a rappelé que les cigarettes électroniques et les vapoteuses jetables “qui sont des éléments d’incitation au tabac” seront également interdites à partir du 1er janvier 2025.